Industries forestières ou comment viser les mauvaises cibles

Industrie forestière en crise



Messieurs Laviolette et Dubuc, si vous souhaitez vraiment aider les travailleurs forestiers, il vous faudrait peut-être changer de cible et de discours. Il faudrait aussi diversifier vos sources d'information.
Les méchantes compagnies étrangères ont pillé nos ressources forestières? Je vous mentionnerai juste que, dans la Mauricie, où j'ai principalement fait mes recherches, la méchante Consolidated Paper Corporation (aujourd'hui dans AbitibiBowater) fut concessionnaire pendant une cinquantaine d'années. Ils étaient alors propriétaires des arbres d'une bonne proportion de la région. Surprise: on coupe aujourd'hui plus qu'à l'époque! À vous écouter, après avoir eu un pilleur aussi longtemps sur le territoire, il ne devrait plus rester assez d'arbres pour cacher une marmotte.
Si, au Québec, on a accru la récolte forestière du simple au double entre le début des années 1970 (concessions forestières) et les années 1990, c'est pour une simple et bonne raison que vous devriez pourtant apprécier: créer des «jobs». Faire profiter au maximum les Québécois de l'activité économique reliée à la forêt. Et c'est le gouvernement, pas l'industrie, qui a donné cet objectif. Et je vous invite à lire la Loi sur les Forêts, les règlements, les normes d'intervention ainsi que les programmes de certification FSC et CSA auxquels plusieurs compagnies répondent, pour vous rendre compte que la coupe en forêt publique au Québec est «légèrement» encadrée. Rien à voir avec le tiers-monde auquel vous faites référence.
En fait, plutôt que de cibler les «étrangers», je vous inviterai à cibler les «locaux». Vous donnez la Finlande comme exemple d'un pays avec une industrie forestière florissante. Il faudrait aussi préciser qu'en Finlande la forêt est principalement privée et, à l'évidence, il y a une culture pour l'aménager, la récolter et la transformer que nous n'avons pas ici.
Ici, malgré le fait que la forêt privée (10 % du Québec forestier) se trouve parmi les zones les plus productives du Québec, c'est une minorité de propriétaires qui sont effectivement producteurs forestiers. Et sans programmes gouvernementaux pour le financement des travaux, cette minorité se réduirait à peau de chagrin. Au Québec, on préfère regarder pousser les arbres plutôt que les transformer. Ou couper les arbres pour installer chalets, condos, routes. Là on applaudit: voilà du développement! Cependant, couper un arbre pour en faire des poutres, du papier: crime! Même si un autre arbre pousse en remplacement.
Une petite anecdote d'un collègue forestier dans les Laurentides. Il y a quelques années, ils ont dû annuler une coupe dans un lot privé, même si le contrat était dûment signé, car le propriétaire s'était fait menacer par le reste de sa famille d'être déshérité s'il faisait couper des arbres. Et on parlait ici d'une coupe de jardinage dans le cadre de programmes gouvernementaux. Pas de «plumer» un lot.
Si vous cherchez à régler des problèmes dans le domaine forestier au Québec, commencez donc de ce côté. C'est quant à moi une avenue plus positive et plus porteuse qui, en fin de compte, profitera pleinement aux travailleurs de la forêt.
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Éric Alvarez, Doctorant Centre d'étude de la forêt Faculté de foresterie et géomatique Université Laval


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