Charest enterre Grande-Baleine à nouveau

2006 textes seuls

À peine revenu dans l'actualité par la bouche du ministre Raymond Bachand, le mégaprojet hydroélectrique de Grande-Baleine est à nouveau enterré.
C'est l'assurance qu'a reçue le grand chef des Cris, Matthew Mukash, de la part du premier ministre Jean Charest lors d'une récente rencontre.
" M. Charest m'a dit que Grande-Baleine ne serait pas un facteur dans la politique énergétique qui doit être dévoilée bientôt, a affirmé hier M. Mukash en entrevue à La Presse. Il m'a dit que le projet ne referait pas surface tant qu'il serait au pouvoir. Il a pris la peine de me le dire trois fois. "
M. Mukash dit avoir reçu ces assurances lors de sa première rencontre avec M. Charest, le 24 mars dernier. Douze jours plus tôt, le 12 mars, le nouveau ministre du Développement économique, Raymond Bachand, avait affirmé que l'abandon en 1994 du projet à Grande-Baleine avait été une " erreur ". Dans une entrevue à la Presse Canadienne, M. Bachand ajoutait que le gouvernement était prêt à " réaccélérer " le développement hydroélectrique de la Baie-James.
Selon M. Mukash, M. Charest a indiqué que c'étaient les déclarations d'un " nouveau ministre " qui avait " un peu dépassé les bornes ". " M. Charest m'a dit que les autres projets hydroélectriques seraient concentrés surtout sur la Côte-Nord ", a dit M. Mukash.
À l'époque, le nouveau grand chef des Cris avait été l'un des principaux opposants au projet de complexe hydroélectrique à la rivière Grande-Baleine. C'est lui qui avait pagayé sur le fleuve Hudson à New York afin de rallier les écologistes américains contre le mégaprojet de 15 milliards.
M. Mukash a par ailleurs confirmé qu'il respecterait les termes de la paix des Braves, dont il était pourtant l'un des plus ardents critiques. Il a été élu en septembre dernier contre Ted Moses, l'artisan cri de ce traité signé en 2002 par le premier ministre d'alors, Bernard Landry. Le traité règle l'ensemble du contentieux entre Québec et la communauté crie, contre le versement de 70 millions par année pendant 50 ans. En échange, les Cris consentaient au détournement de la rivière Rupert, sous réserve d'une évaluation environnementale.
" Nous sommes liés par la décision de la nation crie, qui a approuvé la paix des Braves par référendum en 2002, dit M. Mukash. Je dis aux gens que je respecterai la paix des Braves. Mais, comme c'est d'ailleurs le cas avec la convention de la Baie-James, on peut toujours y faire des modifications à l'avenir, s'il y a des problèmes d'application. "
Il ajoute que le grand conseil des Cris déposera d'ici juin un mémoire aux audiences publiques sur l'impact environnemental du projet Dérivation Rupert.
Ce projet de 4 milliards est le plus gros pour Hydro-Québec depuis 15 ans. Il détournerait la plus grande partie des eaux de la rivière Rupert à 200 kilomètres vers le nord, jusque dans les réservoirs du complexe La Grande. C'est le dernier projet dans les cartons d'Hydro-Québec dont le coût de production est inférieur à 6 cents du kilowattheure.
La Rupert est un des plus grandes rivières encore à l'état sauvage au Québec. Elle prend sa source dans le lac Mistassini, le plus grand de la province, et se jette dans l'extrémité sud de la baie James, après un parcours de 400 kilomètres vers l'ouest.
Même si M. Mukash s'est rallié à son prédécesseur et à la courte majorité crie en faveur du traité, il redoute le jour où la Rupert sera détournée. " Je n'aime pas l'anticiper et j'essaie de ne pas y penser, dit-il. Tout ce que je dis, c'est que nous allons respecter le processus d'évaluation environnementale. Les deux côtés vont le respecter. "
Il compte sur l'énergie éolienne comme solution de rechange à l'avenir. " Économiquement, c'est bon et c'est bon aussi pour l'environnement, même si ce n'est pas joli, dit-il. Et cela pourrait sauver d'autres rivières et éviter d'autres inondations de terres. "
Encadré(s) :
Projet de Grande-Baleine
Le projet visait la rivière Grande- Baleine, ou Whapmagoostui, selon son nom cri.
Elle prend sa source dans le lac Bienville et se jette dans la baie d'Hudson, après un parcours de 700 kilomètres.
Le projet a été lancé en 1986 sous le gouvernement libéral de Robert Bourassa.
Il devait comprendre trois centrales totalisant 3000 mégawatts, pour une facture de 15 milliards. Sa rentabilité dépendait de ventes aux États- Unis.
Le chantier devait débuter en 1991, mais les Cris ont tout bloqué devant les tribunaux. Menés par le grand chef Matthew Coon-Come, les Cris ont remporté plusieurs victoires judiciaires, forçant notamment l'évaluation environnementale du projet.
Avec la perte des contrats américains et le rejet de l'étude d'impacts environnementaux, le projet a finalement été abandonné par le premier ministre péquiste Jacques Parizeau en 1994.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé