CRISE AU CHUM

De très gros sabots

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La méthode forte de Barrette passe très mal

La démission du directeur général du CHUM, suivie quelques heures plus tard de celle du président du conseil d’administration, a entraîné une crise qui devrait interpeller le premier ministre Couillard. Elle révèle les tensions que crée dans tout le réseau de la santé le mode de gestion de son ministre Gaétan Barrette.
Le premier regard qu’il faut porter est sur l’institution qu’est le CHUM, qui va de crise en crise, et ce, dès ses balbutiements, alors que l’on plaçait au milieu des années 90 sous un même chapeau l’Hôtel-Dieu, l’hôpital Notre-Dame et l’hôpital Saint-Luc. Ce furent d’incessantes chicanes de clochers entre médecins, puis à propos du choix du site du nouveau CHUM. Plus récemment, ce sont les problèmes de gestion qui devinrent récurrents avec le siège du directeur général devenu éjectable. Une véritable misère, que l’histoire de cette institution.

Nommé directeur général il y a à peine neuf mois, Jacques Turgeon avait remis la gestion du CHUM sur les rails et tourné les esprits vers l’objectif commun qu’est l’intégration de tous les services dans le nouveau centre hospitalier, qui est en phase finale de construction. Mais voilà que le ministre de la Santé est venu se mêler d’imposer au nouveau directeur général la nomination du Dr Patrick Harris à la tête du département de chirurgie, qu’un comité de sélection dûment constitué a écarté.

Appelons un chat un chat, il y a là un interventionnisme inacceptable, car le pouvoir de nomination des cadres dans l’hôpital appartient à la direction et au conseil d’administration. Dans le cas de la nomination d’un nouveau patron du département de chirurgie, un processus de sélection était sur le point de se conclure et le ministre n’avait pas à s’ingérer dans ce processus. Jacques Turgeon a eu raison de démissionner.

Gaétan Barrette défend son intervention en évoquant des « sonneurs d’alerte » qui à deux reprises ont attiré son attention sur le processus de sélection pour ce poste. Encore faut-il distinguer les « alertes » des simples récriminations. Dans le premier cas, il fait valoir qu’un premier candidat retenu pour le poste de directeur de la chirurgie était lié à une enquête policière. Il lui fallait aviser le CHUM. Dans le deuxième cas, l’alerte venait de médecins insatisfaits du déroulement du nouveau processus de sélection.

La prudence ici s’imposait, d’autant plus que l’actuel ministre de la Santé, lui-même médecin, a affaire à d’anciens collègues et amis. La ligne à ne pas franchir pour ne pas tomber dans un conflit d’intérêts est ténue. Il l’a franchie allègrement, allant, selon Jacques Turgeon, jusqu’à exercer un chantage à son endroit pour obtenir la nomination du Dr Harris. Ce n’est pas pour rien que la loi donne aux conseils d’administration des établissements une autonomie dans la prise de décision. Rappelons-lui que même les ministres doivent respecter la loi.

Cette crise au CHUM survient à l’heure où la loi 10 sur la réorganisation du réseau de la santé est mise en oeuvre. Le ministre mène tambour battant sa réforme, n’hésitant pas à écraser de ses gros sabots tous ceux qui s’opposent à lui. Jacques Turgeon est une autre de ses victimes.

Philippe Couillard ne devrait pas donner à Gaétan Barrette l’appui sans réserve qu’il lui accorde. Le groupe d’experts qu’il envoie au CHUM faire le point sur les problèmes de discorde ne devrait pas être placé sous l’autorité du ministre de la Santé. Cet examen devrait être fait par un groupe indépendant. Il en va de la crédibilité même du gouvernement. Si la réforme du réseau de la santé est faite pour les patients, comme aime le dire Philippe Couillard, celui-ci devrait voir que ceux qui s’occupent des patients sont de plus en plus démotivés par leur ministre, qui est en voie de devenir l’ennemi de sa propre réforme.


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