Crise au PQ

L'avenir de la libération nationale ne passe plus par le PQ

Les indépendantistes orphelins

Le Parti québécois est depuis la fin des années 1960 le bateau amiral du mouvement souverainiste. Mais la route qu'il suit est sinueuse et de plus en plus nébuleuse. Ses tergiversations et ses ambiguïtés le conduisent de crise en crise, ce qui mine sa crédibilité et ses capacités de mobilisation.

Au-delà des idiosyncrasies de ses chefs, cette situation s'explique largement par les conditions qui ont présidé à la naissance de ce parti. Pour accéder au pouvoir, il s'est voulu au départ un parti de coalition regroupant d'une part tous les courants du nationalisme québécois et d'autre part un large spectre de la palette des idéologies particulières balisant un projet de société social-démocrate.

Cette cohabitation de tendances hétéroclites était fonctionnelle même si elle engendrait des tensions occasionnelles sur des enjeux particuliers. En dépit des débats intenses, le Parti québécois a réussi à surmonter les divergences tant qu'il ne renonçait pas à la réalisation de son objectif fondamental. L'accession à la souveraineté était sa raison d'être et lui a donné sa cohérence.

Mais chaque fois que l'option était remise en cause pour convenance électoraliste, le parti a connu une crise existentielle. Le Parti québécois a connu sa première dérive idéologique en 1985 lorsqu'il a remplacé la souveraineté par la logique autonomiste de l'affirmation nationale, ce qui a entraîné la démission de plusieurs députés et ministres. Il a retrouvé sa cohésion deux ans plus tard avec Jacques Parizeau et le retour de la souveraineté comme raison d'être.

Marginaliser la souveraineté

La crise qui le secoue aujourd'hui procède de la même logique. Les acrobaties sémantiques entourant le concept de gouvernance souverainiste cachent mal la remise en cause de la souveraineté et le retour du balancier vers une forme d'autonomisme provincial. L'astuce consiste à garder la rhétorique souverainiste, mais en la dépouillant de toute conséquence politique. La gouvernance souverainiste est pour ainsi dire, aujourd'hui, l'habit neuf de l'autonomisme provincial.

Depuis la cuisante défaite électorale de mars 2007, le PQ a délaissé son orientation souverainiste et progressiste pour effectuer discrètement un retour au nationalisme de la survivance en remettant la souveraineté aux calendes grecques. Pour défendre de façon crédible un programme qui accepte le cadre provincialiste d'un éventuel gouvernement péquiste, on se devait de marginaliser la souveraineté comme objectif politique.

Sous la direction de Pauline Marois, l'objectif pour les prochaines années et même pour les prochaines décennies sera de promouvoir la culture et l'identité québécoise et non pas le changement de statut politique. Il s'agit de revendiquer de nouveaux pouvoirs pour le Québec dans le cadre du fédéralisme canadien, tout cela sous le chapeau de la gouvernance souverainiste. On pense ainsi rallier l'électorat nationaliste de l'ADQ. Tout comme les autres partis politiques, le Parti québécois propose une forme de moratoire sur l'accession à la souveraineté.

En acceptant de construire l'identité nationale dans le cadre canadien, le Parti québécois invalide la nécessité de la souveraineté et la dévalue comme projet politique. On fait croire aux Québécois qu'il est encore possible de trouver des accommodements dans le système fédéral, ce qui suppose en bonne logique qu'on doive en accepter la légitimité. Ce positionnement non seulement invalide la nécessité de la souveraineté, mais en plus il nuit à la crédibilité du Parti québécois qui nage en pleine ambivalence en ménageant la chèvre et le chou. Mais, fait encore plus grave de conséquences, on demande aux indépendantistes de se taire et de se retirer du débat public. Il ne sera plus possible désormais de faire la promotion de l'indépendance au sein du Parti québécois.

Thèses fédéralistes à l'avant-scène

Ce genre de farfinage conceptuel motivé par le goût du pouvoir risque d'être contre-productif électoralement, car les électeurs ne feront pas confiance à un parti qui veut jouer sur deux tableaux et dont l'option n'est pas claire. On ne peut à la fois être pour la réforme du fédéralisme et pour l'accession à l'indépendance.

Cette nouvelle position est inacceptable pour ceux qui font de la politique pour que le Québec devienne un pays indépendant. Les indépendantistes pensent que le rôle d'un parti est d'abord de faire la promotion de ses idées et que le Parti québécois par son abdication électoraliste se fait complice du processus de fédéralisation des esprits soutenu par le gouvernement canadien.

Les militants indépendantistes qui ont déserté le Parti québécois depuis le référendum de 1995 et ceux qui le quitteront dans les prochains mois voudront reconstituer une force indépendantiste pour la simple raison qu'une option qui est absente du débat public s'efface de la conscience collective. Si l'indépendance n'est pas à l'ordre du jour et ne fait pas partie des choix crédibles offerts à l'électorat, ce sont les thèses des fédéralistes qui s'imposeront dans l'esprit des Québécois.

Un parti de militants

Un nouveau parti indépendantiste donnera une voix à tous ceux qui sont en attente d'un projet clair et cohérent et qui sont pour l'instant orphelins, inactifs et démobilisés par les tergiversations et les inconséquences du Parti québécois. Ce nouveau parti se différenciera non seulement par son objectif, mais aussi par sa conception de l'action politique. Il s'agit de créer un parti de militants, un parti de combat et non pas simplement un parti à vocation électorale.

Un parti voué à la réalisation de l'indépendance est indispensable pour enrayer la régression politique qui affecte le Québec et qui nous précipitera dans l'acceptation de notre condition minoritaire et nous mènera à la folklorisation. Il faut une force de contestation des partis qui font croire aux Québécois qu'il est encore possible de conquérir des parcelles de pouvoir dans le cadre du fédéralisme. Autrement, s'il n'y a pas de solution de rechange électorale à ces partis, les Québécois abandonneront l'ambition d'être une nation réelle, car ils n'auront d'autre choix que de voter pour des hochets de souveraineté comme une constitution interne, une citoyenneté provinciale, une déclaration de revenus unique ou autre projet de gouvernance souverainiste que propose le PQ.

Les illusions ont la vie dure au Québec et sont entretenues par le système fédéral qui laisse toujours espérer des réformes qu'il intégrera à son projet national et qui serviront essentiellement à le légitimer. Seule la présence d'une organisation indépendantiste peut enrayer la régression provincialiste du Québec et reconstituer à moyen terme une coalition des forces de changement.

Se battre pour ses idées

Le retour à l'affirmation nationale qu'impose la stratégie péquiste ne peut rallier ceux qui refusent de se laisser définir comme minorité culturelle dans un Canada uni et qui ne veulent pas continuer à entretenir l'ambivalence collective que nous impose la subordination provinciale. Nous ne voulons pas aménager notre dépendance, mais y mettre fin pour nous gouverner nous-mêmes. Nous croyons que la cohérence et la constance politiques sont sources de crédibilité et de confiance et qu'il vaut mieux se battre pour ses idées plutôt que d'accepter des compromis boiteux.

C'est en défendant ses idées qu'on peut le mieux les répandre dans la société. Il est absurde de penser convaincre en déguisant son option ou en la réduisant à un vague horizon. Qui peut prendre au sérieux la souveraineté s'il n'est pas nécessaire de la réaliser et si on peut l'exclure du calendrier électoral et la reporter indéfiniment? L'avenir de la libération nationale ne passe plus par le Parti québécois. Il faut en finir avec l'attentisme qui est devenu la politique de ce parti qui ne fait rien pour motiver les Québécois à sortir du Canada.

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Denis Monière - Politologue et signataire du manifeste du Nouveau Mouvement pour le Québec


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