Les résultats du dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir vont directement au cœur du problème: un souverainiste sur trois ne voit pas en Pauline Marois «la bonne personne pour faire du Québec un pays».
Elle a indéniablement la compétence et l'expérience requises pour diriger un gouvernement, et les chances que le PQ reprenne le pouvoir semblent excellentes. Dans n'importe quel autre parti, cela suffit amplement. Une autre qualité est cependant requise d'un chef péquiste: il doit inspirer la foi.
À l'époque où il était chef de l'opposition, Jacques Parizeau ne «passait» pas plus que Mme Marois dans une grande partie de la population. À la veille des élections de 1994, il était nettement moins populaire que Daniel Johnson, alors que la cote de Mme Marois est tout de même meilleure que celle de Jean Charest.
À l'époque, l'ADQ en était à ses premiers pas et il n'y avait pas d'équivalent de Québec solidaire à la gauche du PQ. Si le vote francophone avait été aussi fragmenté qu'aujourd'hui, M. Parizeau ne serait peut-être jamais devenu premier ministre et il n'y aurait pas eu de deuxième référendum.
Malgré ses défauts, les militants péquistes étaient cependant convaincus qu'il était l'homme de la situation. On lui reconnaissait à la fois la détermination et la capacité de réaliser la souveraineté. Plusieurs croient au contraire que Mme Marois n'a ni l'une ni l'autre, et qu'elle rêve surtout de devenir première ministre.
De là à lui retirer leur confiance, c'est une autre affaire. Tout le monde a à l'esprit le douloureux souvenir du congrès de juin 2005 et la démission-surprise de Bernard Landry. Dans l'isoloir, les délégués seront devant un véritable cas de conscience: renouveler leur confiance à Mme Marois, même si cela peut signifier le renvoi de la souveraineté aux calendes grecques, ou provoquer un autre psychodrame aux conséquences incalculables.
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Heureusement, il existe d'autres exutoires à l'énergie des militants. M. Charest n'avait pas tort de voir «un petit échauffement» en prévision du congrès dans la nouvelle offensive pour forcer la tenue d'une enquête publique, que Mme Marois a lancée à la faveur de la crise qui a éclaté à l'Hôtel de Ville de Montréal. À défaut de libérer le Québec du Canada, la nécessité de le libérer des libéraux peut devenir une excellente source de motivation.
Mme Marois était bien consciente qu'en se ralliant à l'idée d'étendre la loi 101 au cégep, elle prêtait flanc aux accusations de radicalisme et qu'une partie de l'électorat francophone allait lui en tenir rigueur, mais il lui fallait parer au plus pressé.
Elle ne devrait normalement avoir aucune difficulté à franchir la barre des 80 %, mais elle sait très bien que l'avenir d'un chef de parti est toujours incertain. En mars 1997, Daniel Johnson avait eu l'appui de 80,3 % des délégués au congrès du PLQ. À ce moment-là, personne ne doutait qu'il dirigerait les troupes libérales aux élections suivantes. Moins d'un an plus tard, il remettait sa démission.
Le dévoilement des propositions de François Legault en matière d'éducation a été un four complet, mais il est encore un peu tôt pour l'enterrer. Si, à quelques mois des prochaines élections, il représente une menace sérieuse, la vie va devenir plus difficile pour Mme Marois.
Elle se présente aujourd'hui devant ses militants forte d'une avance qui laisse entrevoir une majorité péquiste, mais il y a encore beaucoup d'inconnues. Dans l'hypothèse où M. Legault lancerait un nouveau parti ou que son groupe s'unirait à l'ADQ, sans parler de l'éventuel départ de M. Charest, un PQ dirigé par une chef mal aimée de la population pourrait très bien revivre le cauchemar de 2007 et terminer troisième.
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Après avoir dirigé le Bloc québécois pendant six campagnes successives, on peut penser que Gilles Duceppe ne fermerait pas la porte à un déménagement. Au moment de s'engager dans le sprint final de la campagne fédérale, ce n'est cependant pas le moment d'en discuter.
D'ici le 2 mai, il ne peut surtout pas laisser entendre que le mandat qu'il sollicite de la population pourrait être écourté. Si tout se passe comme prévu, le congrès péquiste sera plutôt l'occasion d'une tonitruante démonstration de solidarité entre les deux chefs souverainistes, unis dans un même combat pour la quête du pays.
Après le 2 mai, M. Duceppe redeviendra cependant disponible. Il y a quatre ans, la froideur des députés péquistes, qui ne voulaient pas le voir débarquer à Québec, l'avait fait reculer. Depuis, la crainte qu'il inspire en a même incité plusieurs à fermer les yeux sur les lacunes de Mme Marois, mais le chef du Bloc demeure le seul qui pourrait lui succéder efficacement si la situation l'exigeait d'ici les prochaines élections.
Rien n'assure toutefois que M. Duceppe serait plus pressé qu'elle de tenir un référendum. Le programme qui sera adopté en fin de semaine le laisserait entièrement libre de choisir le «moment jugé approprié». Et au rythme où le PQ tient ses congrès, il aurait la paix pour longtemps.
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