Discours inaugural - Rattrapé par la réalité

"Mais ce n'était que des mots"

Quatre-vingt-douze jours se sont écoulés entre l'élection du 8 décembre, qui a confié un mandat majoritaire au Parti libéral, et la présentation hier par le premier ministre Jean Charest du discours inaugural de la nouvelle Assemblée nationale issue de ce scrutin. Quatre-vingt-douze jours qui n'auront pas permis de mettre au point le vigoureux programme de relance attendu de celui qui leur avait promis de tenir solidement le gouvernail en cette période de tempête économique.
Si un discours inaugural est rarement un texte inspirant -- il s'agit souvent d'une longue litanie de projets de loi à venir --, celui-ci représentait justement une occasion pour le premier ministre de l'être. C'était pour lui le moment de montrer que les élections qu'il a imposées au Québec l'automne dernier étaient justifiées et qu'il entend assumer pleinement le leadership attendu dans les circonstances actuelles.
Si ce discours inaugural est décevant, ce n'est pas que Jean Charest n'a pas su trouver des mots aptes à mobiliser. Quelques passages de son texte étaient même exaltants, comme lorsqu'il a souligné que cette crise «offre des opportunités [sic] et un passage vers l'avenir». Ou encore lorsqu'il a proposé de faire du Québec le porteur de «l'idéal d'une nouvelle économie durable». Mais ce n'était que des mots.
En quels projets s'incarnera la vision du premier ministre d'un Québec sachant surmonter autrement et plus rapidement que les autres la présente récession? Il n'avait à ce sujet rien à dire qu'il ne nous avait pas déjà dit pendant la campagne électorale et les mois qui l'ont précédée. Sa recette se résume d'une part par les programmes d'investissement dans les infrastructures et les projets hydroélectriques pour atténuer les impacts du ralentissement, et d'autre part par le pacte pour l'emploi afin d'accompagner les travailleurs frappés par la crise et de les aider à s'adapter à un nouvel environnement économique.
Ce n'est pas que cette stratégie ne soit pas la bonne. C'est ce que font tous les gouvernements. Le Québec a même l'avantage d'avoir une longueur d'avance puisque les programmes dont ne cesse de nous parler M. Charest sont en place depuis de nombreux mois, ayant été conçus pour répondre dans le cas des infrastructures routières à une situation particulière. Ce qui est décevant, c'est qu'à l'occasion de ce moment solennel qu'est l'ouverture d'une nouvelle législature et d'une nouvelle session, il n'ait rien eu de plus à présenter, comme si depuis le 8 décembre la situation ne s'était pas aggravée quelque peu.
Le gouvernement québécois accroîtra-t-il les mesures de soutien aux entreprises et aux travailleurs? Apportera-t-il un soutien additionnel à des secteurs plus vulnérables comme la forêt? Investira-t-il dans des secteurs porteurs comme les nouvelles technologies pour préparer le Québec à rebondir? Sur tout cela, le premier ministre est muet, même s'il sait bien que, comme d'autres gouvernements, le Québec devra faire plus.
Si Jean Charest avait si peu à nous dire dans ce discours inaugural, c'est peut-être parce qu'il a réalisé ces trois derniers mois que la situation du Québec est beaucoup moins rose qu'il ne voulait le laisser croire l'automne dernier. Même s'il répète comme un mantra que le Québec est en bonne posture, il lui faut bien admettre que les revenus du gouvernement sont en baisse, effet direct de la récession, et que les réserves accumulées pour passer à travers le présent exercice financier et le prochain sont épuisées. Que les dépenses, elles, sont toujours en hausse.
Ce que ne pouvait dire le premier ministre hier, c'est qu'il a été trop optimiste. La réalité a fini par le rattraper. Des budgets déficitaires successifs l'attendent d'ici la fin de son mandat. Plus que jamais, les moyens à sa disposition seront limités. Gouverner sera beaucoup plus difficile qu'il ne l'imaginait. Son attentisme pourrait, en fin de compte se révéler coûteux.


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