« un général sans armée »

Dion incapable d'imposer son autorité à son parti

B12bd2f269ac45d67d228ed04da1d211

Stéphane Dion - "clairement", la fin des haricots

Michael Ignatieff (à droite) est de ceux qui voulaient aller en élections. (Photo PC)

Joël-Denis Bellavance - Le chef du Parti libéral, Stéphane Dion, doit affronter une révolte silencieuse au sein de ses propres troupes qui doutent plus que jamais de son jugement politique à cause de ses tergiversations sur la justesse de provoquer des élections au pays au printemps.

Le chef adjoint du parti, Michael Ignatieff, a joint les rangs de ceux qui se révoltent en silence, refusant mardi d’obtempérer à la demande de proches collaborateurs de Stéphane Dion d’aller devant les caméras de télévision expliquer la décision des libéraux de permettre au gouvernement Harper d’adopter son troisième budget à la Chambre des communes pour éviter un scrutin fédéral.
Les collaborateurs de M. Dion ont dû se rabattre sur Bob Rae, qui n’a toujours pas de siège aux Communes et qui est porte-parole libéral en matière d’affaires étrangères, pour critiquer le budget des conservateurs tout en affirmant qu’il n’était pas mauvais au point de provoquer la chute du gouvernement Harper.
M. Ignatieff désirait que les libéraux votent contre le budget du ministre des Finances James Flaherty et forcent ainsi la tenue d’élections générales au printemps. M. Dion voulait également un scrutin printanier afin d’avoir enfin l’occasion de démontrer ce qu’il a dans le ventre.
Mais durant une réunion de stratégie mardi matin réunissant M. Dion et M. Ignatieff, le leader parlementaire Ralph Goodale, le sénateur et coprésident de la prochaine campagne électorale, David Smith et la sénatrice Céline Hervieux-Payette ont convaincu le chef libéral de ne pas provoquer d’élections maintenant. L’argument principal invoqué par les trois libéraux réfractaires à un scrutin hâtif était que le parti n’a pas l’organisation, ni l’argent, ni les candidats pour mener une campagne victorieuse.
Durant cette réunion, M. Ignatieff et M. Smith ont eu des échanges musclés sur la position que devraient prendre les libéraux, eux qui ont déjà permis au gouvernement minoritaire conservateur de se maintenir au pouvoir tout l’automne dernier en s’abstenant de voter sur le discours du Trône en octobre et le minibudget en novembre. « Michael Ignatieff n’est pas très heureux de la tournure des événements », a-t-on souligné hier.
M. Dion avait d’ailleurs demandé à ses propres troupes de se préparer minutieusement à l’éventualité d’une campagne électorale dès la semaine prochaine, mais son mot d’ordre a été ignoré. Aucune réunion de la commission électorale du parti n’a eu lieu ces derniers jours. Les organisations libérales dans les provinces n’ont pas mis les troupes en état d’alerte non plus.
La décision des troupes d’ignorer le mot d’ordre du chef a fait dire à l’ancien ministre des Transports et lieutenant politique de Paul Martin au Québec, Jean Lapierre, aujourd’hui commentateur politique, que M. Dion est devenu « un général sans armée ».
Et les choses risquent de se compliquer davantage pour M. Dion au cours des prochaines semaines. En effet, Bob Rae, qui était candidat dans la course à la direction du Parti libéral en 2006 tout comme Michael Ignatieff, doit enfin faire son entrée à la Chambre des communes à la faveur d’une élection partielle qui aura lieu dans une circonscription de la région de Toronto le 17 mars. M. Rae, qui a été le plus farouche opposant à la tenue d’un scrutin au printemps, compte profiter de son retour à Ottawa pour porter ombrage à celui qui sera sans doute son principal rival durant la prochaine course, soit Michael Ignatieff, qui s’est illustré jusqu’ici aux Communes.
Au sein du caucus libéral, d’aucuns s’attendent à ce que le retour en force de Bob Rae provoque une nouvelle guerre intestine entre l’ancien premier ministre de l’Ontario et M. Ignatieff. Au cours des dernières semaines, l’influence de Bob Rae sur le parti semble d’ailleurs s’être accentuée. C’est lui qui a convaincu l’establishment du parti de ne pas provoquer d’élections immédiatement, malgré la forte propension de Stéphane Dion à voter contre le budget.
Aux Communes, hier, M. Dion a tenté de critiquer le budget du ministre James Flaherty, mais il s’est fait rabrouer par le premier ministre Stephen Harper. «Quand (M. Dion) se livre à des attaques virulentes contre un budget qu’il compte laisser passer, il n’a tout simplement pas de crédibilité en formulant de telles attaques », a lancé le premier ministre.
Plus tard, M. Harper a continué à tourner le fer dans la plaie en parlant du chef du NPD, Jack Layton, comme le vrai chef de l’opposition officielle, même si M. Dion occupe bel et bien ces fonctions. M. Dion est aussi victime de quolibets du NPD, qui décrit maintenant le chef libéral comme « le chef de l’abstention officielle ».
Le NPD, qui se préparait activement à des élections au printemps, n’a d’ailleurs pas dit son dernier mot. Les troupes de Jack Layton songent à déposer une motion de blâme envers le gouvernement Harper d’ici trois semaines, a appris La Presse.
En furie contre les libéraux de Stéphane Dion qui comptent plier à nouveau devant les conservateurs pour faire adopter le budget, des stratèges néo-démocrates ont confirmé qu’ils envisagent de déposer une telle motion de blâme à l’occasion d’une journée de l’opposition qui leur revient d’ici le 14 mars.
La motion serait rédigée le plus simplement afin de rallier le Parti libéral et le Bloc québécois à la cause du NPD. « Que cette Chambre n’a plus confiance envers le gouvernement. » Si elle était adoptée, les Canadiens iraient donc aux urnes au printemps. Si les libéraux devaient s’abstenir de nouveau, M. Layton pourrait à son tour attaquer la crédibilité de M. Dion. En tout, le gouvernement Harper doit accorder sept journées de l’opposition aux trois partis d’ici le 14 mars.
Le député néo-démocrate d’Outremont, Thomas Mulcair, a confirmé à La Presse l’intention de son parti de déposer une motion de blâme. « Le NPD n’a pas encore joué toutes ses cartes. Nous avons une journée dite de l’opposition avant la relâche de Pâques. Ce serait une occasion de déposer une motion de confiance sur laquelle le gouvernement pourrait tomber si les autres partis d’opposition votaient avec nous. Nous n’avons pas encore arrêté notre stratégie définitive, mais c’est quelque chose que nous examinons très sérieusement », a dit M. Mulcair.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé