Dites-lui la vérité!

La liberté est la plus grande des vérités.

Souveraineté et générations

Pourquoi suis-je souverainiste? Pourquoi le suis-je encore? Après tout, la question se pose. Suis-je un souverainiste mou? Un pur et dur? De droite? De gauche? Un caquiste? Un péquiste? Un solidaire? Je ne suis peut-être qu'un nationaliste ou même un autonomiste. Je suis perdu. Je ne sais plus. Comme beaucoup des miens.

J'aime le Québec. Je l'aime tellement. J'ai toujours su que le Québec est mon pays. Mon sang est bleu. Vitalement bleu. Je l'ai su pour la première fois quand j'étais gamin.
J'avais huit ans quand René Lévesque est décédé. Jusque-là, j'étais politiquement innocent. Nationalement absent. Comme tous les enfants normaux, quoi. Mon sang politique était blanc. Blanc de rien. Puis, un homme est mort. Je le connaissais à peine, seulement par la télé. Heureusement que j'étais un enfant de la télé. Toujours est-il que je me souviens comme si c'était hier quand mon père annonça à ma mère que "ti-poil" était mort. La stupeur sur le visage de ma mère fut si intense et sa pâleur si rapide que je pensai que c'était quelqu'un de la famille. Après tout, quelqu'un qu'on appelait "ti-poil" ne pouvait être que de la famille. Je me trompais...et ne me trompais pas. Ti-poil était de toutes les familles, d'une manière ou d'une autre. Aujourd'hui, Ti-poil nous manque. Ti-poil me manque.


Je me souviens de ses obsèques. Je les avais regardés à l'école, avec mes camarades de classe. Si nous manquions une partie de la journée de classe pour regarder la télé, c'est qu'il se passait quelque chose de grave. Je me souviens des images et de leur lourdeur. Je me souviens de cette douleur d'une journée de novembre. Une violente blessure silencieuse se tenait debout, en plusieurs centaines d’exemplaires, dehors, devant l'église. Les drapeaux bleu et blanc flottaient au vent du deuil, plantés en berne dans les mains et les cœurs, caressant au passage les pleurs sur les visages défaits. Quelque chose se passait. J'ai senti en mon cœur d'enfant qu'il y avait quelque chose qui clochait. J'ai senti qu'il y avait une injustice colossale à réparer et qu'il y avait une erreur à corriger. Qu'il y avait une normalité à prendre. J'ai senti pour la première fois, dans une douleur insoutenable, que j'étais un québécois et que j'étais sans pays. J’ai pleuré parce que je commençais à souffrir, mon aussi, et mon sang est devenu bleu. Bleu de colère mais aussi bleu d'amour. Bleu de passion. Bleu de français. Bleu de fierté. Bleu d’injustices. Bleu d’injures. Bleu de martyrs. Bleu d’espoir. Bleu de désespoir. Bleu d’Amérique. Bleu d’être québécois. Pour moi, c’est comme ça que tout a commencé.
C’est dans les cœurs d’enfants que les rêves naissent car c’est dans les cœurs simples que les vérités les plus pures sont dévoilées. C’est dans les cœurs trop vieux, compliqués par les restes du temps, que sont contaminées les vérités les plus belles; jusqu’à ce qu’elles finissent par contaminer les rêves…et qu’ils meurent avec elles.
Les vérités sont toujours à rejoindre. Elles demandent toujours une marche longue, souffrante, aveugle et incertaine avant de les trouver. Elles demandent toujours un ultime combat pour avoir le privilège de les embrasser. Les vérités demandent une foi totale en elles avant de nous libérer pour toujours. Les vérités sont toujours à chérir une fois que nous leur appartenons. La fragilité des vérités restera toujours à défendre. Leur valeur, un trésor à protéger avec courage et abnégation. Il n’y a rien de plus grand, sur cette terre, que d’être un défenseur d’une vérité après avoir mérité le privilège de lui appartenir.
La liberté est la plus grande des vérités.
La liberté n’est pas une idée, pas plus qu’elle est une option ou une proposition. La liberté n’est pas à débattre, à étudier ou même à disséquer. La liberté ne doit jamais être instrumentalisée ou placardée. La liberté est une vérité. Elle est cette vérité qui fait des hommes et femmes libres, des hommes vrais et des femmes vraies. C’est encore elle qui fait des nations libres de vraies nations.
La liberté n’est pas de gauche. La liberté n’est pas de droite. La liberté n’est pas caquiste, péquiste ou solidaire. Rien ni personne ne possède la liberté pour soi. C’est à la liberté de nous posséder et à nous de mériter de lui appartenir. Les nations libres appartiennent à la liberté car c’est la liberté qui les a mises au monde. Elles appartiennent à la liberté pour s’être éperdument lancées vers elle et pour avoir eu foi en ce qu’elle est vérité; une vérité qui ne connait ni la peur ni la corruption. Une vérité qui n’est ni à donner, ni à vendre.
Je m’adresse à ceux qui croient posséder la liberté et qui désirent la vendre au peuple québécois.
Vous avez commis une odieuse manipulation ou une triste erreur. Vous avez tenté de faire croire aux nôtres que la liberté pouvait devenir québécoise si les québécois en voulaient. C’est faux. Complètement et brutalement faux. Ce n’est pas à la liberté de s’offrir au peuple québécois, c’est au peuple québécois de s’offrir à la liberté.
Vous avez dit à notre peuple que la liberté arriverait un jour, que c’était inévitable. Qu’elle descendrait sur lui en une pentecôte référendaire, au soir du grand soir, et qu’il ne suffisait plus qu’attendre. Attendre quelqu’un. Attendre que nous soyons prêts. Attendre les conditions gagnantes. Attendre les certitudes. Attendre les mains tendues. Attendre un signe. Et en attendant d’attendre, vous avez fait votre chemin sur la route dorée du rêve. Vous avez démesurément, en une quête du pouvoir qui l’oblige, compliqué la vérité la plus simple pour en tirer des profits politiques et électoraux… tant qu’à attendre. Et aujourd’hui, vous vous demandez pourquoi il n’apparait plus que votre propre disparition comme étant inévitable.
La liberté n’est pas dans la tête. La liberté n’est pas dans le portefeuille. Elle ne serait pas une vérité si elle s’y trouvait, dans la tête ou le portefeuille. La liberté habite dans le cœur. Au cœur du cœur. Vous avez parlé à la tête. La tête a mieux à comprendre qu’à vous écouter lui mentir. Vous avez parlé au portefeuille. Le portefeuille vote toujours pour un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Vous n’avez jamais parlé au cœur.
Et pourtant, les cœurs sont avides d’être comblés de vérités. Pour parler au cœur, vous avez eu peur d’avoir l’air idiot. Vous avez eu peur de passer pour des fanatiques. Vous avez voulu être sensés, raisonnés, rationnels, mathématiques, constitutionnels et économiques. Vous êtes allés droit en sens contraire de la liberté et, aujourd’hui, vous êtes égarés à des lieux et des lieux de sa lumière, quelque part dans votre opportunisme brumeux.
Pendant ce temps, le peuple québécois cherche quelqu’un et ne voit personne. Il ne voit plus ni la liberté, ni la route pour aller vers elle. La vérité qui se cache en son cœur ne reçoit plus l’écho de celle qui l’appelle. Vous avez coupé maladroitement le dialogue le plus naturel en interposant votre ego et vos votes entre lui et la liberté. N’avez-vous donc par compris que vous n’étiez qu’un instrument et non pas une fin? Il vous reste une dernière chance.
***
Vous devez maintenant laisser toute la place à la vérité! Elle doit vous traverser de part en part comme la lumière traverse le cristal afin de pouvoir faire étalage de ses plus belles couleurs. Vous devez laisser la vérité vous traverser pour qu’elle devienne paroles, courage, franchise, humilité, honnêteté, passion et dignité! Vous devrez renoncer à la quête fallacieuse du pouvoir. Vous devrez renoncer à l’appel dévorant de l’ambition personnelle. Vous devez être là et disparaitre, tout à la fois. Vous devrez laisser passer la lumière que le peuple du Québec mérite d’avoir. Vous devrez laisser passer tellement de lumière qu’elle finira par dissiper les ténèbres de ses doutes et douleurs pour enfin le laisser se voir tel qu’il est… comme quelque chose comme un grand peuple!
Laissez les échecs au passé. Jetez ses cendres au-dehors de votre cœur. Reprenez courage! Redressez-vous les premiers! Retournez vite au rêve! Revenez à la liberté qui vous ouvre les bras!
Tenez-vous fiers et confiants aux côtés de la vérité et dites au peuple québécois que nous n’avons pas manqué notre heure. Qu’elle n’était simplement pas encore arrivée. Que ce n’était pas notre moment mais que notre moment vient et que notre cause arrive.
Que nous ne devons craindre ni rien, ni personne; ni quelques idées, oppositions, moqueries ou injures.
Dites lui, dès aujourd’hui, que nous n’étions pas réservés pour nous-mêmes et pour notre seule cause.
Dites-lui que nous étions réservés pour la liberté et que la liberté veut posséder la terre entière!
Dites-lui que l’attente de la liberté était vaine et qu’elle se termine dès maintenant!
Dites-lui de se lever et d’aller la rejoindre.
Dites-lui la vérité.
Dites-lui que c’est elle qui l’attend.
Martin Vaillancourt
martinvaillancourt.info


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3 commentaires

  • Stéphane Sauvé Répondre

    23 janvier 2012

    Martin,
    J'aurais aimé t'avoir à côté de moi après la lecture de ton texte pour te prendre dans mes bras et te dire un gros merci pour la générosité et la justesse de tes propos.
    Ton texte mérite en effet d'être publié aussi sur d'autres tribunes question d'allumer les consciences et raviver les espoirs.
    C'est grâce à des hommes et des femmes comme toi qu'en dépit d'un contexte très difficile, nous persévèrons dans l'effort à nourrir la lumière de ce phare de liberté qui éclaire notre for intérieur.
    Ton sang est bleu vif comme ce magnifique ciel d'hiver des derniers jours. Merci d'être là.
    Dans cette liberté du coeur, je t'aime mon frère.
    Stéphan Sauvé

  • Serge Jean Répondre

    22 janvier 2012

    Fantastique! Magnificient! C'est bien le plus bel hymne au peuple du Québec libre que j'aie lu ici. C'est magnifique et surtout très très VIVANT! C'est le COEUR véritable qui chante la liberté du grand peuple. Voilà une magnifique volute du Lys. Merci.
    Jean

  • Archives de Vigile Répondre

    22 janvier 2012

    Monsieur, je n'ai hélas pas le privilège de vous connaitre. Vous venez de livrer un texte magnifique qui devrait être ailleurs que sur Vigile, pour etre lu par des non-convaincus. Chapeau et touchant. Comme vous, je n'étais qu'un petit con quand tit-poil est mort et c'est en vouant mon prof de 6e année, ce cher Gabriel, nous annoncer ça en pleurant et finir son cours anéanti que j'ai compris l'ampleur du tragique. Mais aussi, dans les jours suivants, c'est en voyant cette file de gens aux obsèques que je compris l'importance de l'engagement...