Commission d’enquête bidon?

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Une manoeuvre pour tenir le gouvernement Couillard à l'abri des critiques





En esquivant les actes mêmes de surveillance de journalistes, le mandat de la commission peut apparaitre comme une tentative de diversion politique.


Ça y est. Le gouvernement Couillard a créé la commission d’enquête publique promise.


Cependant, la lecture du décret qui en définit le mandat peut laisser perplexe. Car il ne mentionne pas comme tels les actes répréhensibles ayant fait scandale.


Rappelons quels sont ces actes : avoir fait surveiller sur une période allant jusqu’à cinq ans toutes les télécommunications professionnelles et personnelles d’individus sur lesquels ne pesait aucun soupçon d’avoir commis quelque geste illégal que ce soit.


Le mandat de cette commission Chamberland (nom du juge qui la préside) s’attarde plutôt à la motivation et à l’effet de ces actes : découvrir l’identité de sources de renseignements journalistiques.






Surveiller toutes les télécommunications d’une personne sur laquelle ne pèse aucun soupçon est acceptable, sauf quand motivée ou résulte par l’identification d’une source journalistique ?








Un peu comme si une commission Charbonneau s’intéressait moins à la corruption qu’à la recherche de profits la motivant. Ainsi mandatée, une telle enquête n’enverrait-elle pas le message que la corruption est acceptable tant qu’elle ne sert pas à empocher des profits ?


Ou comme si une commission Gomery s’intéressait moins aux détournements de fonds publics et financement illégal d’un parti politique qu’à l’objectif de contrer le mouvement souverainiste du programme de commandites et aux profits réalisés par les amis du parti. Est-ce que détourner des fonds publics ou enfreindre la loi sur le financement des partis seraient acceptables tant que cela ne sert pas un objectif politique ou pécuniaire ?


Justifier l’injustifiable ?


Ne pourrait-on lire un semblable sous-entendu dans le mandat de la commission Chamberland tel que rédigé ? À savoir : surveiller toutes les télécommunications professionnelles et personnelles d’une personne sur laquelle ne pèse aucun soupçon est acceptable, sauf quand cette surveillance est motivée ou résulte par l’identification d’une source journalistique ?


Difficile de répondre définitivement tant que nous n’entendrons pas les trois commissaires se prononcer sur leur interprétation de la portée de leur mandat.


Mais la question doit être immédiatement, clairement et publiquement posée.






Si elle ne se limitait qu’à une stricte délimitation de la protection des sources journalistiques, la commission Chamberland ne serait rien d’autre qu’un exercice symbolique.








Car dans un texte précédent, j’explique pourquoi il est impossible de considérer la surveillance des communications des journalistes isolément de la surveillance des gens qui les alimentent et des gens qui les lisent, écoutent et regardent. Et cela d’autant moins dans un contexte où les activités d’information d’autrui, d’expression et d’opinion sur des sujets d’intérêts publics sont de plus en plus exercées par des non professionnels comme moi et vous.


Voilà pourquoi je concluais que, pour être efficace, le mandat de la commission d’enquête publique n’aurait d’autre choix que d’explorer et résoudre la surveillance des télécommunications par-delà la seule protection des journalistes.


Tout comme j’ajoute ici que l’objectif de protection des sources ne n’est également possible que si on explore et résout la question de la protection des lanceurs d’alerte.


En conséquence, ou bien on considère les récentes révélations touchant les journalistes comme la proverbiale pointe révélant l’immense iceberg des demandes de surveillance des citoyens faites par la police, autorisées par des juges et exécutées par les fournisseurs de télécommunications encaissant les paiements de ces mêmes citoyens.


Ou bien on essaie de faire croire que le navire démocratique n’a pas à s’inquiéter d’autre chose que de cette petite pointe d’iceberg.


Exercice symbolique ?


Si elle ne se limitait qu’à une stricte délimitation de la protection des sources journalistiques, la commission Chamberland ne serait rien d’autre qu’un exercice symbolique.


La commission pourrait certes arriver à des recommandations se traduisant par des mesures concrètes de protection des individus journalistes, mais sans effet réel sur la dégradation de l’information du public et de la démocratie.


Rappelons aussi en passant à quel point le contexte politique a évolué entre les révélations des activités de surveillance des journalistes et la mise en place de la commission Chamberland : un certain président Trump en conflit perpétuel avec les médias et ayant promis de faciliter les poursuites en diffamation, y compris contre les médias, va bientôt prendre la direction de la plus formidable machine de surveillance de l’histoire à laquelle notre propre Centre de Sécurité des télécommunications du Canada collabore.


Vigilance démocratique oblige.


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