Ça, la justice?

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« Il n’y a que les aveugles, les imbéciles et les gratte-papiers congénitaux pour ne pas voir le délabrement généralisé des institutions, l'effondrement de la moralité publique et le relâchement des principes les plus élémentaires. »


Accusé en 2014, un présumé ripou de SNC-Lavalin est sorti du Palais de justice la semaine dernière, souliers vernis, cravate de soie, en cachant parfaitement sa satisfaction...   


Bedawi qu’il s’appelait, celui-là. Il aurait offert dix millions à un témoin pour que la vérité soit corrigée de manière à éviter que justice soit faite. Dix millions, c’est peu en regard de ce que les Québécois auront payé pour leur foutu hôpital universitaire...   


Un autre a été relaxé par la justice, aujourd’hui. Un certain Stéphane Roy, ancien contrôleur des finances du foutoir de l'ingénierie locale. Il est libre et compte bien «poursuivre sa vie»... On ne le verra pas dimanche soir, à la télé...   


Ceux-là comme d’autres repentis du vendredi n’avaient pas à s’en faire avec la justice. Patience et longueur de temps suffisent maintenant à enrayer le convoyeur judiciaire.   


Si un motard peut sortir libre en souriant au bras de sa pitoune, imaginez les grosses têtes et les grosses payes du génie civil québécois. Ah, ceux-là, on les connaît, n’est-ce pas? Y a-t-il un projet qui n’ait pas été contaminé par leur sens aigu des affaires? Ils ont un faible pour les égouts, c'est de notoriété publique...   


Chez SNC-Lavalin, les soupçons ont tout imprégné au fil des ans. Comme les champignons de la pourriture qui répandent leurs émanations. Du sous-sol au dernier étage, jusqu'à celui qui se perd dans les nuages, là où les dominants dominent, où les vendus vendent leur âme, où la morale est objet de risée; c’est là aussi qu’on ne risque rien.   


La justice québécoise? À part les pédos, les ivrognes et les trafiquants les plus cons, c’est souvent un tourniquet où les avocats sont seuls à trouver leur compte.   



Ça, la justice?

Photo Fotolia




Les moins chanceux finissent avec une peine de prison à domicile, comme si cela était comparable au pénitencier. On ne peut même pas en rire tellement c’est gênant. En prison avec vue sur le fleuve, les deux pieds sur le pouf, le regard dans les flammes du foyer, un scotch de vingt ans à la main... Y a-t-il un con qui ne veuille pas d'une prison comme celle-là?   


Quand Bedawi et les autres ont été accusés en 2014, c'est la libérale Stéphanie Vallée qui débarquait au ministère de la Justice. Durant quatre ans, elle a régné comme Alice au pays des merveilles.   


En 2016, quand l’arrêt Jordan est tombé des hauteurs de la Cour suprême, les procureurs provinciaux ont levé les yeux au ciel, conscients du désastre : le temps supplémentaire ne suffirait pas à écourter la liste des accusés les plus intelligents...    


Les magouilleurs n’ont pas bougé. Ni l'oeil, ni la queue , immobiles comme des lézards derrière des verres transition.    


On n’avait pas encore fini de ramasser les ordures de la Commission Charbonneau qu’on revoyait aux nouvelles dans une autre connerie les champions du génie sanitaire, libérés faute de preuves, de courage ou de compétence. La désorganisation permet ce genre de choses...   


On se prenait à penser aux partenaires de golf de Vic Cotroni qui empochent désormais une grassouillette pension de la ville de Montréal, la ville de la disfonction hivernale.   


      - Finalement, témoigner, ça lâ pas été si pire...


- Sauf que j'ai dû tout mettre au nom de ma femme...  


Dans le dossier SNC-Lavalin, on est devant un étrange mystère. Ahuri, le juge a eu des doutes! Ce qui est plutôt exceptionnel, les juges sont plus souvent qu’autrement résignés devant le ministère...   


En cour, vendredi dernier, le juge Guy Cournoyer a dit qu’il ne comprenait pas ce qui s’était passé, et pourquoi le dossier Bedawi avait été négligé au point d’être oublié...    


Il n’en revenait pas : « Si on tient compte de la gravité de l’infraction en cause, [...] une telle situation apparaît inconcevable et inexplicable».  


Et c’est d’autant plus inexplicable, a-t-il ajouté, que «la preuve à présenter n’avait rien de complexe»...   


Ouais, bon, tout ça s'expliquerait facilement avec un peu de courage mais qui voudrait déclencher une rupture de barrage, provoquer une inondation, un déversement de malheureux préjugés...    


Après la Justice, ce serait quoi? L'informatique? Les Transports? La Santé? Les Ressources naturelles? Le matériel scolaire? Les congés, les assurances? Y a-t-il un domaine où l'on ne devrait pas demander des comptes? Avant d'apprendre à nager...   



Ça, la justice?

SYLVAIN DENIS/AGENCE QMI




Partout, bien sûr. Sauf que dans l’administration publique québécoise, comme dans toutes les administrations publiques qui se respectent d'abord, les «inexplications» sont si nombreuses qu’on se demande si elles n’ont pas force de loi.   


Loi du silence. Hermétisme. Incompétence. Nominations inadéquates et farfelues. Abaissement des exigences, etc. Ici, là, partout. Il n’y a que les aveugles, les imbéciles et les gratte-papiers congénitaux pour ne pas voir le délabrement généralisé des institutions, l'effondrement de la moralité publique et le relâchement des principes les plus élémentaires.


Aujourd'hui, peut-on nier que, sauf dans la mafia, le sens de l’honneur, c'est le doigt du milieu...    


Il n'y aura donc pas d’enquête au ministère de la Justice. Les ripoux n'ont pas à s'en faire. Ça n’arrivera jamais. L’État est toujours satisfait de lui-même, même quand ses conneries sont systémiques. Il n'a rien à craindre de ceux qui auront oublié demain le scandale d'aujourd'hui.   


Les Québécois devraient plutôt se trouver un bon avocat, préparer un recours collectif et réclamer un dédommagement en vertu de la Loi sur les victimes d’actes criminels. Ça fait tellement longtemps qu’ils se font baiser, il serait temps de leur montrer un peu de gratitude.