Caisse de dépôt: des résultats bien médiocres en 2009

La nouvelle approche de Michael Sabia, qui insiste davantage sur la gestion du risque, a paralysé l'institution, confie-t-on

L'affaire de la CDPQ - conséquences et réformes

Denis Lessard - (Québec) Après une année 2008 carrément désastreuse, l'année 2009 sera bien médiocre. Pour sa première année à la direction de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia n'aura que des résultats désolants à mettre sur la table.
Les gestionnaires de la Caisse devront coiffer le bonnet d'âne quand on comparera leur rendement de 2009 à celui des autres fonds comparables.
Selon les renseignements qui circulent auprès des déposants qui ont confié leurs réserves à la CDP, les analystes de la Caisse anticipent déjà une contre-performance pour 2009.
Le rendement des placements tournera autour de 5 ou 6% en 2009, alors que les autres caisses de retraite canadiennes auront des rendements de 10 ou 12%, ont confié à La Presse des sources bien informées.
Officiellement, les résultats de la Caisse ne seront rendus publics qu'en février 2010, au moment de la publication du rapport annuel. Mais les 10 mois écoulés permettent de prévoir le point de chute du 31 décembre.
Le choix de Michael Sabia, ancien patron de BCE, avait soulevé une vive controverse dans le secteur financier francophone de Montréal. Jean Charest l'avait défendu avec vigueur, ce qui rendra la contre-performance de la CDP difficile à justifier.
Cet écart de 5% est «absolument énorme» explique-t-on. Chaque fois que le rendement de la Caisse baisse de 1%, c'est 1,2 milliard de dollars qui échappe à la cagnotte des Québécois. Un écart de 5 points comme celui qui est prévu pour l'année 2009 signifie que la Caisse est privée d'un rendement d'environ 6 milliards de dollars. La Caisse, qui avait déjà été malmenée par la catastrophe des papiers commerciaux, va encore une fois dégringoler dans le palmarès des caisses canadiennes.
La caisse de retraite malmenée
Du côté des déposants (des organismes comme la Régie des rentes, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics et la Société de l'assurance automobile du Québec), on sait déjà que l'année 2009 ne contribuera guère à compenser l'hémorragie de 2008. Pourtant, la croissance était bien plus vigoureuse sur les marchés : les obligations se sont appréciées de 6% environ, et les actions canadiennes ont fait un bond de 27%.
Le mauvais rendement des placements force en outre la Régie des rentes à pomper davantage dans la cagnotte pour payer les retraités. Il faudrait que la Caisse offre un rendement moyen constant de 7% pour que le régime soit en équilibre. Les déposants ont accès régulièrement au rendement de leurs placements sur l'intranet de la CDP.
Dans l'industrie de la construction, les résultats décevants de la CDP pour 2009 sont déjà annoncés dans les bulletins internes de la Commission de la construction. La CDP gère les caisses de retraite des employés de ce secteur.
L'an dernier, frappée par la crise financière, la Caisse avait affiché un rendement négatif de 25%, ce qui avait fait fondre de 40 milliards de dollars l'actif net de l'institution.
Arrivé à la mi-mars dans la controverse, Michael Sabia avait promis en commission parlementaire que le risque serait désormais mieux géré. Il s'était engagé à donner des résultats semestriels. Entre les mois de janvier et juin 2009, le rendement de la Caisse a été nul. Bien que le marché boursier ait connu une croissance très soutenue à partir de la mi-mars, la Caisse a été frappée par une dévaluation importante de ses investissements immobiliers. Cette tendance ne changera pas pour la deuxième partie de l'année, et le fait que la Caisse soit tenue d'inscrire ses actifs immobiliers à leur valeur marchande, même s'ils ne sont pas vendus, aura un impact bien négatif sur les rendements de 2009.
Bien des problèmes ont freiné les placements de la CDP. L'institution avait fait beaucoup d'emprunts, utilisé beaucoup de leviers pour investir. Or, elle a été forcée de vendre trop tôt pour rembourser ses dettes, ce qui lui a enlevé toute la marge de manoeuvre nécessaire pour profiter du marché boursier au printemps 2009.
Une nouvelle approche contraignante
Surtout, la nouvelle approche de Michael Sabia, qui insiste davantage sur la gestion du risque, a paralysé l'institution, confie-t-on. Cela a un impact sur les équipes de placement - chaque groupe doit désormais avoir un responsable du risque. Bien des employés recrutés gèrent les risques, mais on n'en trouve pas beaucoup pour surveiller le rendement actif, résume-t-on.
Au moment du décollage de la Bourse, au printemps dernier, la Caisse cherchait toujours un «vice-président chef des placements». Roland Lescure, venu de France, n'est arrivé qu'en juillet, et la CDP est restée sur le quai à regarder passer le train. «Il n'y avait plus de gestionnaire pour décider d'acheter des actions, alors on n'en a pas acheté», résume un spécialiste.
Multiples départs
De plus, le grand ménage décrété par l'administration Sabia à l'automne a poussé les responsables à jouer de prudence, à ne pas s'exposer avec des décisions audacieuses et donc plus risquées. À la fin du mois d'octobre, 24 des 135 personnes affectées au placement privé ont été remerciées ou sont parties à la retraite. Tous ces départs ont nui à la mémoire institutionnelle de l'entreprise.


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