Petite opposition, petit budget

Budget Québec 2008


Respectant une vieille tradition, la toujours élégante Monique Jérôme-Forget a présenté mercredi, en prévision du budget, sa nouvelle paire de chaussures, des escarpins noirs classiques au talon épais.

En parcourant son budget, on se dit toutefois qu'une paire de Crocs (vous savez, ces sandales en plastique très en vogue) aurait très bien pu faire l'affaire.
Comme son budget, ils sont légers, troués à plusieurs endroits, avec juste quelques touches de couleur et des petits accessoires à la mode pour plaire à l'opposition officielle.
Dans les circonstances, cela dit, ce n'est pas un mauvais budget, en ce sens que l'exercice répond à la priorité du moment: la prudence.
Quand on dispose d'une marge de manoeuvre d'à peine 200 millions (soit 0,3% du budget total du gouvernement du Québec) et que s'accumulent à l'horizon d'inquiétants nuages, ce n'est pas le temps de lancer de grandes aventures budgétaires. Tout le monde en convient, à commencer par Mario Dumont.
Le passage de ce deuxième budget est donc assuré et le gouvernement Charest voit la date d'expiration de son ticket repoussé de quelques mois, sinon même d'un an.
En ajoutant une aide fiscale aux familles qui n'ont pas de place de garderie subventionnée pour leurs enfants, le gouvernement libéral a «acheté la paix» avec l'ADQ à peu de frais. Chose certaine, cela coûtera moins cher que de verser 100$ par semaine par enfant aux parents qui n'ont pas accès à un CPQ, comme le demandait l'ADQ. En plus, les allègements fiscaux et la promesse de créer 20 000 nouvelles places d'ici cinq ans (au fait, on l'a déjà entendu, celle-là) respectent la politique familiale mise de l'avant par Québec depuis 10 ans.
Le fait que l'ADQ accepte sans geindre ce budget démontre bien que les rapports de force ont changé à l'Assemblée nationale. L'an dernier, quand Jean Charest a puisé dans le programme de l'ADQ pour écrire son discours inaugural, on s'était bien moqué de lui, disant notamment que les libéraux étaient à court d'idées et que, dans les faits, c'était Mario Dumont qui menait.
Cette année, on dira que Jean Charest fait un petit cadeau à Mario Dumont en lui permettant d'adopter le budget sans perdre la face.
Mario Dumont est meilleur politicien que Stéphane Dion. Vous ne l'entendrez pas dire que ce budget est mauvais, mais qu'il peut être adopté néanmoins. Il dira plutôt avoir contribué à le rendre meilleur et, donc, acceptable dans les circonstances.
Ce qui ne veut pas dire, toutefois, que l'ADQ approuve. Cela signifie simplement qu'elle n'a pas les moyens de provoquer des élections maintenant.
Ce qui est cocasse avec les gouvernements minoritaires, c'est que la réaction des partis de l'opposition n'est pas fondée sur les chiffres du budget mais bien plus sur les chiffres des sondages et sur l'état de l'organisation électorale.
Devant un gouvernement majoritaire, Mario Dumont aurait pourfendu ce budget, en particulier son échafaudage financier fragile basé sur les revenus d'Hydro-Québec, le genre de chose qui a toujours fait hurler le chef de l'ADQ.
Pour Mario Dumont, et il a raison, ces stratagèmes comptables cachent la réalité (le Québec EST en déficit) et, le plus souvent, ne font que pelleter les problèmes en avant.
C'est ce que son porte-parole, Gilles Taillon, a dit hier en substance, soulignant que les prévisions budgétaires comprennent «une bonne dose de pensée magique pour la deuxième année» et en dénonçant «l'impuissance du gouvernement à contrôler ses dépenses».
Ce budget, par ailleurs, fait peu ou pas d'échos aux débats de l'heure, en particulier pour la protection de la langue, pour l'immigration, pour l'agriculture et en santé.
Il faudra vraisemblablement attendre le plan d'action promis par la ministre responsable de la loi 101, Christine St-Pierre, pour savoir si l'Office de la langue française obtiendra du renfort. Pour le moment, Mme St-Pierre a réussi à arracher 10 millions sur deux ans à sa consoeur des Finances pour la promotion de la langue française. Cela paraît bien peu.
En outre, on aborde timidement le problème du français en milieu de travail en dévoilant un nouveau crédit d'impôt remboursable pour la francisation pour les entreprises, y compris celles de 50 employés et moins.
En immigration, les annonces sont modestes: 20 millions de plus sur deux ans pour les programmes d'intégration sur le marché du travail et d'apprentissage des nouveaux arrivants.
L'Agriculture subit dans le budget le même sort que lors de la publication du rapport de la commission Pronovost: la plus grande indifférence. C'est même pire que ça, le budget de l'Agriculture est réduit de 15 millions, ce qui risque d'être reçu comme une gifle dans le milieu.
Quant à la Santé, rien de neuf, sinon l'augmentation apparemment inévitable du budget de 5,5%, à 25,4 milliards par année.
S'il y a un jour des suites au rapport Castonguay, ce n'est pas dans ce budget que l'on en trouvera les germes.


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