Divergences Wallons/Flamands sur la politique extérieure fédérale

Chronique de José Fontaine


Sur les politiques des entités fédérées, il ne pourrait plus y avoir de divergences. Dans ce domaine, Wallonie, Flandre et Bruxelles ont une totale liberté d'action que, dans la pratique, aucun veto fédéral ne peut entraver. En effet, dans le fédéralisme belge, dès qu'une compétence est retirée du fédéral, elle lui est retirée en totalité et attribuée en totalité aux entités fédérées. L'une des raisons de cette pratique, c'est que le fédéralisme belge est si jeune qu'il a connu à sa naissance l'extrême développement du droit international qui fait que, par exemple, en Europe, les décisions sont prises par des Etats souverains mais agissant en concertation comme par exemple en matière d'agriculture.
L'Etat fédéral belge a cependant également encore en charge, sinon l'essentiel des relations internationales en quelque sorte quantitativement, au moins symboliquement. C'est évidemment le Premier ministre, le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires étrangères qui siègent en fait à l'OTAN ou, encore, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères qui jouent le plus grand rôle de représentation du pays aux sommets européens.
Des affaires étrangères très flamandes
Or, dans le gouvernement actuel en place depuis un peu plus que deux mois, les trois plus importantes fonctions en rapport avec la politique extérieure sont occupées par des Flamands (le Premier ministre,le ministre des Affaires étrangères et celui de la Défense nationale). A un tel point que les socialistes wallons ont créé une sorte de cabinet-fantôme chargé de contrôler les agissements de ces ministres. J'ai beau être habitué aux discordances de plus en plus incongrues de la gouvernance belge, quand l'annonce a été faite le 1er avril dans les journaux de cette instance de contrôle, j'ai cru à un poisson d'avril. En effet, ce cabinet-fantôme n'est pas celui d'un parti d'opposition, mais d'un parti qui est membre du gouvernement, les socialistes wallons.
Dimanche passé, le ministre De Gucht faisait des déclarations assez étonnantes sur la position de la Belgique par rapport au Congo disant qu'il avait le droit moral de critiquer la politique menée par les autorités de la République démocratique du Congo, soulignant au passage la corruption des dirigeants .


La crise entre la Belgique et son ancienne colonie
Cela a créé de l'émoi. Mardi matin à la radio, l'ancien ministre wallon des Affaires étrangères, le libéral Louis Michel, actuellement commissaire européen chargé notamment de la coopération avec les pays du sud, mettait en cause la forme que prenaient les interventions vraiment peu diplomatiques de son successeur. La veille j'avais entendu des déclarations émanant de ce qu'il est convenu d'appeler des "milieux bien informés" qui estimaient que c'est même maintenant la politique étrangère qui divise Wallons et Flamands.
Qu'en est-il exactement? On dit parfois que le fait que le Congo soit francophone (tout est relatif: si tous les Congolais ne sont pas francophones, les élites sociales, politiques et intellectuelles le sont), influence la position d'un ministre flamand. Ceci n'a pas toujours été le cas et je connais pas mal de militants flamands tiers-mondistes très engagés dans les affaires congolaises et que le fait d'avoir affaire à des Francophones ne dérangeait pas. Ici, on peut se poser la question. Mais on peut au moins dire une chose, c'est qu'un ministre wallon ou francophone des affaires étrangères, au moins quant à la forme, sinon sur le fond, n'agirait pas de la même façon que ce ministre flamand. Le Congo a rappelé son ambassadeur, parle de fermer des consulats belges. Le Premier ministre Leterme n'a pu jusqu'ici contacter que le Premier ministre congolais mais pas le Président de la République. Aujourd'hui, on pouvait lire dans l'hebdomadaire francophone LE VIF, une déclaration d'un ministre wallon (sous le couvert de l'anonymat), disant que le ministre flamand De Gucht assimilait les Congolais aux Wallons car estimant que dans les deux cas, il s'agit d'assistés.
Une ambiance plus que jamais à la division
Le gouvernement belge est profondément divisé. On ne sait vraiment où il va. Certains estiment qu'il n'y a plus de véritable gouvernement belge depuis les élections du 10 juin 2007. Comme des élections sont prévues dans les trois Régions fédérées du pays en juin 2009 et comme ces élections ont lieu en même temps dans ces trois Régions, les enjeux des scrutins dits "régionaux" se mélangent profondément aux enjeux nationaux ou fédéraux. Non seulement les partis qui sont coalisés sous la présidence de Leterme ont des divergences de vues de Wallons à Flamands, mais ils ont aussi de graves divergences entre eux quand ils appartiennent à la même Région ou Communauté (les Flamands, les Wallons). Le journal flamand "Het Belang van Limburg" écrivait le 27 mai dernier: "La querelle entre Flamands et francophones à propos du Congo est en quelque sorte l’ultime preuve que Flamands et francophones ont une vision totalement différente du monde. " "De Gazet van Antwerpen" écrivait: "La Flandre, la Wallonie et Bruxelles ont-elles encore quelque chose en commun, en dehors d’un passeport, d’une équipe de foot et d’un Roi? Peu de choses."
Voilà l'ambiance. L'inquiétante montée de l'inflation, les menaces sur l'ordre économique mondial devraient être la préoccupation principale du gouvernement, selon certains, mais en même temps certains de ces mécanismes comme l'inflation, étant donné que Régions et Communautés sont encore financées largement par des dotations qui s'indexent, pourraient être un prétexte, selon un des journalistes présents au club de la presse ce vendredi soir, à opérer des transferts de l'Etat fédéral vers les entités fédérées, celles-ci devant prendre relais d'un Etat fédéral dont les moyens ne sont pas indexés. Certes, côté wallon, le sentiment national belge s'exacerbe comme jamais, signe avant-coureur peut-être de l'écroulement du système, la plupart des systèmes s'emballant à la veille de leur chute. D'un autre côté, les relations souvent difficiles entre Wallons et Bruxellois francophones semblent cette fois s'apaiser et avoir trouvé une solution à la fois par une plus grande autonomie des Bruxellois et des Wallons et des coopérations renforcées des deux Régions où le français est parlé pratiquement par 90% de la population (Bruxelles), et 98% (Wallonie).
José Fontaine

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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