MISE À JOUR
Les funérailles de Frédéric Bastien se dérouleront dimanche. Dans La Bataille de Londres, il questionne la légitimité du régime canadien au Québec. Son thriller politique sur la genèse de la constitution de 1982 se lit d’un trait.
L’historien a transmis plusieurs demandes d’accès à l’information au gouvernement britannique pour obtenir la part des archives du rapatriement conservées à Londres. Leur multiplication a incité le Royaume-Uni à lui transmettre le lot entier gracieusement au consulat de Sa Majesté à Montréal.
Mais les autorités canadiennes refusent de dévoiler les leurs. Seulement quelques documents caviardés ont été communiqués à Bastien. Lors de la parution de La Bataille de Londres, l’Assemblée nationale du Québec avait pourtant voté une motion unanime, le 16 avril 2013, demandant la divulgation des archives du rapatriement tenues secrètes par Ottawa.
Loi d’accès à l’information
En mai 2013, le premier ministre Stephen Harper a répondu que le processus prévu à la loi canadienne d’accès à l’information suivrait son cours. Si bien qu’en juin un groupe d’historiens a dénoncé l’imprécision du classement des documents imposé par la loi aux institutions fédérales. En répertoriant les documents, le classement permet de formuler une demande d’accès précise et concise.
Pour les documents du Conseil privé, le ministère du premier ministre canadien, le dévoilement de documents archivés, même s’ils ont une valeur historique, restent soumis à l’autorisation du greffier, malgré que la loi prévoie le libre accès après 20 ans. Stephen Harper savait que Bastien se buterait à son agent politique durant le processus d’accès à l’information.
En effet, le premier ministre nomme le greffier, que la loi désigne pour évaluer l’opportunité d’accorder l’accès aux documents. Tout dépendrait du rapport de force au moment où la demande est formulée et de son auteur. La motion unanime de Québec a été vaine comme son opposition au rapatriement de la constitution.
La séparation des pouvoirs
À partir des archives anglaises, La Bataille de Londres informe aussi sur la transgression de la séparation des pouvoirs entre le juge en chef de la Cour suprême Bora Laskin et le premier ministre Pierre Trudeau. Qu’est-ce que le Canada cache à ce sujet? S’il n’a rien à cacher, pourquoi ses archives demeurent secrètes?
Pour Frédéric Bastien, l’opacité signalait l’illégitimité du régime, qui se vante en niant les circonstances ignobles dans lesquelles il est né. Comment, dans un pays aussi vertueux que le Canada, tous les premiers ministres ont-t-ils convenu, en pleine nuit, du rapatriement de sa loi fondamentale sans en informer leur homologue québécois, René Lévesque?
L’historien a encore placé le régime devant ses contradictions en critiquant les fréquentations de juges. Pendant qu’elle intervient contre la loi 21, l’association Lord Reading a invité la juge qui entendait la cause à prononcer une conférence. Un autre événement impliquant deux juges de la Cour suprême a aussi été annulé quand il l’a révélé.
Frédéric Bastien contestait le régime canadien en exigeant des justifications politiquement injustifiables au Québec. La motion unanime de l’Assemblée nationale du 25 mai 2023 visant la publication des documents de l’enquête sur les manigances fédérales au référendum de 1995 ouvre le prochain test de légitimité.
PHOTO FOURNIE PAR SÉBASTIEN BOUTHILLIER
Sébastien Bouthillier, Juriste, Montréal