Plutôt que d'assister à une «téléréalité» qui la mine, la FTQ s'est finalement rangée à la pertinence d'une enquête publique, quitte à devoir exposer sa propre inconduite. Après des mois d'entêtement, le syndicat justifie sa volte-face par la succession récente de révélations pointant vers l'existence d'un véritable système installé sur la corruption et le favoritisme.
Le premier ministre Jean Charest est plus qu'isolé. Il est maintenant à toutes fins utiles seul. Seul à refuser avec obstination, fermeté et une choquante indifférence la tenue d'une enquête publique dont l'objet serait de révéler l'existence d'une structure corrompue pour permettre ensuite de la démanteler.
Bien installés sur la ligne dure des récalcitrants, les dirigeants de la FTQ ont fléchi hier, invitant le chef libéral à ouvrir cette enquête. Elle est devenue maintenant vitale, alors qu'il y a quelques semaines à peine, elle leur semblait vaine. «Le fruit est mûr», a indiqué le président de la FTQ, Michel Arsenault, flanqué des dirigeants de la FTQ-Construction. «Ça devient pratiquement une téléréalité cette affaire-là, je pense que c'est le temps que le juridique s'en mêle.»
Il faut saluer une forme de courage dans la décision de la FTQ, qui accepte l'idée qu'on braque les projecteurs sur elle. Mieux vaudrait la droiture d'une enquête — dont le mandat, version FTQ, reste toutefois trop flou — que les révélations à la pièce, tentait de dire hier M. Arsenault en évoquant cette «téléréalité» qui salit. Il a raison. Seul un portrait global permettra d'englober toutes les ramifications de ce système vicié, qui touche non seulement à l'octroi de contrats publics, mais au financement des partis politiques, à la connivence possible entre le crime organisé, les entreprises, des dirigeants syndicaux, à la complaisance d'élus municipaux, le tout sur fond de collusion et de corruption.
À deux semaines de la tenue du congrès de la FTQ, le syndicat a sans doute voulu aussi écouter une base qui, au même diapason que la population, grogne son désaccord. Au sein de la FTQ, les syndiqués du SCFQ-Qc ont certainement fait chauffer la marmite; leurs fonctionnaires municipaux sont les premiers témoins des systèmes de collusion dénoncés ces derniers temps à travers les médias. Un reportage-choc de l'émission Enquête a révélé la semaine dernière la construction d'une tour à condos financée à même la caisse d'un syndicat affilié à la FTQ-Construction et occupée par des dirigeants syndicaux, des gens d'affaires de la construction et des proches de la mafia. Cette information a certainement enflammé, à juste titre, quelques-uns des syndiqués qui nourrissent la caisse par leurs cotisations.
Après celui de l'Union des municipalités du Québec, le virage de la FTQ est déterminant. Les libéraux seuls s'accrochent aux enquêtes policières comme seule et unique manière de débusquer les criminels. Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a insisté fortement hier sur la multiplication des enquêtes sur le blanchiment d'argent. Mais voilà! Elles ne ciblent que le crime organisé, laissant de côté toute tractation illicite servant à soutenir les partis et cette myriade de «contrats de complaisance», pour reprendre l'expression du député Amir Khadir.
Le premier ministre Charest s'illusionne s'il croit que le mécontentement populaire s'estompera. La pétition signée à ce jour par près de 150 000 citoyens excédés devrait le convaincre que les élus attendent de lui un geste responsable et courageux plutôt que cette constance dans l'entêtement, indigne d'un chef de gouvernement. S'il continue de faire le dos rond, c'est la «téléréalité» qui suivra son cours. Les spectateurs sont déjà au rendez-vous.
Enquête publique
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