Ceux qui ont longtemps contribué à la réputation de bâtisseur du Québec contemporain grâce à la réalisation d'ouvrages aussi spectaculaires que les grands barrages de la Manic et de la baie James sont aujourd'hui soupçonnés de vendre leur âme au diable. De bâtisseurs, nos firmes de génie-conseil sont devenues symboles de collusion et même de corruption, au même titre que les entreprises de construction mafieuses auxquelles elles sont associées.
Hier, notre collègue Kathleen Lévesque nous apprenait que le ministère des Transports et l'escouade Marteau enquêtaient sur l'existence d'un «club» de hauts dirigeants de neuf firmes de génie qui se partageraient les contrats d'infrastructures publiques du Québec. Non pas pour une question d'argent, dit-on, mais pour se faciliter la vie étant donné le nombre et la complexité des projets. Qu'on ne s'y trompe pas, le résultat est le même: la collusion contribue à faire grimper les coûts bien au-delà de ce qu'ils seraient autrement.
Ce n'est pas d'hier que l'on connaît les jeux de coulisses des firmes de génie-conseil dans l'attribution des contrats publics. Déjà, du temps où Québec planifiait de doter les municipalités d'usines de traitement des eaux, certaines firmes en mal de croissance rapide avaient été soupçonnées de financement illégal des partis politiques et de corruption d'élus et de fonctionnaires.
Au Québec, ce sont les pouvoirs publics qui ont permis aux sociétés de génie-conseil de prendre leur essor. Maintenant qu'elles ont atteint une taille respectable, ce sont toujours les pouvoirs publics qui les font vivre. Une telle dépendance accentue la gravité du crime dont elles sont soupçonnées et la petitesse des hommes qui le commettent.
Visiblement, ces dirigeants ont biffé les articles du code de déontologie de la profession qui les dérangeaient le plus au profit d'une croissance plus rapide du chiffre d'affaires. Et s'il est dangereux de mentionner des noms, une simple revue de presse des derniers mois fournit une idée assez précise de l'identité des plus malhonnêtes.
La question est maintenant de savoir qui osera s'attaquer à ces pratiques illégales et immorales qui faussent le jeu de la concurrence et déshonorent la profession. L'Ordre des ingénieurs est à peu près impuissant devant ces puissants patrons de l'industrie qui embauchent la majorité de ses membres. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à constater le peu de progrès enregistré dans l'enquête du syndic de l'ordre depuis la publication du rapport de la commission sur le viaduc de la Concorde, il y a trois ans.
Là encore, seule une enquête publique exhaustive sur l'industrie de la construction et ses ramifications pourra faire la lumière sur les pratiques déloyales de ce qui ressemble à s'y méprendre à un cartel de l'ingénierie.
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