Rien n'est aussi révélateur des pratiques belges que la formation (intervenue cette semaine), des gouvernements dans les entités fédérées (Wallonie, Flandre, Bruxelles, Communauté française). Ces formations ont pu entraîner aussi des remaniements gouvernementaux au fédéral et même à la Commission européenne! Il n'y a pas de séparation bien nette entre les différentes «scènes» comme on dit au Québec, la scène wallonne par exemple et la scène belge. Mais parlons d'abord du jeu de chaises musicales.
Les chaises musicales
Ainsi le ministre fédéral belge des affaires étrangères, Karel De Gucht, devenant Commissaire européen (le libéral wallon Louis Michel démissionnant, peut-être pour revenir à la politique belge), il a fallu le remplacer. Il l'a été en fonction d'un accord entre partis gouvernementaux par Yves Leterme membre d'un autre parti (les démocrates-chrétiens flamands) que celui dont Karel De Gucht est membre (les libéraux flamands). Et ancien Premier Ministre : jusqu'à fin 2008... Il y a des ministres qui sont passés ainsi du gouvernement bruxellois au gouvernement fédéral, d'autres du gouvernement wallon au gouvernement fédéral (c'est sur ce cas en particulier que nous allons revenir).
Des changements bien réels cependant
Au total, cependant, malgré ce vaste jeu de chaises musicales, même si tous les gouvernements belges sont transformés, n'allons pas trop loin dans la critique. Si les gouvernements ont changé, c'est malgré tout surtout en fonction des élections régionales en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles.
Plusieurs ministres verts sont entrés dans le gouvernement wallon et le nombre des ministres est passé de 9 à 8. Rudy Demotte (PS, Ministre-président), André Antoine (CDH, budget et emploi), Jean-Claude Marcourt (PS, Economie), Benoît Lutgen (CDH, Equipement et Agriculture), étaient ministres dans le gouvernement précédent, mais ils y ont manifestement brillé, y compris Demotte qui n'y était que depuis à peine deux ans. Philippe Henry (Vert, Environnement), Paul Furlan (PS, Pouvoirs locaux) et Eliane Tillieux (PS et considérée comme régionaliste, Santé et Action sociale), n'avaient jamais été ministres. Les Verts ont encore un autre ministre, Jean-Marc Nollet qui devient le numéro deux du Gouvernement wallon. C'est une députée écologiste qui préside le Parlement wallon (et chez nous cette présidence a plus d'importance que dans les pays de tradition parlementaire britannique): Emily Hoyos. Elle a 32 ans.
Le passage de Daerden de Wallonie au fédéral
L'un des changements les plus étonnants, c'est le passage de Michel Daerden du gouvernement wallon (où il était ministre du budget comme il l'était également de la communauté française). Il devient ministre des pensions au fédéral, ce qui est un ministère important. On a dit que les Verts refusaient de siéger avec lui au gouvernement wallon. Il est vrai que Michel Daerden a été plusieurs fois filmé (ce sont des images qu'on retrouve sur You Tube et qui ont fait le tour du monde), alors qu'il avait abusé de la dive bouteille. Loin de fuir les caméras quand il est dans cet état, il fonde sa popularité sur une réputation de bon vivant et de profiteur des bonnes choses. Il se fait appeler «papa». Le Soir a même écrit que chez lui le clown l'avait emporté sur le ministre. Deux des plus importants journaux flamands (De Standaard et De Morgen), d'une manière modérée et en citant d'ailleurs leurs confrères wallons et bruxellois trouve cette nomination inadmissible. Ils pensent que l'on n'a plus voulu de Daerden au gouvernement wallon et que le président du PS l'a par conséquent «recasé» au fédéral. Il est vrai que, dans la pratique, dans tous les gouvernements des entités fédérées et dans le gouvernement fédéral, ce sont les présidents de partis qui "nomment" les ministres. Ce qui est un problème dans la mesure où les élections modifient les rapports de force entre partis (aucun n'est jamais majoritaire dans un scrutin à la proportionnelle), mais que ce sont les chefs des partis qui décident de ce qu'il faut en faire, ce qui estompe l'idée du «gouvernement du peuple par le peuple».
Les Etats fédérés sont en train de l'emporter sur l l'Etat fédéral
L'autre problème posé par Michel Daerden (universellement considéré malgré son image de clown comme un spécialiste exceptionnel des questions budgétaires, un ministre flamand l'a encore réaffirmé), c'est que, malgré tout, on a le sentiment, du côté flamand, que le président du PS en mettant Daerden au fédéral plutôt qu'en Wallonie, aurait démontré qu'il tient en fait plus au gouvernement wallon qu'au gouvernement fédéral. C'est ce que De Morgen en a conclu. Et il n'a peut-être pas tort.
Comme je l'explique ici depuis quelques mois, l'abondance des «scènes» en Belgique pourrait bien amener un jour à ce confédéralisme prôné par le chef du gouvernement flamand et qu'il appelle une «révolution copernicienne» dans la mesure où, selon lui, les Etats fédérés ne doivent plus tourner autour du gouvernement fédéral comme leur centre, mais bien l'inverse. Et, à mon sens, si cela ne se fait pas, un jour plus personne ne comprendra quoi que ce soit à ce qui se passe.
En réalité, je me demande si cette révolution copernicienne n'a pas déjà commencé.
Chaises musicales en Wallonie, Flandre, Belgique
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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