De Jim à Monique

Budget Québec 2008



La ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, a déposé son budget deux semaines après celui de son homologue fédéral, Jim Flaherty. Il est difficile de résister à la tentation de comparer ces deux exercices budgétaires, qui doivent composer avec un même environnement, une menace de récession, une absence de marge de manœuvre et le contexte difficile d’un gouvernement minoritaire.

Le contraste, saisissant, est tout à l’avantage de Mme Jérôme-Forget, dont le budget, malgré l’absence de moyens dont elle disposait, est méthodique, ne se disperse pas, expose sans fard les problèmes du Québec et tente de les résoudre. Ce budget propose une direction qui manquait cruellement au budget Flaherty, avec son indifférence face au ralentissement et sa méfiance maladive de l’intervention. Cela montre qu’un gouvernement minoritaire, malgré l’inconfort de sa situation, peut avoir une vision.
Cela étant dit, il s’agit d’un tout petit budget, car le ralentissement privait le gouvernement Charest de marge de manœuvre. Il ne brasse donc pas beaucoup d’argent frais, 291 millions cette année et 516 millions l’an prochain. Pas de milliards et pas de mesures flamboyantes. Mais les initiatives, même modestes, s’inscrivent dans un plan et envoient les bons messages.
Le cadre conceptuel du budget, c’est le fait que le Québec souffre d’un retard de son niveau de vie. Ses principales initiatives visent toutes à combler ce retard en s’attaquant à sa cause première, la trop faible productivité de notre économie, et en concentrant les énergies sur les deux grands facteurs qui peuvent améliorer la productivité, l’investissement et le capital humain. C’est une logique avec laquelle je ne peux qu’être à l’aise, car c’est très exactement une stratégie de création de richesse.
Pour favoriser l’investissement, et surtout celui qui a une incidence sur la productivité, l’investissement en machinerie et équipement, le budget annonce l’élimination de la taxe du capital pour les entreprises manufacturières, qui devait disparaître progressivement. Bravo. Il était temps, car cette taxe, perverse, punissait ceux qui investissent. Ensuite, le budget prévoit un crédit de 5% pour l’investissement en matériel de transformation. Ces deux mesures stimuleront les investissements et aideront les entreprises en cette période difficile, si elles font elles aussi des efforts.
Dans la même logique, la ministre transforme, en suivant une recommandation du rapport Gagné, la philosophie de l’aide aux régions, en remplaçant les subventions à l’emploi par ce même crédit à l’investissement qui augmentera en fonction de l’éloignement. Un virage considérable qui favorisera la productivité et aidera mieux les régions.
Le budget abandonne une autre mesure dépassée, une aide aux entreprises des technologies de l’information qui dépendait du lieu où elles s’établissaient, ce qui en faisait une politique d’urbanisme plutôt que d’économie. Cette aide sera maintenant disponible partout sur le territoire, ce qui favorisera la productivité dont le retard s’explique aussi par le sous-investissement dans les technologies de l’information.
L’autre grand déterminant de la productivité, c’est la qualité des ressources humaines, que le budget aborde en consacrant une partie de ses maigres ressources financière au financement universitaire, et à un Pacte pour l’emploi, qui veut favoriser la formation, l’aide à la réorientation des chômeurs, l’employabilité des bénéficiaires de l’aide sociale.
Ce budget, très économique, contient quelques mesures sociales, pour les aînés, mais surtout pour les familles, entre autres pour tenir compte des attentes de l’ADQ. Mais cette intervention est cohérente avec le reste de la démarche. On crée des places de garderie, on établit l’équité pour les parents qui font appel à des services de garde autres que les CPE, mais en évitant d’encourager le choix de rester à la maison qui va à l’encontre des efforts pour agrandir et améliorer le bassin de travailleurs.
Mais au-delà de ses bonnes idées, c’est un budget de vaches maigres, parce que le ralentissement affecte les entrées fiscales. Il accuse un déficit de 1,3 milliard, critiqué par l’opposition péquiste. Mais ce déficit est épongé par les réserves que la ministre avait constituées depuis deux ans. C’est ce qu’il fallait faire. Cela permet de donner un coup de pouce à l’économie en période de ralentissement. Un impact contracyclique renforcé par deux mesures du budget de l’an dernier, la baisse des impôts et le vaste plan de travaux d’infrastructures. C’est un hasard, parce que personne ne prévoyait ce ralentissement il y a un an. Mais ça tombe bien.
Dans les circonstances, c’est un très bon budget, qui intervient bien et au bon endroit, et qui met le Québec sur la bonne voie. Un budget qui, heureusement, sera adopté, grâce à l’appui rapide que le critique adéquiste Gilles Taillon, qui l’a fait avec intelligence et sans complaisance.


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