Le Parti libéral s’est engagé fermement en campagne électorale à adopter dès son arrivée au pouvoir une charte de la laïcité. Mais depuis, il procrastine et prend tout prétexte pour reporter le dépôt d’un projet de loi. Pourquoi ?
Devant le silence du gouvernement Couillard, Bernard Drainville a eu beau jeu cette semaine d’occuper la scène pour mettre en avant une version adoucie de la charte des valeurs québécoises qu’il avait défendue au nom du gouvernement Marois en 2013. On prend bonne note des erreurs que confesse l’ex-ministre péquiste et maintenant candidat à la direction de son parti, qui abandonne des éléments de sa charte dont il admet aujourd’hui qu’ils allaient trop loin.
Nos regards doivent toutefois se porter ailleurs que sur Bernard Drainville qui cherche essentiellement à se positionner dans la course à la chefferie d’un parti qui, rappelons-le, n’est que l’opposition officielle. Une opposition parfois absente il faut le dire. Là où il faut regarder, c’est du côté ministériel.
Le 8 avril, le lendemain de sa victoire électorale, le futur premier ministre Philippe Couillard déclarait : « Il est important pour moi de traiter cette question tôt dans notre gouvernement. […] Je veux légiférer sur cette question et en fait, on y retrouvera les éléments qui font consensus […] l’encadrement des accommodements, le visage découvert, la question de la neutralité de l’État dans la charte des droits, la protection de notre patrimoine historique, dont notre patrimoine religieux, et les dispositions spécifiques sur la lutte contre l’intégrisme. »
Les libéraux, on le voit, savent où ils veulent aller. Ils se sont fait une tête dans l’opposition. Certes, il leur faut rédiger un projet de loi, mais ils ont sous la main tous les avis juridiques nécessaires puisque le travail à cet égard a été fait pour le projet de loi 60 que pilotait M. Drainville. Ils ont tout pour passer à l’action. Alors, pourquoi tarder ? Tout simplement, semble-t-il, par crainte que ce futur projet soit reçu par la communauté musulmane comme une réponse aux attentats de Saint-Jean et d’Ottawa et à ceux de Paris.
La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, invitait cette semaine à ne pas « instrumentaliser les tragédies », un commentaire qui comporte une part d’autocensure. On sera d’accord avec le premier ministre pour ne pas faire d’amalgame entre des actes terroristes et des manifestations de l’intégrisme comme le code vestimentaire, mais il faut rejeter sa prétention que le débat de la laïcité ne fait pas partie des « vraies affaires », comme il le laissait entendre depuis Londres ce jeudi. La laïcité et les accommodements dits raisonnables sont débattus depuis 10 ans. A-t-il oublié la commission Taylor-Bouchard qui fut suivie du projet de loi 94 du gouvernement Charest, mort au feuilleton, puis du projet de loi 60 du gouvernement Marois ?
Malgré ses engagements, on sent le premier ministre hésitant. Il ne faut pas s’étonner. Les gouvernements libéraux n’ont jamais été à l’aise avec ce débat qui les divise et divise une partie de leur électorat. Il faut ajouter que Philippe Couillard est par ailleurs partisan du respect des valeurs culturelles des communautés issues de l’immigration. Néanmoins, il ne peut en faire l’économie sous prétexte, aujourd’hui, du climat d’insécurité créé par des actes terroristes qui semble devoir être permanent. Reprenons ses mots du 8 avril dernier. « Il est temps d’amener ce dossier à sa conclusion. » Conclusion qui devra reprendre avec force ce qui fait consensus chez une large majorité de Québécois quant au caractère laïque de l’État québécois. Parmi les « vraies affaires » qui se trouvent à l’ordre du jour du gouvernement, il devrait y avoir place ces prochains mois pour un projet de loi sur la laïcité.
LAÏCITÉ
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