Encore une fois, la santé sera l'un des thèmes prioritaires de la campagne électorale amorcée la semaine dernière. Et pour cause, puisque les Québécois eux-mêmes accordent toujours la première place à la santé dans leurs préoccupations.
D'abord, un constat: si les Québécois placent la santé au premier rang des problèmes auxquels le prochain gouvernement devra s'attaquer, c'est évidemment parce qu'un nombre croissant d'entre eux vieillissent. Mais c'est surtout parce qu'ils sont choqués que l'on ne soit toujours pas parvenu à régler des problèmes récurrents, comme l'attente interminable aux urgences et dans certaines spécialités, la prolifération des maladies nosocomiales, la pauvreté des soins à domicile et la difficulté de seulement trouver un médecin de famille.
Lors de la précédente campagne électorale, les libéraux avaient fait beaucoup de chemin sur le dos de leurs prédécesseurs péquistes, dont le bilan était effectivement peu reluisant. La mise à la retraite de milliers de médecins et d'infirmières, la fermeture de centaines de lits d'hôpitaux, dont les économies n'ont jamais été réinjectées dans les soins de première ligne, les compressions budgétaires excessives décrétées dans l'unique but de devancer l'atteinte du déficit zéro, tous ces gestes avaient contribué à la crise du système.
Au cours de son second mandat, le Parti québécois avait tenté d'arranger les choses en laissant croître les dépenses de cinq milliards de dollars, mais au moment de faire face à l'électorat, en 2003, nous en étions toujours à la promesse théorique d'une accessibilité améliorée.
Parvenus au pouvoir grâce à la promesse d'injecter rapidement plus d'argent, d'abolir les régies régionales, de réduire les listes d'attente et d'autoriser l'ouverture de cliniques affiliées, les libéraux n'ont réalisé qu'une partie de leurs engagements.
Oui, on a aboli les régies régionales... mais pour les remplacer par des agences régionales. On a aussi créé des réseaux locaux regroupant l'hôpital de la région, le CLSC et les centres d'hébergement sous l'autorité d'un même conseil d'administration, mais on se demande encore en quoi cela a amélioré le sort des patients. Quant aux fameuses cliniques affiliées, la loi qui les crée vient tout juste d'être adoptée et, pour le moment, leur contribution au système inquiète plus qu'elle ne rassure.
Cela dit, malgré ces réformes et la hausse spectaculaire de 83 % du budget de la Santé et des Services sociaux au cours des dix dernières années -- comparativement à 46 % pour l'ensemble des dépenses de l'État --, l'attente aux urgences est toujours aussi longue et pénible, la difficulté d'être traité dans les délais requis aussi grande qu'avant (si l'on excepte quelques spécialités), les soins à domicile et les services de santé mentale restent déficients, et l'éclosion inacceptable de foyers d'infection en milieu hospitalier continue de perturber la vie des malades, quand elle n'entraîne pas leur mort.
Pas plus que Pauline Marois ou François Legault avant lui, le ministre Philippe Couillard ne peut être tenu pour responsable d'une situation de crise qui dure depuis plus de vingt ans. Au contraire, M. Couillard fut l'un des meilleurs ministres de la Santé des dernières décennies. Dans un mois, pour le meilleur et pour le pire, quelqu'un d'autre prendra le relais et tentera à son tour de relever cet impossible défi de corriger les lacunes criantes d'un système aussi monstrueux qu'essentiel.
C'est donc à la lumière de cette réalité qu'il faudra analyser les propositions qui seront présentées par les partis au cours de cette campagne.
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j-rsansfacon@ledevoir.com
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