M. BARRETTE FACE AUX MÉDECINS

Complaisance présumée

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Tel est pris qui croyait prendre

S’il n’avait pas aussi bien négocié il y a quelques années, tout serait plus facile pour Gaétan Barrette aujourd’hui. Le ministre de la Santé qui était, début mars encore, président de la Fédération des médecins spécialistes, se retrouve dans une situation incongrue, inédite, source de malaises, de devoir étaler, voire de remettre en question ce qu’il a tant travaillé à obtenir : le « rattrapage » salarial gargantuesque des médecins spécialistes de 2006.
C'est comme un joueur d’échecs qui, après avoir mis son adversaire en échec, passerait de l’autre côté du plateau pour le sortir de sa périlleuse situation ! Étrange. Il y a quelques mois, M. Barrette faisait des discours emportés sur l’absolue nécessité pour le Québec de donner le maximum (et même plus) à ses membres.

En 2006, le ministre de la Santé d’alors, Philippe Couillard, et la présidente du Conseil du trésor avaient beau répéter que les ressources de l’État étaient limitées, que si on leur accordait le rattrapage de 44 % qu’ils réclamaient (afin de rejoindre la moyenne canadienne), d’autres « missions de l’État » seraient amputées, M. Barrette a maintenu ses troupes à l’offensive, multipliant les moyens de pression jusqu’à ce qu’il obtienne une hausse majeure. Si importante en fait qu’elle pomperait un milliard en deux ans dans les faméliques finances de l’État québécois. Au bénéfice d’une classe de professionnels déjà privilégiée…

Il y a continuité ici entre les gouvernements Marois et Couillard : il faut étaler la hausse. Mais de combien ? Quand il était du côté « syndical » de l’échiquier, M. Barrette se disait d’accord avec le principe. Le gouvernement Marois et lui ne s’entendaient toutefois pas sur le montant à faire épargner à l’État : 300 millions ? 700 millions (chiffre évoqué par l’ancien président du Conseil du trésor Stéphane Bédard) ? Les négociations échouèrent. D’un côté, on dit que le gouvernement Marois préférait la mésentente afin de mieux dénoncer les médecins « gâtés » durant la campagne. De l’autre, on raconte que M. Barrette se montrait intraitable et qu’il marchandait son appui à l’étalement contre un engagement, de la part du gouvernement, d’accorder une autre hausse en 2015.

Quand il dit aujourd’hui « je suis là pour la population », on veut le croire. Mais il faudra que cela se traduise concrètement par une entente favorable à l’État. Avec la plantureuse « indemnité » (terme mal choisi pour un individu partant de son plein gré) de 1,2 million dont la FMSQ a gratifié M. Barrette lorsqu’il l’a quittée, on ne peut que présumer qu’il sera complaisant à l’égard de ses anciens collègues.

Chose certaine, lorsque M. Barrette quittera le service public, un retour de l’autre côté de l’échiquier sera clairement interdit par le Code d’éthique et de déontologie de l’Assemblée nationale : un ministre « qui a agi relativement à une procédure, une négociation […] ne peut, après qu’il a cessé d’exercer ses fonctions à ce titre, agir au nom ou pour le compte d’autrui à l’égard de la même procédure, négociation ou autre opération ». (Art. 59)

En attendant, espérons qu’un axiome célèbre en études politiques américaines, « Only Nixon could go to China », s’appliquera dans les négociations qui commencent. (C’est en effet le président républicain, lequel avait promis d’être « dur » avec le communisme, qui reconnut finalement la Chine rouge.) Un homme politique est souvent conduit à agir « contre » le « personnage » qu’on a fait de lui. Il veut surprendre et qu’on le retrouve là où on ne l’attend pas. Un phénomène apparenté fait que les chefs syndicaux font souvent les patrons les plus intransigeants. Pour l’intérêt public, espérons que cela jouera ici.


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