Accusations de Nicolas Sarkozy à l’endroit des souverainistes

Raymond Bachand en remet

Sarko décore Charest - février 2009

Monsieur le député,
Vous étiez présent au Palais de l’Élysée, à Paris, le 2 février dernier, lorsque le président Nicolas Sarkozy a provoqué une vive controverse en taxant le mouvement souverainiste de « sectarisme ». Vous l‘avez aussi entendu accuser les souverainistes d’inviter les Québécois à « l’enfermement sur soi-même », à « détester leurs voisins » et à leur exprimer une « opposition féroce », bref, à être « imbéciles » et « agressifs ». Prononcé par le président de la République française lors d’une cérémonie on ne peut plus protocolaire, ce tissu d’injures en a ahuri plus d’un. Ce fut d’autant plus le cas que, selon le sondage CROP du 29 janvier dernier, ce langage fort peu diplomatique s’applique actuellement à 43% des Québécois. Voilà pourquoi, monsieur le député, vos concitoyens du Québec en général et de votre circonscription d’Outremont en particulier se seraient attendus à ce que vous vous dissociiez clairement d’un discours à ce point pavé d’insultes. Mais lorsque, quelques jours plus tard, des journalistes vous en ont donné l’occasion, vous avez plutôt préféré dire que Nicolas Sarkozy « a bien exprimé ce qu’il pensait ». Questionné à savoir si vous partagiez cette opinion, vous avez alors versé dans l’insinuation en répondant qu’« il y a une partie [du Parti Québécois] qui est très tolérant (sic), ouvert (sic) sur le monde, et une autre partie qui l’est moins. »
Cette déplorable technique, la vôtre, consistant à promouvoir l’unité du Canada en invitant les Québécois issus d’une minorité à soupçonner un certain penchant intolérant chez cette vaste proportion de leurs concitoyens qui appuient le projet souverainiste n’est pas nouvelle. L’exemple est parfois venu de haut. Je me souviens trop bien, par exemple, de l’époque où Pierre-Elliott Trudeau afficha son opposition à l’Accord du lac Meech en soutenant qu’un gouvernement péquiste pourrait utiliser la clause de société distincte pour expulser massivement les immigrants hors du territoire québécois. Et pourtant, vous souvenez-vous de ce jour de 1993 où le libéral Denis Coderre affirma avec rage que les immigrants qui, comme son adversaire le député bloquiste Osvaldo Nuñez, militaient en faveur de la souveraineté du Québec ne méritaient rien de mieux que d’être déportés dans leur pays d’origine ?
Et que dire de ce 14 février 1990, date à laquelle le chef du Parti Égalité, Robert Libman, faisait campagne contre cette même clause de société distincte auprès d’étudiants réunis à l’Université McGill en lançant : « Serait-il exagéré d’imaginer […] qu’un gouvernement ultra-nationaliste adopte une loi affirmant que l’interdiction de se faire avorter constitue une limite raisonnable à la liberté individuelle? » Une telle mesure pouvait être imposée, selon M. Libman, « de façon à perpétuer la race en nombre suffisant, aux yeux des nationalistes, pour préserver et promouvoir l’identité distincte du Québec ». Le chef du Parti Égalité ajouta également craindre qu’on se serve de la clause de société distincte pour limiter le nombre de livres anglais dans les librairies.
Plus près de nous, je garde un horrible souvenir du débat électoral organisé le 26 novembre 1998 par l’association québécoise de la communauté juive de l’ex-URSS et son président Mark Groysberg à l’intention des candidats d’Outremont. Devant ce public ayant fui la répression d’un régime politique totalitaire, votre prédécesseur, le député libéral Pierre-Étienne Laporte, avait multiplié les accusations de xénophobie et d’ethnocentrisme à l’endroit du péquiste Jean-François Thuot. Monsieur Laporte avait même soutenu que s’il n’y avait pas davantage de représentants des minorités dans la fonction publique québécoise, c’était parce que le PQ y avait érigé un véritable système de discrimination à l’embauche visant à barrer la route aux non-francophones de souche. Rien de moins.
On pourrait citer des cas encore longtemps. Cette façon pour le moins calomnieuse d’affubler son adversaire des pires tares qui se puissent en politique – l’intolérance et le racisme – et de le répéter assez souvent pour espérer en faire un lieu commun m’est toujours apparue comme une forme grave de paresse intellectuelle. Elle vise à discréditer le plus possible son interlocuteur afin de n’avoir pas à argumenter avec lui sur la substance des choses. Et voilà que vous vous y mettez vous aussi, monsieur Bachand.
Mais tout n’est pas perdu. En effet, puisque Nicolas Sarkozy s’en est pris si virulemment aux souverainistes sans jamais les nommer, permettez-moi, monsieur le député, de vous donner une autre occasion de vous distinguer d’un personnage aussi peu respectueux. Si ces péquistes notoirement intolérants dont vous parlez existent vraiment et s’ils sont plus nombreux et influents que dans le camp fédéraliste, et bien faites-nous en la liste. Énumérez-nous leurs noms et prénoms. Les personnes visées pourront alors en discuter avec vous et le public jugera. Et si vous vous en abstenez, monsieur le député, les électeurs d’Outremont, dont je suis, en concluront alors que vous entendez à l’avenir vous en tenir à un discours plus édifiant. La démocratie québécoise en sortira certainement grandie.
Christian Gagnon
Membre de l’exécutif du PQ d’Outremont de 1987 à 1998 et de l’exécutif régional du PQ de Montréal-Centre de 1998 à 2005

Featured 38a394e6dfa1bba986fca028dccfaa78

Christian Gagnon138 articles

  • 125 640

CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





Laissez un commentaire



2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    10 février 2009

    Mon cher Christian
    Mais qu'attendons-nous! On pourrait comme dans Lucky Luke emplumer ce batracien après l'avoir enduit du goudron qu'on ne met de toutes façons pas dans les trous de nos routes et le promener sur la rue Bernard. Un peu de (la)baume sur nos blessures d'amour-propre tout au plus.
    Ma proposition du 5 février est bien plus sérieuse
    Vite un gouvernement provisoire, secret ou en exil qui mandate nos élus démocratiques de faire aboutir notre projet de société et qu'ils citeraient à chaque intervention parlementaire.
    Car il nous faut faire exister ce gouvernement symbolique au PS
    JP Gilson

  • Archives de Vigile Répondre

    9 février 2009

    On aimerait vous entendre plus souvent dans les tribunes publiques monsieur Gagnon. Votre travail de recherche est exemplaire et vous transmettez efficacement vos arguments. Je vous trouve néanmoins un peu optimiste quant à la possible volte-face de monsieur Bachand... Les fédéralistes du Québec ont toujours tendance à cracher sur leur propre peuple. C'est la principale caractéristique d'un homme colonisé, adorateur de la nation qui domine la sienne.