Financement public d'écoles privées confessionnelles

Décision impardonnable

Écoles privées juives

Le gouvernement Charest et son ministre de l'Éducation, Pierre Reid, ne pèchent pas par cohérence et par vision. Comment peut-on décider de subventionner des écoles privées à 100 % lorsque les fonds manquent pour le réseau public d'enseignement et d'autres services publics?
Comment peut-on aussi, sans débat, financer davantage une école religieuse lorsque le Québec chemine progressivement vers la laïcisation de ses institutions scolaires et que la province doit décider d'ici l'été si elle recourra à nouveau à des clauses dérogatoires pour permettre l'enseignement religieux catholique ou protestant dans ses écoles publiques?
Les réponses fournies par le ministre de l'Éducation sont insatisfaisantes. Elles révèlent une indifférence à l'égard des acteurs des milieux scolaires publics et privés, et aussi, le peu de souci des décisions prises et que doit prendre l'Assemblée nationale.
Pierre Reid a été bouleversé par l'incendie criminel à l'école Talmud Torah Unis, une école juive de Montréal. Dans un souci de favoriser «l'apprentissage interculturel», le ministre a donc rehaussé de 40 % les subventions versées aux écoles privées juives. Environ 10 millions $ seront puisés dans les fonds publics à cet effet.
L'incendie, bien sûr déplorable et inacceptable dans un Québec que l'on souhaite pluraliste, n'est qu'une excuse. La communauté juive tente depuis 10 ans d'obtenir plus de financement. Le triste événement à l'école Talmud Torah ne sert qu'à justifier une décision politique et à remplir une promesse faite par les libéraux en 1994. Qui peut vraiment croire qu'il faille accorder un statut d'école associée et verser 10 millions $ pour faire des échanges culturels ?
Selon cette logique, toutes les autres écoles à vocation religieuse pourraient réclamer le même appui financier de Québec. D'ailleurs, le Conseil musulman de Montréal a vite compris le message et tentera de recevoir plus d'argent pour ses trois écoles. Où s'arrêtera le gouvernement Charest ?
Si les écoles privées juives et musulmanes sont davantage subventionnées, pourquoi les écoles privées catholiques ou protestantes n'auraient pas accès à plus de financement ? Dans un contexte où Québec éprouve des difficultés à équilibrer ses finances et à fournir des services publics adéquats, il est étonnant que le gouvernement Charest s'expose à une telle surenchère. Le Québec subventionne déjà généreusement ses écoles privées. Rien ne justifie qu'il dépasse la barre de 60 %, surtout en faisant l'économie d'un débat public sur la question.
C'est la même logique qui prévaut pour l'autre volet irritant de l'appui gouvernemental aux écoles juives : l'enseignement religieux dans les écoles. Après consultation, le Québec a décidé en 1997 d'amorcer la laïcisation de ses institutions scolaires. Les commissions scolaires sont passées en 1998 d'un statut confessionnel à un statut linguistique. Les structures confessionnelles du ministère et du Conseil supérieur de l'éducation ont également été éliminées.
Pour maintenir les cours d'enseignement religieux catholique ou protestant, tout en diminuant cependant de moitié le nombre d'heures consenties à cette matière, le Québec a eu recours à des clauses dérogatoires pour se soustraire à la Charte des droits et libertés. Ces clauses viennent à échéance en juillet et Québec doit décider s'il doit y recourir pour cinq autres années.
Or, même si le ministre Reid se défend que son soutien aux écoles juives en soit un à l'enseignement religieux, nombreux sont ceux qui tireront cette conclusion. Pourquoi les catholiques ou les protestants perdraient-ils alors leurs cours de religion à l'école publique, si l'école privée juive ou musulmane est épaulée par l'État ?
Voilà une façon bien malhabile de discuter d'un sujet aussi sensible que celui de la place de l'enseignement religieux dans les écoles publiques. Avant de dire oui à un groupe restreint, le gouvernement Charest devrait mesurer les impacts pour l'ensemble de la population.


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