Choisir ses batailles

PQ - l'heure du bilan historique


Il fallait entendre les cris d'orfraie poussés par le PQ en mai 1993, quand le gouvernement Bourassa a fait adopter la loi 86, qui autorisait l'affichage commercial bilingue.
Le père de la loi 101, Camille Laurin, ne trouvait pas de mots assez forts pour dénoncer cette ignominie: «une tragédie, une catastrophe, un désastre...». Dans son esprit, c'était «le début de l'effondrement».
M. Laurin ajoutait: «Il faut vraiment être colonisé pour trouver cela normal. Il faut avoir une longue habitude de la soumission, de la renonciation à sa propre personne pour accepter une chose comme celle-là.»
Devant un aussi grand péril, il n'était pas étonnant qu'au mois d'août suivant, les délégués au congrès national du PQ adoptent une résolution qui exigeait qu'un gouvernement péquiste rétablisse les dispositions originelles de la Charte de la langue française adoptée en 1977.
Pourtant, entre son arrivée au pouvoir, en septembre 1994, et son retour dans l'opposition en avril 2003, le PQ n'a pourtant rien fait pour corriger ce «désastre». Les militants qui réclamaient que l'on applique la décision du congrès ont été qualifiés de radicaux, sinon de boutefeux.
Le gouvernement Bouchard a même tripoté un rapport qui avait été commandé à l'ancien président du Conseil de la langue française Michel Plourde et à la politologue Josée Legault pour le rendre moins alarmiste sur la situation à Montréal.
Il est vrai qu'après avoir tendu la main à la communauté anglophone dans son célèbre discours au théâtre Centaur, Lucien Bouchard pouvait difficilement revenir à la règle de l'unilinguisme, mais ni Jacques Parizeau ni Bernard Landry n'ont même parlé de renforcer la loi, si l'on excepte l'adoption de la loi 104 pour éliminer les écoles-passerelles.
En réalité, ils se sont rendu compte que le compromis proposé par la loi 86, qui prévoyait la «nette prédominance» du français, satisfaisait la majorité des Québécois, naturellement réfractaires aux mesures draconiennes, au risque de pécher par bonasserie.
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La réaction de l'opposition péquiste au projet de loi 94 sur les accommodements raisonnables dans les différents ministères et organismes gouvernementaux rappelle — en moins apocalyptique, il est vrai — celle de 1993.
Comme l'était la loi 86, le projet présenté mercredi dernier par la ministre de la Justice, Kathleen Weil, se veut un compromis. Cette fois-ci, entre la laïcité intégrale et un vide qui s'apparente au laisser-faire.
On a fait grand état d'un sondage Angus Reid-The Gazette selon lequel 95 % des Québécois (et 80 % des Canadiens) approuvent l'obligation d'avoir le visage découvert pour toute personne qui donne ou qui reçoit des services gouvernementaux.
Certes, il est assez distrayant de voir confondus les commentateurs du ROC, qui y voyaient une autre manifestation de notre intolérance légendaire. Il ne faut cependant pas faire dire au sondage ce qu'il ne dit pas. Même si le gouvernement Charest n'a pas voulu aller plus loin que l'interdiction du niqab ou de la burqa, cela ne signifie pas que des restrictions supplémentaires seraient nécessairement mal reçues au Québec.
Dans son édition de dimanche, The Gazette faisait état d'un autre sondage, commandé à Léger Marketing par l'Association d'études canadiennes, selon lequel 75 % des Québécois s'opposaient à ce que les élèves musulmanes portent le hijab dans les écoles publiques.
Il est probable que la recommandation de la commission Bouchard-Taylor, qui proposait d'interdire le port de signes religieux aux magistrats et procureurs de la Couronne, aux policiers et aux gardiens de prison, ne poserait pas problème.
De là à imposer la laïcité intégrale, comme le propose aujourd'hui Mme Marois, sans même que le PQ ait tenu de véritable débat, c'est une autre histoire. Si la famille souverainiste est divisée sur la question, on peut penser que la société québécoise l'est au moins autant.
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À défaut d'être en mesure de tenir un référendum sur la souveraineté, Mme Marois a décidé, avec un certain succès, de réinvestir le champ identitaire, qu'André Boisclair avait abandonné à l'ADQ.
Encore faut-il bien choisir ses batailles. À courir trop de lièvres... Tout le monde ou presque reconnaît l'importance de poser certaines balises, en particulier pour assurer l'égalité entre les sexes. Même si l'on peut y voir une question de principe, imposer la laïcité intégrale ne répond cependant à aucune nécessité immédiate.
Un éventuel gouvernement péquiste pourrait dépenser son énergie à meilleur escient. S'il existe présentement une menace à l'identité québécoise, elle vient bien davantage de la détérioration de la situation du français, en particulier à Montréal, à laquelle le gouvernement Charest semble indifférent.
Pauline Marois s'est engagée à présenter une «nouvelle loi 101», qui étendrait notamment les dispositions de la Charte de la langue française aux entreprises de moins de 50 employés, ce qui n'est pas une mince tâche.
Est-il plus préoccupant qu'une fonctionnaire du ministère des Transports porte un hijab ou que la moitié des élèves allophones qui terminent leurs études secondaires choisissent de s'inscrire à un cégep anglais?


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