Pour une «révolution» forestière... en 2013

Fin du monopole de l'industrie. Plus de pouvoirs aux régions

Industrie forestière en crise

Québec -- Fin du monopole de l'industrie sur la forêt, abolition des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier (CAAF), dévolution de pouvoirs aux régions, adoption d'une approche «écosystémique»: en déposant son projet de loi 57 sur l'occupation du territoire forestier, hier, le ministre Claude Béchard a parlé d'une «petite révolution du secteur forestier québécois» qui doterait le Québec d'une «véritable culture du bois».
Mais ces bouleversements ne sont pas pour demain. Le gouvernement compte procéder à une mise en oeuvre complète de la loi en 2013 seulement. Et ce, si elle est adoptée en décembre.
Pour aboutir à ce projet de loi imposant de plus de 300 articles, de «longues démarches» ont été nécessaires -- y compris un sommet et un livre vert. Le dépôt d'hier ne clôt pas le débat pour autant, loin de là. «On est ouverts à des amendements ou à des propositions encore au cours des prochains mois, au cours de la consultation qui aura lieu à l'automne», a dit le ministre hier.
Les changements proposés sont profonds et correspondent à une révision importante du régime forestier québécois, a insisté le ministre. Par exemple, le projet de loi détermine que l'industrie, qui bénéficie actuellement de 100 % du bois des forêts publiques, en obtiendrait désormais 70 %. Le reste, environ 30 %? Il serait «mis aux enchères» par un «Bureau de mise en marché des bois». Cette «Bourse du bois» sera «beaucoup plus dynamique» et créera plus d'emplois que le régime actuel, a expliqué le ministre Béchard. Le but est de forcer les industriels à utiliser la forêt privée, mais aussi de permettre aux entreprises de deuxième et de troisième transformation d'avoir accès au bois de la forêt publique. «Davantage de bois transformé, davantage d'emplois créés au Québec aussi», a illustré le ministre.
Le ministre a aussi insisté sur le plus grand rôle que les régions prendront dans cette nouvelle réalité. «On va confier davantage de responsabilités aux régions avec la mise en place, qui est déjà amorcée, des commissions régionales des ressources naturelles et les tables de gestion intégrée du territoire des régions», a soutenu le ministre, qui a insisté sur l'importante décentralisation qui en découlerait. Ainsi, on pourra, soutient Claude Béchard, «enfin avoir une forêt qui va être gérée différemment d'une région à l'autre». Cela sera favorisé, selon le ministre, par l'adoption d'un modèle de gestion «écosystémique», c'est-à-dire qui tient compte de «la réalité de chacun des territoires» et qui cherche à préserver tout l'écosystème. Des projets-pilotes avec chacune des régions seront mis en place.
L'effet Desjardins
Au bureau de Claude Béchard, on a souligné le fait que «l'aménagement écosystémique n'existait pas dans l'ancien projet de loi sur la forêt». Ainsi, on est sûr que l'ampleur des changements proposés pourra rallier plusieurs de ceux qui, il y a 10 ans, ont été bouleversés par le documentaire L'Erreur boréale.
Le critique de l'opposition officielle en matière de mines et de forêt, le péquiste Denis Trottier, va jusqu'à dire qu'il «y a une partie du projet de loi qui provient des interventions de Richard Desjardins. Son action n'a pas été inutile. Je pense qu'il a sonné l'alerte. Il y a beaucoup de gens qui s'inquiétaient. Il a canalisé une intuition». Joint hier, alors qu'une première tranche d'un texte sur les 10 ans du fameux documentaire paraissait dans nos pages, M. Desjardins n'avait pas été en mesure d'étudier le projet de loi et a reporté sa réaction. (Voir la seconde tranche du texte en page Idées.)
Denis Trottier estime que le chanteur a toutefois une «vision trop noire» du dossier. Il souligne que le bois est «le seul matériau renouvelable: il repousse!» Une partie des surexploitations des dernières années vont ainsi être contrebalancées, dit-il, par la baisse des coupes de bois, en raison de la crise forestière.
Quant au projet de loi 57, le député de Roberval dit en accueillir les orientations avec «ouverture». À partir de son analyse sommaire de ce texte de 100 pages, il souligne que le ministre s'octroie toutefois d'importants pouvoirs discrétionnaires. Il doute que le gouvernement consacre les budgets nécessaires pour bien appliquer la loi. Par-dessus tout, il dit craindre que le processus législatif soit une façon pour le gouvernement d'évacuer la crise forestière des débats. «Ça ressemble un peu à une situation où le malade est au bout de son sang et on se demande de quelle couleur on va repeindre la chambre d'hôpital!»
La Fédération québécoise des municipalités a applaudi le projet de loi parce qu'il propose à ses yeux une «gestion locale de la forêt». Pour sa part, Le Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ) attend avant de se prononcer: «Les grandes pièces qu'on s'attendait à trouver semblent là. Mais il faudra voir dans le détail», a dit Yves Lachapelle, directeur au CIFQ.
Des écologistes de Citoyens pour la nature ont toutefois soutenu que le gouvernement «devra revoir son projet de loi». L'organisme craint entre autres «l'impact du zonage de sylviculture intensive», qui «empêcherait la conservation des écosystèmes forestiers boréaux».


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