L'agriculture doit évoluer

Agroalimentaire - gestion de l'offre

L'agriculture québécoise fait face à d'énormes difficultés qui n'iront pas en diminuant. Difficultés à écouler ses produits, à concilier production de masse et exigences diversifiées des consommateurs, à s'adapter aux règles en matière d'environnement... La Commission sur l'avenir de l'agriculture pose un bon diagnostic. Y a-t-il un parti politique qui, malgré la résistance, osera relever ce défi?
Dans son rapport, la commission présidée par l'ancien sous-ministre Jean Pronovost fait 49 recommandations cohérentes et courageuses. À ce jour, la plupart des acteurs ont réagi positivement. Sauf l'UPA, dont on appelle à la fin du monopole sur le monde agricole. Même l'ancien président de l'UPA Jacques Proulx applaudit à ce rapport dans lequel il voit «une main tendue à tous les acteurs [...] pour relancer ce secteur tout en recherchant le bien commun».
Au premier plan des changements proposés afin d'accroître l'équité entre les agriculteurs, soit une plus grande diversité de produits sur le marché et une productivité accrue à la ferme, la commission désigne le système d'aide financière.
Tous les gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis 20 ans, péquistes et libéraux, ont baissé les bras devant le lobby de l'UPA. Malgré un milliard de dollars d'aide publique annuelle, seuls 17 types de productions sont admissibles au régime d'assurance revenu, tous les autres étant exclus. Pis encore, ce sont ceux qui en ont le moins besoin qui en reçoivent le plus. En 2003, par exemple, 8 % des éleveurs de bouvillons ont accaparé 63 % des subventions, pour une moyenne de près d'un demi-million chacun! Même phénomène chez les producteurs de porcs, de veaux ou de maïs. Et devinez qui préside la Financière agricole, cette quasi-banque largement déficitaire qui prête aux agriculteurs et gère les centaines de millions de dollars d'aide publique au nom du gouvernement? Le président de l'UPA lui-même, alors que ses membres ne contribuent à la caisse que de façon symbolique.
Le résultat est là: une poignée d'agriculteurs encaisse la plus grande partie des fonds, et même quand les prix sont à la baisse, la production de porcs et de maïs augmente.
Ce gaspillage n'a jamais été dénoncé par l'UPA même si la majorité de ses membres n'en profite pas. Au contraire, au lieu de réformer le système, on exige d'autres centaines de millions... comme si l'argent poussait dans les vergers.
Soit dit en passant, contrairement à la légende urbaine, il faut savoir que les agriculteurs du Québec reçoivent plus d'argent en moyenne que leurs homologues canadiens et américains.
La commission ne propose pas de réduire cette aide globalement mais de réformer le système pour tenir compte des besoins de tous les producteurs en mettant l'accent sur les gains de productivité, l'effort de diversification et le respect de l'environnement.
Par ailleurs, contrairement à ce que réclament les défenseurs du libre marché intégral, la commission propose le maintien du système de gestion de l'offre pour le lait, le poulet et les oeufs. Elle suggère aussi de conserver les mécanismes de mise en marché collective là où ils s'appliquent mais propose du même souffle de faire une place formelle aux produits «différenciés», non standards, comme ceux issus de l'agriculture biologique, dont les consommateurs sont de plus en plus friands.
Touffu et documenté, ce rapport mérite d'être pris au sérieux. L'agriculture de demain sera aussi différente de celle d'aujourd'hui que cette dernière l'est de celle de nos grands-parents. Sans réforme des mécanismes structuraux qui encouragent les meilleures pratiques et sans une réponse plus souple et plus rapide aux besoins changeants des consommateurs, l'industrie agroalimentaire du Québec disparaîtra à petit feu et, avec elle, la vie de nos campagnes.


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