Gestion de l'offre - La bataille est perdue d'avance, croit l'IEM

Agroalimentaire - gestion de l'offre

Tout à fait «conscients de tenir un discours impopulaire, surtout au Québec et en Ontario», Marcel Boyer et Sylvain Charlebois, qui sont professeurs, chercheurs et rattachés à I'Institut économique de Montréal, ont carrément soutenu hier devant la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois que «la bataille est perdue d'avance» en ce qui concerne la gestion de l'offre et qu'il faudrait d'ores et déjà se mettre à la tâche de préparer une transition de manière à sortir du système actuel dans cinq ou dix ans.
Dans quel état sera notre agriculture dans 20 ans? a demandé la commissaire Pascale Tremblay. «Difficile à dire, mais il va y avoir un regroupement des fermes pour des raisons de capitalisation et pour soutenir la concurrence internationale. Cela veut dire qu'il y aura moins de fermes mais que celles-ci seront plus grosses.» Et le prix du lait? «Il va possiblement diminuer beaucoup», selon M. Boyer. En revanche, peut-être y aura-t-il une augmentation globale de la production de lait. Et dire que lundi il y a eu des dénonciations du système parce que les fermes étaient devenues trop grosses!
Dans sa présentation, M. Charlebois a mentionné que les tarifs à l'importation se situaient à des niveaux de 299 % pour le beurre, 246 % pour le fromage, 238 % pour le poulet et 168 % pour les oeufs. Il a ajouté que, depuis 10 ans, le prix du lait au Canada a augmenté de près de 50 %. Le commissaire Mario Dumais lui a alors demandé pourquoi il considérait le prix du lait au détail alors que la gestion de l'offre vise à établir un prix du lait à la sortie de la ferme. M. Charlebois a trouvé que la question était bonne mais il n'y a pas vraiment répondu.
Jean Pronovost, le président de la commission, a voulu savoir sur quoi les intervenants s'appuyaient pour affirmer que la gestion de l'offre allait disparaître. M. Boyer a parlé des tendances lourdes constatées depuis 35 ans, alors que les tarifs ont été éliminés dans plusieurs secteurs et ont fait place à un libre échange qui a suscité «des gains de richesse considérables à l'échelle de la planète». Selon lui, le Canada est complètement isolé à l'OMC sur cette question de la gestion de l'offre. Comment la transition pourrait-elle se faire? En laissant tomber les tarifs pour les remplacer par des subventions le temps que les producteurs traversent cette «période difficile». M. Boyer a mentionné que, «pour un économiste, parmi les mécanismes qui créent de la distorsion dans les marchés, la gestion de l'offre est le plus coûteux». Ce coût serait, selon ses estimations, de 75 $ par personne par année.
Avant cette présentation-choc en fin de journée, deux fédérations de producteurs sont venues devant la commission tenir un discours totalement contraire à celui de l'Institut économique de Montréal. La Fédération des producteurs de bovins du Québec (FPBQ) n'a pas de gestion de l'offre, mais elle a quand même une mise en marché collective. «Les plans conjoints ont la limite que leur mettent les gens qui s'en servent», a déclaré Michel Dessureault, président de la FPBQ. Puis, rapidement, il a ajouté cet autre commentaire: «On sait qu'il faut des changements de mentalité en agriculture, mais cela doit se faire selon une approche "gagnant-gagnant"», c'est-à-dire en partenariat avec ceux qui font affaire avec les producteurs, notamment les transformateurs et les distributeurs.
Jean Pronovost, le président de la commission, a voulu savoir comment il était possible d'établir un partenariat quand l'un des joueurs avait un rapport de force s'appuyant sur une loi et des règlements. M. Dessureault a répondu que, si l'on s'en tient uniquement à la réglementation, cela conduira à des relations conflictuelles. Il faut, a-t-il expliqué, être conscient qu'on a besoin les uns des autres et qu'on doit tous s'asseoir à la même table pour trouver des solutions «gagnant-gagnant». À la limite, on peut s'en remettre à l'arbitrage de la Régie des marchés agricoles, dont le rôle demeure très important. Bref, «pas besoin de changer les structures, mais peut-être un peu les mentalités», a conclu Gaétan Bélanger, un producteur de l'est du Québec qui accompagnait le président de la fédération.
La Fédération des producteurs acéricoles s'est montrée également très solidaire du système agricole actuel, avec ses outils de mise en marché, son contingentement et la discipline collective qui ont permis à cette industrie de s'inscrire dans un courant de croissance qui devrait, au cours des huit prochaines années, susciter une augmentation du chiffre d'affaires à la ferme de 75 %, permettre des investissements de 725 millions et créer près de 1800 emplois à temps plein.
La commission a pu entendre aussi deux groupes environnementaux, soit le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement et le Regroupement des organisations de bassin versant, lesquels ne sont pas tombés à bras raccourcis sur les producteurs mais ont plutôt dit travailler de concert avec eux pour améliorer l'environnement pour le bénéfice de l'ensemble de la société.


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