Des dirigeants wallons pathétiques

Chronique de José Fontaine

Le journal wallon de Namur, L'Avenir, publiait ce matin un sondage indiquant que le parti nationaliste flamand NVA, qui avait obtenu 28% des voix en Flandre (ce qui en fait le plus important parti flamand mais aussi le plus important parti belge), progresserait encore de 5 points, tous les partis flamands étant loin derrière lui ce qui consoliderait son hégémonie.
Bruxelles! Bruxelles! Bruxelles!
D'une manière générale, les médias et les partis wallons (et francophones), se focalisent sur Bruxelles. Dans la mesure où, contrairement aux Flamands, ils voient l'avenir de la Belgique (ou de l'après-Belgique), comme fondée sur trois Régions, les Flamands (mais certains peuvent hésiter à cet égard), la voyant plutôt fondée sur les deux principales communautés qui se définissent non par le territoire comme les Régions (Bruxelles, Flandre, Wallonie), mais par la langue (les francophones et les néerlandophones).
Les régionalistes bruxellois comme les Bruxellois des autres partis, sans mettre en cause la présence flamande à Bruxelles, souhaiteraient que Bruxelles soit autonome, même dans les domaines où ce sont les Communautés qui sont compétentes, soit l'enseignement, la culture, les affaires sociales. Les Bruxellois craignent qu'en cas de préséance des Communautés à Bruxelles (soit flamande, soit française), la Région ne soit divisée selon la langue, soit ethniquement (pour les matières sociales par exemple, comme les allocations familiales etc.). Il y aurait d'une part une population flamande et d'autre part une population francophone, l'une et l'autre, sur le même territoire, ne relevant pas du même pouvoir politique, ce qui est, je le crois aussi, inadmissible.
C'est évidemment un danger et en tant que Wallon, je considère qu'il faut défendre l'autonomie à part entière des Bruxellois tout en ménageant la part d'intérêt que la Flandre a à défendre à Bruxelles, la capitale à laquelle elle est liée et où 300.000 Flamands viennent travailler tous les jours. En fait, l'une des raisons de la durée de la crise belge, c'est la difficulté de s'entendre à Bruxelles. La mésentente ne se développe pas entre Flamands et Wallons sur ce sujet, mais entre Flamands d'une part et d'autre part, les Wallons et les Bruxellois francophones (voire aussi certains Flamands), les Wallons ayant accepté depuis belle lurette l'idée d'une région bruxelloise à part entière. Certes, Bruxelles l'est pratiquement. Mais aujourd'hui, alors que l'on veut étendre très largement les compétences des entités fédérées, la question se pose de savoir si ces compétences doivent être accordées aux Communautés ou aux Régions. Pour la plupart des Bruxellois et des Wallons, ce doit être aux Régions, les Flamands ayant une position différente.
Des dirigeants wallons de plus en plus pathétiques
Mais il n'y a pas que cela qui envenime les choses. Je pense aussi que les dirigeants wallons (d'ailleurs fort peu présents au total dans les négociations), en partie à cause d'une opinion wallonne plus belge, plus nostalgique de la Belgique, traînent tant les pieds que c'en est pathétique. Et aussi parce qu'ils sont les descendants politiques des socialistes de 1961 qui ont réussi à tuer la révolte wallonne et autonomiste de cette année-là... Tout en devant bien lui faire des concessions dans les années 1980 et 1990, mais un élan a été brisé. Cela se sent.
On en arrive même à dire que l'augmentation des compétences de la Wallonie serait une concession faite aux Flamands! On a beau se dire que la difficulté vient aussi du fait que les Flamands veulent confier les compétences nouvelles aux Communautés et que cela gêne à Bruxelles (la Wallonie et Bruxelles étant d'ailleurs au fond d'accord pour se répartir les compétences de la Communauté), ceci amène à quelque chose de très paradoxal. Les négociateurs wallons semblent dire à leur opinion publique qu'une plus grande liberté d'action de la Wallonie, qui agit déjà à certains égards comme un Etat souverain, serait une mauvaise chose, une concession que l'on ne ferait que « pour sauver la Belgique ».
Les Wallons devraient donc comprendre que s'ils deviennent libres, c'est somme toute contraints et forcés, non pas en raison de l'intérêt de la Wallonie, mais d'un Etat belge dont ils savent qu'il va quand même disparaître.
La liberté pour la Wallonie, la pire des perspectives?
La Wallonie peut donc se représenter pour le moment comme devant devenir libre mais ... parce qu'elle y serait contrainte et forcée par les Flamands. Tout en comprenant le difficile problème de Bruxelles que les dirigeants wallons doivent assumer, on peut quand même leur dire que ce n'est pas très malin de préparer comme cela tout un peuple à s'assumer. Ils devraient mieux l'expliquer, mieux communiquer. Le président wallon intervient même parfois sur Facebook pour dire qu'il est en faveur du tout aux Régions. Mais on aimerait des déclarations plus claires, moins discrètes.
Evidemment, les négociations actuelles relèvent déjà non d'un débat constitutionnel mais de quelque chose qui ressemble à la diplomatie, avec le secret que cela signifie.
Il y a cependant des Wallons qui éprouveront comme un échec le fait de voir la Wallonie devenir souveraine. (1) Si des hommes et des femmes politiques considèrent cela comme secondaire, alors, je trouve qu'ils devraient s'en aller.
Parce que la vérité, c'est que la Wallonie n'aurait pas survécu économiquement à un Etat belge demeuré unitaire
(1) A un colloque de la Fondation wallonne en 2000, une inspectrice des cours d'histoire avait informé un auditoire stupéfait que la plupart des professeurs en cette matière présentaient le passage de l'Etat belge au fédéralisme comme un échec de l'entente entre Belges. Et rien que comme cela. Sans ajouter que le fédéralisme était aussi une façon de s'entendre. En disant encore moins que l'intérêt de la Wallonie se situait justement dans ce passage à l'Etat fédéral.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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2 commentaires

  • José Fontaine Répondre

    12 février 2011

    Pour ce qui est de l'aéroport de Bruxelles il est en Flandre et donc cela ne relève pas de notre responsabilité selon la législation linguistique vieille de 40 ans. Pour ce qui est de l'aéroport de Liège, le responsable de l'aéroport a répondu un jour que le français était la langue régionale, mais que la dénomination Liège airport visait les Hollandais, Allemands etc. Qui devraient être abordés en anglais. C'est absurde. Les Européens ont quand même une connaissance élémentaire de la langue de leurs voisins. A Lyon le préfet a insisté pour que l'aéroport garde une appellation intégralement française, le français étant une langue internationale. Et d'ailleurs dans bien des aéroports espagnols, la langue n'est même pas l'espagnol mais la langue locale, régionale (catalan, valencien).
    En fait, pour Liège, le directeur de l'aéroport est José Happart, un Wallon convaincu mais qui a été ridiculisé dans la presse et les médias car ne parlant pas l'anglais ou ne sachant pas le lire (y compris par des gens qui sont dans son cas mais le snobisme est ce qu'il est). Or, Happart est un agriculteur et il n'est pas déshonorant pour lui de peu connaître l'anglais (à 65 ans). Il est possible que, mal aimé des Flamands, ceux-ci en aient fait un symbole de la paresse francophone (supposée), vis-à-vis des langues. A Charleroi un consultant français a dit que l'aéroport en plein développement aujourd'hui devait faire allusion à Bruxelles et il s'appelle Brussels-South- Charleroi-Airport ce qui, de nouveau est ridicule. Il aurait pu s'appeler Charleroi tout simplement. Après tout Heathrow n'était pas au départ connu du monde entier (et Charleroi est connu au moins des 4 à 5 millions de ses passagers annuels). Il n'est certainement pas question d'enseigner en anglais dans les universités de Wallonie et Bruxelles mais cette langue s'y insinue. Lors d'une discussion récente sur les traductions des brevets en Europe, seuls l'anglais, le français et l'allemand seront utilisés, non pas l'espagnol justement (malgré les protestations de l'Espagne). On dit que les traducteurs coûtent cher à l'Europe, mais je pense qu'elle pourrait faire cet effort dans la mesure où le fondement de l'Europe c'est la diversité de ses peuples. J'ai lu (mais il y a un certain temps), une annonce pour un emploi en Europe, à un haut niveau public de l'UE, où la connaissance du luxembourgeois (langue d'un petit pays, peu parlée hors de celui-ci), était présentée comme un avantage. J'ai été très étonné en lisant sur la en.Wp que telle entreprise de Rixensart (en Wallonie) gardait son nom français sur cette encyclopédie de langue anglaise où la langue la plus parlée des contributeurs (après l'anglais), est le français.
    Il est incontestable qu'en Wallonie on ne se méfie pas de l'anglais. Le rapport que nous avons avec les gens de l'UK est positif parce que l'Angleterre de Churchill a été le dernier refuge de la Liberté assassinée par Hitler sur le continent. La radio ou la télé nous font écouter les messages qu'envoyait Churchill en français à l'Europe, dans la nuit: "Et maintenant bonne nuit, dormez bien. Refaites vos forces d'ici l'aube car l'aube viendra!" C'étaient des appels dans une nuit désespérante par quelqu'un qui savait mieux le français que de Gaulle l'anglais. On dit aussi que l'image la plus européenne de l'Europe ne peut qu'être française. Sinon comment distinguer l'Europe du reste du monde anglo-saxon dont elle se différencie? Paris et ses caractéristiques font plus "européen" que Londres. Il y a plusieurs pays européens membres de la Francophonie (autre que les pays de langue française): la Roumanie, la Pologne, la Bulgarie et un autre pays encore (la Slovénie?).
    Lors de la révolte tunisienne (surtout), mais aussi égyptienne, nos radios francophones ont interrogé de multiples témoins francophones rencontrés dans la rue et le slogan "Ben Ali dégage" a été repris en Egypte.
    C'est curieux, mais, en Wallonie il a pu y avoir une revendication en faveur de l'anglais première langue étrangère au détriment du néerlandais que les Wallons ne veulent (voulaient), pas parler.
    Il faut dire que nous sommes si proches de la France et que la France a certaines promesses d'avenir en Europe (notamment sa jeunesse qui est nombreuse et qui est un fait qui intrigue les spécialistes). Paris est, avec Londres, une des rares villes mondiales. J'ai le sentiment que les Parisiens n'ont pas peur de l'anglais et que - à tort ou à raison - nous leur ressemblons un peu (de loin, certes).
    En revanche, je pense que tout qui a une petite connaissance du Québec se dit que là, le français doit se défendre. J'ai répondu un peu vite. Il faudrait être plus rigoureux. Je vais essayer de l'être un jour ou l'autre.
    Par exemple le français domine à Bruxelles, de manière écrasante. Mais le néerlandais y a sa place. Les partisans d'une autonomie poussée de Bruxelles ont récemment mis en avant l'idée que le français et le néerlandais devaient avoir le pas sur l'anglais ce qui est cela cas, mais on devrait le renforcer. La Constitution européenne de 2005 (qui a été rejetée), certains pensaient que sa langue faisant exclusivement foi aurait dû être le français, ce qui aurait peut-être amené les Français à l'approuver. Cette idée a été émise. mais l'Europe est malheureusement une idée forte et belle transformée en néolibéralisme. Devant les révoltes tunisiennes et égyptiennes Attali pense que l'économie de marché mène à la démocratie, certes peut-être aux formes apparentes (et réelles de la démocratie), mais la dictature du marché est peut-être ce qui corrompt le plus la démocratie. Il suffit de regarder la télé...
    Voilà quelques bribes de réponse. Il faudrait être pus rigoureux. On dit aussi dans les milieux européens que l'anglais qui y est parlé n'est pas vraiment de l'anglais et on l'appelle d'un nom bizarre que j'ai oublié...
    Merci pour votre question.

  • Claude Richard Répondre

    12 février 2011

    Monsieur Fontaine,
    Vos chroniques sont très intéressantes et nous renseignent baucoup sur la situation en Belgique, et en Wallonie particulièrement. Wallonie que vous nous avez appris à aimer en passant. Cela nous met à même de juger des parallèles et des distinctions qu'il y a à faire entre la situation wallonne et la situation québécoise.
    Cela étant dit, pourriez-vous, si le coeur vous en dit, faire une bonne fois un billet sur la pénétration de l'anglais en Belgique et en Wallonie? Je me souviens d'un voyage chez vous il y a quelques années où j'avais constaté que l'anglais était beaucoup présent à Bruxelles et presque omniprésent à l'aéroport de Bruxelles. Cela n'est pas propre, bien sûr, à la Belgique: on sait qu'une bonne partie de la France donne tête baissée dans l'anglomanie. Mais cela ne représente pas moins un danger pour la francophonie mondiale.
    Ce problème vous semble-t-il secondaire ou bien vous préoccupe-t-il aussi? Ici, avec Montréal qui s'anglicise de plus en plus et Québec, notre capitale, qui s'entiche à gogo de culture anglaise, le combat pour le français est primordial, au même titre que le combat pour l'indépendance.