France-Québec - Encore Sarkozy

Sarko décore Charest - février 2009

Le premier ministre Jean Charest était fier de recevoir ce lundi des mains du président de la France la légion d'honneur avec le grade de commandeur. Pour se la mériter, il a cependant dû souffrir la diatribe à laquelle s'est livré à cette occasion Nicolas Sarkozy à l'endroit des souverainistes québécois. Une diatribe au ton et au propos révélateurs de l'opinion qu'il a des Québécois.
Cette sortie du chef de l'État français, apparemment improvisée, était dans les faits bien préparée. Il voulait revenir sur cette déclaration de Québec l'été dernier faite tout à trac à l'effet que le monde n'a surtout pas besoin aujourd'hui «d'une division supplémentaire». Tous avaient compris qu'il parlait de l'indépendance du Québec, sauf les membres de la délégation l'accompagnant aux fêtes du 400e anniversaire de la fondation de Québec qui avaient tenté d'atténuer diplomatiquement le propos, voire de dire qu'il n'avait pas dit ce qu'il avait dit.
Ce qu'il avait dit, il l'avait bien dit, et lundi il a voulu le répéter avec encore plus de clarté. Il n'a pas nommé les souverainistes, mais c'est à eux qu'une autre fois il s'adressait en condamnant la division, la détestation, le sectarisme et l'enfermement sur soi-même, par opposition à l'ouverture et à la tolérance. Plus encore, il a ajouté pour être bien entendu que «si notre identité est forte, on n'a pas besoin d'être imbécile. On n'a pas besoin d'être agressif».
Des imbéciles. Ce serait donc ce que le président français pense foncièrement des souverainistes. L'homme est, on le sait, impulsif, sanguin, mal embouché et méprisant. Mais que lui ont donc fait les souverainistes pour justifier de tels propos? Sectaires, les Québécois, souverainistes comme fédéralistes, ne le sont surtout pas. Les politiques d'immigration et d'accommodements raisonnables envers les communautés culturelles pratiquées par des gouvernements tant libéraux que péquistes sont des exemples d'ouverture dont la France pourrait s'inspirer.
Ce que ne comprend pas Nicolas Sarkozy est la nature de la tension qui existe entre le Québec et le reste du Canada. Les raisons lui échappent. Sa connaissance de la politique canadienne est superficielle et nourrie à ses amitiés des milieux d'affaires canadiens. D'où son a priori contre la division du Canada et sa condamnation des souverainistes.
Ce parti pris du président français est ce qui l'a amené à mettre de côté la formule «non-ingérence, non-indifférence» qui depuis le début des années 1970 encadre les relations entre Québec, Paris et Ottawa. Mise au point par le ministre Alain Peyrefitte, elle avait servi à décrisper les relations entre Ottawa et Paris après le «Vive le Québec libre» du général de Gaulle.
La nouvelle formule «le Québec, c'est ma famille et le Canada, ce sont mes amis» est beaucoup trop large. Elle permet à la France de ne pas s'excuser auprès du Québec de la multiplication de ses relations avec le reste du Canada. Elle justifie aussi les liens privilégiés qu'entretiennent la France et le Québec depuis 50 ans. Et puisque «le Québec, c'est sa famille», Nicolas Sarkozy peut donc se permettre de lui dire crûment le fond de sa pensée et d'intervenir dans ses affaires intérieures. Ce qu'aucun autre président français n'avait osé faire depuis le général de Gaulle. Est-ce parce qu'il estime être de la même envergure?
bdescoteaux@ledevoir.com


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->