Dion, de mal en pis

Stéphane Dion - "clairement", la fin des haricots



Démunis devant un budget plutôt terne, certains commentateurs ont conclu mardi qu'il s'agissait d'un document «sans vision», un cliché qui, finalement, ne veut pas dire grand-chose.

Comme un malade en phase terminale, un gouvernement dont l'espérance de vie est remise en question tous les six mois ne peut tout de même pas établir des priorités pour les 10 prochaines années. C'est précisément la mauvaise habitude que l'on reprochait à Paul «Plan sur 10 ans» Martin, du temps qu'il était premier ministre.
Le principal problème du gouvernement Harper n'est pas tant un manque de vision que l'absence d'un mandat. Ce gouvernement a été élu il y a plus de deux ans avec un programme minceur d'une durée de vie de 6 à 12 mois, ce qui fait qu'il tourne à vide depuis maintenant plus d'un an.
Stéphane Dion est d'accord, lui qui a écrit mardi soir dans un communiqué: «Les conservateurs n'ont manifestement aucune idée propre et ont en fait présenté une version allégée des orientations libérales.»
Voilà précisément pourquoi il fallait des élections, pour demander aux Canadiens de donner un mandat à un nouveau gouvernement, mais les libéraux ajoutent dans le même communiqué: «L'opposition libérale ne donnera pas aux conservateurs les élections qu'ils souhaitent si désespérément convoquer à cause (sic) de leur dernier budget, parce que ce dernier reprend de nombreuses mesures que les libéraux réclament depuis longtemps.»
Donc, les conservateurs n'ont pas d'idées, pas de vision, pas de mandat, pas d'allure, finalement, mais le chef de l'opposition officielle veut les garder en poste. Go figure, comme dirait Pauline Marois
D'abord, l'explication de M. Dion ne tient pas la route. Si les conservateurs avaient vraiment voulu s'autodérailler, ils n'auraient pas présenté le budget insipide que les libéraux dénoncent aujourd'hui. Ils auraient volontairement exagéré certaines mesures controversées pour provoquer l'opposition.
M. Dion peut faire des triples saltos arrière pour tenter d'expliquer son énième recul, reste que la vraie raison, et tout le monde le sait, c'est que son parti n'est tout simplement pas prêt à partir en campagne.
Il y a un an, cela pouvait fort bien se comprendre; M. Dion venait tout juste de prendre la tête du PLC. Mais 14 mois plus tard, les libéraux sont toujours en plein désarroi, ce qui soulève de graves questions sur le leadership de Stéphane Dion.
Les symptômes ne trompent pas: le recrutement de candidats est au point mort, le financement aussi, le caucus est divisé, les aspirants chefs - les Bob Rae et Michael Ignatieff, notamment - placent leurs pions, poursuivent leurs activités de financement personnelles et maintiennent leur réseau.
Comment expliquer que 14 mois après son accession à la tête du PLC, Stéphane Dion traîne encore une si lourde dette (on parle de plusieurs centaines de milliers de dollars)? Les règles de financement des partis ont changé, certes, mais le PLC est certainement capable d'organiser quelques soirées de financement pour son chef qui lui permettrait de se libérer de ce boulet. MM. Rae et Ignatieff ont continué de récolter de l'argent ces derniers mois, eux. Personne ne se précipite toutefois pour passer le chapeau pour M. Dion.
La seule question que les libéraux doivent maintenant se poser est la suivante: s'ils ne font pas confiance maintenant à Stéphane Dion, alors que les circonstances étaient plus favorables, qu'est-ce qui leur laisse croire que les choses s'amélioreront dans les prochains mois?
La triste réalité pour le Parti libéral, c'est que depuis 14 mois, les choses ne font qu'empirer. Pour faire une analogie de saison, c'est comme un rhume qui dégénère et qui s'aggrave. Après 10 jours, il faut consulter et prescrire un remède.
D'autres partis sont passés par là récemment, notamment l'Alliance canadienne avec Stockwell Day et le PQ avec André Boisclair. On sent chez les libéraux le même malaise, le même oups! on s'est trompé, qu'est-ce qu'on fait maintenant? L'Alliance canadienne et le PQ n'ont pas eu le temps d'appliquer le remède. Les libéraux, eux, ont plus de 18 mois devant eux s'ils décident d'attendre jusqu'à la limite légale du mandat du gouvernement Harper, en octobre 2009.
Le malaise ne tient pas seulement aux reculs récents de M. Dion. Il réside aussi dans l'absence de direction de celui-ci.
Stéphane Dion accuse les conservateurs d'être vides, mais lui, que propose-t-il? Que reste-t-il de Stéphane Dion? Quelles sont ses priorités? Quel programme met-il de l'avant pour le Canada? Qu'a-t-il à défendre, autre que le principe creux des «valeurs canadiennes» ? Comme on dit en anglais: What does Dion stand for?
L'environnement? Ses vertes convictions ne l'empêcheront pas de laisser passer un budget extrêmement faible en la matière. Idem pour la pauvreté des enfants, dont les libéraux parlent pourtant beaucoup.
Stéphane Dion, s'il doit survivre, a maintenant deux défis colossaux devant lui: convaincre son parti qu'il a la force et la détermination pour gagner et convaincre les Canadiens qu'il a les convictions pour diriger le pays.
Gros programme.


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