HARPER C. COUR SUPRÊME

Processus bancal

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Et quand on pense en plus que [la Cour suprême n'est qu'une créature du Parlement->http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/S-26/] et n'a même pas d'existence constitutionnelle...

Dans l’étonnante et inédite guerre que se livrent le gouvernement Harper et la juge en chef de la Cour suprême, on aurait tort de céder au manichéisme en se limitant à distinguer les bons (Beverley McLachlin) et les méchants (Stephen Harper). L’affaire doit faire comprendre une fois pour toutes que c’est l’ensemble du processus de nomination des juges de la plus haute cour qui doit être totalement repensé.
Les attaques de Stephen Harper, de son ministre et de ses conseillers à l’endroit de la Cour suprême sont empreintes d’un ressentiment malsain où affleure un mépris des institutions. Ce ressentiment tient évidemment aux décisions récentes de la Cour qui a déculotté le gouvernement de manière complète à plusieurs reprises ; les deux plus importantes étant le rejet de la nomination du juge Marc Nadon et le récent renvoi sur la réforme duSénat. Ces décisions empêchent le gouvernement Harperd’atteindre certains de ses objectifs les plus chers. Celui-ci semble toutefois oublier que c’est ainsi que le pouvoir doit être organisé en démocratie. « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », écrivait le grand Montesquieu.

Le ressentiment peut rendre ridicule. Par exemple lorsque le premier ministre Harper a affirmé sans rire vendredi que la décision du tribunal dans le cas Nadon allait « créer des problèmes pour recruter des juges du Québec à une institution nationale importante », la Cour suprême. Comme si les cours québécoises et le Barreau du Québec (18 000 membres, dont plusieurs ont au moins 10 ans d’expérience) ne comptaient pas assez de candidats potentiels. M. Harper fait mine de se porter à la défense des Québécois en déplorant que ceux qui siègent aux cours fédérales n’aient plus accès à un siège au plus haut tribunal. S’il se souciait authentiquement de la présence du Québec en Cour suprême, il ne se serait pas aventuré en septembre 2013 sur un chemin qu’il savait rempli d’embûches : la désignation du juge Nadon. Le résultat est déplorable : depuis la retraite du juge Fish en août 2013, la Cour tranche des litiges à huit juges plutôt que neuf ; et c’est un des trois sièges réservés au Québec qui a été vacant tout ce temps-là. Dans la cause Nadon et dans celle sur la réforme du Sénat, entre autres, où ses intérêts étaient en jeu, le Québec était donc privé d’un tiers de ses représentants, en contravention avec une règle constitutionnelle.

Il est du reste piquant que tout le monde à Ottawa — juges, élus — se revendique de manière presque lyrique de la séparation des pouvoirs. Car le Canada est loin d’être un modèle en ces matières (voir l’affaire Laskin). La présente querelle aura mis en relief un fait surprenant : la juge en chef de la Cour suprême a accès à la courte liste des candidats à une nomination ! Que la juge informe le politique de ses besoins est nécessaire est normal. Elle est une gestionnaire qui ne peut se passer de ces échanges avec l’exécutif qui tient les cordons de la bourse. Elle doit s’assurer en plus d’équilibrer son équipe, laquelle peut avoir des carences dans un champ juridique ou un autre. (Peut-être ne devrait-elle le faire que par écrit cependant, pour garder une distance ?)

Chose certaine, rien ne justifie que le patron de la Cour consulte la courte liste des personnes qui pourraient devenir ses collègues. La coutume, comme on l’a désignée, crée une situation délicate où la juge en chef, en effet, peut se faire accuser — ce dont le gouvernement ne s’est pas privé — d’avoir voulu faire pression contre un candidat ou un autre. La séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif devrait être précisée et formalisée au Canada, et Ottawa ne devrait plus avoir la mainmise sur le processus de nomination des juges.


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