Un texte d'humeur

Déconfiture ou renaissance?

Les indépendantistes orphelins

Je suis un partisan du plan Larose. Enfin une perspective d’action qui m’apparaissait avoir du souffle. Mais le dernier congrès du PQ, je dois l’admettre, m’a laissé sur ma faim. Pierre Cloutier a été fort éloquent là-dessus, et je ne puis qu’être d’accord avec lui. Ses propos m’exaspéraient jusqu’à tout récemment, mais j’avoue qu’il a touché une corde sensible en faisant état des incohérences entre le plan Larose et le plan Marois.
J’ai relu le plan Larose. Pierre Cloutier a raison : le plan Marois ne répond pas à l’esprit de son plan. L’emballage y est, mais pas l’essentiel de sa substance. Le plan Larose exige que l’on mette la barre haute, le programme actuel du PQ n’en est pas un de transition vers l’indépendance, mais un d’affirmation. Gouvernance nationaliste à la sauce social-démocrate légère, sans perspective de rupture sérieuse. On ne construit pas l’État, on ne fait que mettre son potentiel en évidence, au mieux. Une sorte de chant du cygne fort timide de la Révolution tranquille. La droite fédéraliste s’en pourlèche les babines, une certaine gauche nationaliste itou, mais pour d’autres raisons idéologiques. C’est écrit dans le ciel : la patente fera long feu, et on tergiversera en sparages déglingués dès les premiers coups de canons de l’ennemi. Les tanks du fédéral n’en ont n’ont rien à foutre de bretteurs en tuniques bleues, même imbu de leur superbe. Et quant à y être, j’en rajoute : a-t-on remarqué à quel point le PQ a délaissé la politique fédérale?

De son côté, le Bloc persiste et signe. Course à la chefferie, rien de moins. Mais Bigras, Paquette et Paillé se désistent. Que feront-ils? Retourner sur « leurs terres » et passer à autres chose? Ou bien comptent-ils prendre un certain recul pour nous revenir avec l’intention de donner plus de corps au mouvement qui prend peu à peu forme? Un indice : Bigras, déjà, discute avec Legault. Ouf!

Le citoyen Duceppe, qui aurait pu devenir un leader de la nouvelle mouvance, a préféré se joindre à l’équipe de Radio-Cadenas. Croit-il sincèrement qu’il n’y a plus rien à faire? Ce qui reste du Bloc semble vouloir persister dans une forme de fuite en avant. By jove!, comme dirait Parizeau, c’est pourtant clair, c’est au Québec que ça se passera dorénavant! Le PQ, QS et le mouvement social naissant ont crissement besoin de l’expérience des bloquistes, et c’est peu dire!
La déconfiture du Bloc est ce qu’elle est : ce parti, créé pour dynamiser le processus vers l’indépendance suite à l’échec de Meech, a fait son temps. La merde des commandites n’aura été que son respirateur artificiel.
Le citoyen, épuisé par l’ineptie ambiante, vote NPD le 2 mai. Les Québécois indépendantistes progressistes, ainsi que les autres, ont voté pour la version originale, le NPD, tellement Harper et le PLC les écoeurent (fidèle, tel un chien, j’ai accompagné le maître dans sa noyade…). Ce même citoyen atteint du « chu pu capable » votera peut-être Legault plus tard. Gauche/droite, droite/gauche, pis fédéraliste/autonomiste/souverainiste, on s’en va en avant toute! Le Québec dans ses plus belles contradictions, son petit côté normand mal compris mais drôlement bien exprimé. Mais ce n’est pas terminé : les indépendantistes vont se diviser jusqu’au fin fond du tonneau, jusqu’à gratter le bois pour chercher plus creux, prêts à traverser la terre pour trouver le ciel. Merde, Charest va-t-il battre le record de longévité de Duplessis? À moins que Legault, et sa nouvelle force « tranquille » ne mette la main sur la barre du gouvernail? Il semble que nous devions passer par là, nous les Québécois. Je nous fais grâce de tout ce que cela implique, nous le savons. À la fois un grand peuple et un grand flop, pour paraphraser l’un et l’autre.
Je rage, tel un Yvan Parent. Mais j’ai toujours ma carte du PQ. Ce parti fait partie de la diaspora, quoi qu’en dise. Il n’est plus seul, et il le sera encore moins. Je le répète ad nauseam : nous sommes entrés dans une nouvelle ère, et la vieille garde résiste. C’est normal, mais ça ne doit pas perdurer. Une dynamique est en cours. Est-elle suicidaire, ou sera-t-elle salvatrice? Un nouveau parti naîtra sans doute, et à sa base un mouvement social plus ou moins enraciné semble émerger. La recomposition du mouvement prendra des années, qu’on se le dise, et pour ce faire il faudra développer une stratégie planifiée et élaborée collectivement.
Quoi qu’il en soit, comme rien ne sera prêt pour la prochaine élection, je voterai PQ, malgré ce que je viens de dire plus haut, ne serait-ce que pour soutenir ma députée, Carole Poirier, une indépendantiste socialement impliquée qui ne mérite surtout pas de subir mes états d’âme. PLQ niet et re-niet, et Legault ne fait plus partie de ma « liste d’amis ». Voter QS? Ma députée les accote « any time ». Dans le pire des cas, je voterai pour la femme. Et si jamais il y a coalition (oubliez ça!), je me battrai à mort pour sa candidature (c’est un engagement définitif).
La question de mettre sur pied des États généraux pour l’indépendance est urgente. Je crois que Cap sur l’indépendance est en faveur. Le PQ, QS, le PI, le Bloc, le Nouveau mouvement pour le Québec n’en parlent pas. Aussant, avec Option Québec, non plus. Quant à l’idée de coalition pour la prochaine élection, ça me semble mal barré. Eh oui, nous avons encore des années de Legault/ADQ et PLQ à vivre. Mais bordel, faisons ce que doit!
Je serai présent dimanche à l’assemblée du nouveau mouvement. Je suis sceptique, cependant, car je crains comme la peste la fuite en avant. Assisterons-nous à du PQ-bashing, ou bedon entendrons-nous des voix préconisant la voie de l’union? J’insiste sur ce point : le ver contamine le PQ, ses députés, sa base. Le parti est infecté, et il en ressent les rougeurs. Ça pique, ça gratte. Mais en même temps, son pragmatisme ne doit pas être jeté par-dessus bord. Ça aussi ça pique et ça gratte. Les disciples de QS applaudiront à tout rompre la rage anti PQ dimanche? Sûrement. Le problème est que les punaises font des ravages dans tous les matelas, et le leur n’est pas à l’abri de la créature.
Longue vie aux punaises.


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 août 2011

    Monsieur Haché,
    Ce n'est pas la première fois que le Québec n'est pas représenté au gouvernement canadien, dans le sens où il n'a pas voté pour le parti qui est majoritaire.
    Il n'y a rien d'historique là-dedans. Quand le Bloc était majoritaire ici, étions-nous au gouvernement? Non. Idem avec le NPD aujourd'hui. Et quand le bon peuple votait libéral avant la création du Bloc, étions-nous davantage en position de force? Vous connaissez la réponse...
    Ottawa, on oublie ça et on reconstruit ici.
    Au plaisir!

  • Nicole Hébert Répondre

    20 août 2011

    M. Haché,
    Je suis en total accord avec vous! Vous avez raison. Nous sommes bien proches du "moment opportun". Mais il y a un pas à faire avant!
    Solidairement,
    Nicole Hébert

  • Marcel Haché Répondre

    20 août 2011

    De mémoire, les indépendantistes n’ont jamais été dans une situation semblable : le Canada s’est donné un gouvernement sans le Québec. La chose est historique. Cela pourrait être la toile de fond d’une nouvelle analyse et d’une nouvelle lecture de la réalité québécoise.
    Question : est-ce qu’un gouvernement souverainiste aurait maintenant une plus grande capacité de déstabiliser le gouvernement fédéral ? Évidemment oui. Cela n’a jamais existé pour les anciens gouvernements souverainistes ( il y avait toujours des « québécois de calibre ?… » au gouvernement fédéral pour miner l’action des indépendantistes)
    Que font les indépendantistes ? Ils s’énervent à propos d’une gouvernance souverainiste. Cela en vaut-il vraiment la peine ? Pas vraiment : une erreur d’appréciation du pouvoir que détiennent déjà les indépendantistes augmente l’impatience (tellement légitime) des autres. Et cette impatience qui se gonfle conforte l’erreur des premiers. Les indépendantistes « spinent » sur place, entre l’erreur et l’impatience.
    C’est quoi l’ « erreur » des indépendantistes ? Faire comme si le 2 MAI N’AVAIT JAMAIS EXISTÉ.
    S’agit pas de craindre ni s’écraser devant la rebuffade pleinement mérité du Bloc le 2 Mai dernier, craindre et trembler dans ses culottes qu’une telle chose arrive bientôt au P.Q.—le Bloc et le P.Q. sont deux choses bien différentes—s’agit de voir surtout que pour la toute première fois, la toute première, un gouvernement souverainiste à Québec( avec ou sans gouvernance souverainiste) aurait en face de lui un premier gouvernement exclusivement du R.O.C.
    Et, conséquemment, pour la première fois, ce pourrait être l’État du Québec en face de l’État canadien. Les indépendantistes pourraient enfin COMMENCER à écrire l’Histoire.
    Nous en sommes là en cet été 2011.


  • Nicole Hébert Répondre

    19 août 2011

    M. Gendron,
    contrairement à d'autres expressions de colère ici, la vôtre me touche. elle n'est ni froide ni haineuse. Comme me rejoignent vos doutes et vos questions. Pourquoi ne viendriez-vous pas faire un tour à une Vigile du Samedi, à Québec; ou ailleurs. Elles sont encore bien humbles mais des échanges précieux y sont possibles. Et mine de rien, elles sèment sur les terres autour du Parlement - enfin, celles de Québec; ailleurs, elles sèment sûrement aussi, mais je n'en ai pas vraiment le pouls. Et, chose appréciable, malgré les divergences de ceux - poignée - qui y sont, le respect mutuel est de mise. Si une union des forces se fait un jour, ce sera dans cet esprit de franchise, de confrontation, de témoignage - devant ceux qui ne font que passer, locaux, fédéraux, touristes - et de respect. Il y a bien des choses qui me titillent dans la mise en scène mais... le reste l'emporte.
    Quant à la "gouvernance d'État" du PQ, lisez-vous aussi MM. Barberis, Pomerleau, Mathieu et Sauvé?
    Nicole Hébert

  • Archives de Vigile Répondre

    18 août 2011

    Bienvenu chez-vous, Monsieur Gendron ! Mieux vaut tard que jamais. Votre cheminement est impressionnant et nous réjouit. Si l'intelligence est la faculté de l'adaptation, la vôtre est confirmée !
    Maintenant, monsieur Gendron, si vous aimez tant Carole Poirier et que vous jugez qu'elle est véritablement indépendantiste, ce ne serait pas un mauvais service à lui rendre que de lui suggérer d'entrer en communication avec Jean-Martin Aussant au plus vite. Pour ce qui est du PQ baching, je crois que nous nous approchons rapidement du moment où il ne sera plus utile de le faire.
    Mes hommages.