Droite-gauche - L'autre Grand Soir

La Dépossession tranquille


Depuis la déconfiture de l'ADQ, certains militants convaincus de l'importance d'une force de droite pour le Québec cherchent à reprendre leur place dans le débat politique. Né sous les feux de la rampe médiatique qu'il se plaît pourtant à accuser d'être gauchiste, le mouvement Réseau Liberté-Québec (RLQ) a eu droit à toutes les tribunes officielles pour promouvoir l'idée d'«un grand ménage» pour le Québec, y compris la populaire émission Tout le monde en parle. Place aux idées neuves... mais lesquelles, au fait?
La jeune droite militante du RLQ est plus bavarde que sa grande soeur du milieu des affaires, plus radicale aussi dans ses idées. Fortement inspiré par le courant libertarien du laisser-faire quasi absolu, le mouvement se veut différent de la droite chrétienne moraliste canadienne et américaine. Mais voilà une nuance qui peine à tenir la route dès lors qu'il est question de libre-choix en éducation, de la famille ou de la défense des valeurs dites «occidentales».
En tête de ses priorités, le RLQ se propose de «libérer» le citoyen de la «tutelle de l'État» et de l'omnipuissance syndicale qui, depuis 50 ans, auraient imposé un modèle de société sclérosé. Pour sortir de cette prison sociale, il faut rendre chacun «responsable» de son sort dans l'éducation de ses enfants, la santé, le travail et jusque dans la préparation de la retraite. À chacun selon son mérite et selon ses choix.
La dette publique du Québec est telle, soutient son représentant le plus enflammé, Éric Duhaime, un ancien attaché politique de Mario Dumont, que ceux qui ont moins de 40 ans aujourd'hui auront versé, dans leur vie, 200 000 $ en impôts de plus que ce qu'ils auront reçu en services de l'État. Le chiffre est rond comme un ballon de publicité, il atteint la cible: le baby-boomer est touché au coeur par les propos fielleux du jeune loup en quête de notoriété. Et si on les fusillait, ces boomers qui ont pourtant assumé eux-mêmes le coût de leurs études collégiales classiques et universitaires, qui sont arrivés trop tard pour profiter des congés parentaux et placer leurs enfants dans des garderies à 5 $, et qui n'ont pas encore eu besoin des soins de santé dont ils assument l'essentiel de la facture depuis quarante ans?
Les «BS»? «Il faut donner plus à ceux qui en ont vraiment besoin, comme les handicapés.» Quant aux autres, «La société a besoin de cette main-d'oeuvre disponible». Traduction: coupons-leur les vivres, ils finiront bien par trouver du boulot!
On cherche les idées annonciatrices d'une société meilleure et plus juste, de celles qui n'auraient pas déjà été mises en échec par la réalité. Ne sont-ce pas les crises cycliques du capitalisme qui forcent les gouvernements à s'endetter de façon excessive, et non les syndicats de fonctionnaires? Le RLQ affirme qu'il faut mettre fin au clientélisme en politique. Bien, mais cela n'a rien à voir avec la gauche ou la droite: c'est la realpolitik. Il faut relire Machiavel.
Il est très sain pour une démocratie que les mouvements pacifiques de droite et de gauche puissent diffuser leurs idées largement. Cela dit, le fossé est large entre discuter et atteindre le consensus social indispensable à la réalisation de ses projets. Si la droite veut «libérer» le Québec de son filet de protection universelle, il faudra d'abord expliquer en quoi il serait mieux de vivre dans le monde qu'elle propose. Ce qu'il lui reste à démontrer, à elle comme à toutes les organisations à forte teneur idéologique.
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j-rsansfacon@ledevoir.ca


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