LIBRE-ÉCHANGE CANADA–UNION EUROPÉENNE

Couillard confronté aux réticences françaises

Le mécanisme de règlement des différends doit être retiré ou réinventé, dit le secrétaire d'État au Commerce extérieur, Matthias Fekl

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Blocage européen contre le libre-échange Canada-Europe

Alors que le premier ministre Philippe Couillard se déplaçait mercredi exceptionnellement à Bordeaux afin d’annoncer un renforcement de la présence d’Hydro-Québec en Aquitaine, il a eu l’occasion de prendre connaissance pour la première fois dans ce voyage de cinq jours des importantes divergences françaises sur la ratification du traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne. Au troisième jour de sa mission en France, le premier ministre a consacré sa journée à tenter de convaincre les investisseurs et les responsables du sud-ouest de la France d’accroître la coopération économique et scientifique.

La journée avait cependant commencé par un voyage en train Paris-Bordeaux en compagnie du secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl, lui-même originaire d’Aquitaine. Matthias Fekl est le principal défenseur dans le gouvernement français de la réécriture des articles du traité de libre-échange Canada-Union européenne portant sur le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États (ISDS). C’est lui qui exprime la position officielle de la France sur le sujet.

Pas de traité sans modifications

Durant les trois heures vingt du trajet Paris-Bordeaux, le premier ministre québécois — qui avait affirmé la veille n’avoir encore rencontré personne exigeant la réécriture du traité — a donc eu amplement le temps de découvrir les importantes réticences françaises. Même s’il s’exprime globalement en faveur de cet accord, le secrétaire d’État estime qu’il faudra avant de ratifier le traité soit retirer les articles actuels sur l’ISDS, soit les réécrire entièrement. Or l’opinion de Matthias Fekl représente non seulement la position officielle de la France, mais un consensus aussi partagé par l’Allemagne et les sociaux-démocrates européens. Dans le quotidien Le Monde, il affirmait mercredi que les seules options qui restaient sur la table étaient « le retrait pur et simple de l’ISDS ou l’invention de quelque chose de nouveau ». Pas question donc pour le secrétaire d’État de signer le traité Canada-Union européenne sans « inventer quelque chose de neuf, qui ne soit plus de l’arbitrage, mais une nouvelle manière de régler des différends, en intégrant les juridictions publiques dans la procédure. » Le secrétaire d’État exige aussi l’ajout d’une procédure d’appel.

Selon lui, il en va de la souveraineté des États depuis que l’on voit, par exemple, des exploitants de centrales poursuivre l’Allemagne pour avoir annoncé son retrait du nucléaire. « Il ne s’agit plus simplement pour des entreprises de se défendre contre des décisions arbitraires, dit Matthias Fekl, mais désormais de s’attaquer frontalement à des choix démocratiques — paquet de cigarettes neutre pour l’Australie, sortie du nucléaire pour l’Allemagne — avec des milliards d’euros à la clé. Il s’agit pour ces entreprises de faire payer aux contribuables les choix qu’ils ont faits en tant que citoyens. »

Interrogés sur leurs opinions respectives à ce sujet mercredi à Bordeaux, Philippe Couillard et Matthias Fekl n’ont pas voulu commenter leurs divergences par ailleurs évidentes. Matthias Fekl nous a cependant renvoyés à son entrevue explicite publiée mercredi dans le journal Le Monde. La veille, Philippe Couillard avait opposé une fin de non-recevoir à toute réécriture du traité, à l’exception d’éventuels documents annexes de « clarification ». Déjà plus accommodant que la veille, Philippe Couillard affirmait mercredi qu’« on trouvera une solution, mais on doit rapidement avancer ». Le négociateur Pierre Marc Johnson est d’ailleurs attendu bientôt en France.

Pour être ratifié, le traité doit impérativement être adopté par chacun des 28 pays membres de l’Union européenne.

Hydro-Québec en Aquitaine

Après avoir tâté de ces divergences, le clou du déplacement de Philippe Couillard en Aquitaine a été la signature d’une convention entre la filiale française d’Hydro-Québec SCE France et la région Aquitaine afin de créer un laboratoire pour développer de nouveaux matériaux afin de fabriquer des batteries de nouvelle génération pour les véhicules électriques. Le laboratoire sera aménagé en collaboration avec l’Université de Pau et il emploiera deux personnes dans l’immédiat. À terme, une dizaine de personnes pourraient y travailler. Une vitrine sera aussi créée afin de commercialiser les technologies développées par la filiale d’Hydro-Québec. La région Aquitaine s’engage à utiliser les technologies déjà développées par Hydro-Québec pour faire rouler les bus de plusieurs villes de la région.

Philippe Couillard s’est félicité de cet investissement, même si dans l’immédiat il ne crée pas d’emplois au Québec. « C’est une excellente nouvelle. […] D’abord tout rayonnement international du Québec et de ses sociétés d’État est bon pour le Québec. […] Oui, l’investissement va dans les deux sens, du Québec vers la France et de la France vers le Québec. »

La région Aquitaine est l’une des régions de France où les entreprises québécoises sont les plus présentes. Le spécialiste québécois de la gestion de l’information CGI y emploie à lui seul 750 personnes, notamment dans le domaine de l’aéronautique. En fin de journée, les universités de Bordeaux et Laval ont signé un protocole de coopération scientifique.

Aujourd’hui, jeudi, le premier ministre rencontrera le maire de Bordeaux, Alain Juppé, et vendredi, de retour à Paris, le premier ministre Manuel Valls.


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