Autopsie d'une fausse controverse

Beaucoup de vent, d'amalgames outranciers, d'inculture crasse et de procès d'intention ont fusé cette semaine sur la tenue à Québec du Moulin à paroles.

1759 - Commémoration de la Conquête - 12 et 13 septembre 2009


Beaucoup de vent, d'amalgames outranciers, d'inculture crasse et de procès d'intention ont fusé cette semaine sur la tenue à Québec du Moulin à paroles.
Soit sous prétexte que le manifeste du FLQ y sera lu parmi 140 autres textes. Soit parce que l'événement ne serait qu'un "gros party d'indépendantistes"!
D'où l'erreur des organisateurs d'avoir invité des politiciens à y lire un texte. Je dis "erreur" parce que la force du Moulin était justement d'être une initiative de la société civile, d'artistes et de citoyens, visant à commémorer la bataille des plaines d'Abraham de manière audacieuse en parlant en fait de la survie de ce peuple depuis 250 ans. Un geste puissant de réappropriation historique. Surtout après le fiasco de la Commission des champs de bataille nationaux, qui cherchait plutôt à banaliser 1759 avec son approche récréotouristique où l'on s'attendait presque à voir des t-shirts du genre "Wolfe & Montcalm: best friends for ever!"...
Mais ouvrir le Moulin aux politiciens a fait entrer le loup partisan et chicanier dans la bergerie de la société civile. Le maire de Québec et les gouvernements Charest et Harper ont donc refusé de prendre part à un "show d'indépendantistes". Même s'ils avaient été invités. Mais nous n'en sommes pas à une bêtise près...
CES "GENS-LÀ"...
Toutefois, en y repensant, cette "erreur" a peut-être été un mal pour un bien. Primo: parce que les accusations voulant que le Moulin fasse l'"apologie de la violence et du terrorisme" étaient d'une indécence telle qu'elles lui ont fait une publicité sans prix! Les gens s'y rendront pour le Moulin lui-même, mais aussi, leur simple présence enverra paître toutes ces vierges offensées professionnelles dont l'indignation, de toute façon, penche toujours du même bord.
Secundo: parce que les citoyens ont pu observer chez ces mêmes vierges offensées une attitude troublante envers ces plus ou moins 40 % de Québécois disant appuyer la souveraineté. Et donc, dont le seul péché est d'avoir une option autre que celle des dites vierges offensées.
Ainsi, le maire Régis Labeaume s'est tout à coup senti "mal à l'aise" à l'idée d'être vu en public avec autant de gens de la même "famille" politique, soit des souverainistes. Pourtant, il n'a jamais exprimé de malaise lors du 400e alors qu'il était flanqué de l'autre "famille" - celle de la gouverneure générale et des gouvernements Charest et Harper. Au contraire! Il était radieux comme une femme enceinte!
Et que dire du ministre Sam Hamad? Il a répété sur toutes les tribunes que "son" gouvernement devait se "dissocier" de ce "rassemblement d'indépendantistes"? Ou, pour citer sa formulation préférée: "on veut pas [sic] s'associer à ces gens-là". Ces gens-là? Ça ne vous rappelle pas la manière dont nos notables parlaient à une certaine époque du pauvre peuple? Ces "gens-là", madame, ne sont pas comme nous...
C'est bien là que le bât blesse. Dès qu'on gratte le vernis de cette fausse controverse digne d'un gros village, on trouve quelque chose de pas très joli. Comme une mode déplaisante qui s'installe dans l'air du temps face à ceux qu'on décrit souvent comme "ouvertement" souverainistes. Comme si de l'être tenait d'une activité hors norme ou cachée. Une étiquette qui, contrairement à celle de "fédéraliste" - laquelle n'a même pas besoin d'être nommée tellement elle est dans la norme -, dit que cette personne n'est pas tout à fait comme tout le monde. Qu'elle serait plus "teintée" que les autres politiquement. Et qu'en sa présence, qui sait? On pourrait y être associé... Heureusement que la maladie n'est pas contagieuse. Ces "gens-là", madame...
Ce qui n'est pas encore de l'"intolérance" en soi. Encore que ça dépend du milieu dont on parle. Bien sûr, cette attitude n'est pas comparable, par exemple, à celle d'un Duplessis face aux communistes. C'est plutôt comme un agacement, une impatience, un brin d'exaspération face à une option qui, malgré qu'elle soit affublée elle-même d'un leadership de plus en plus fatigué, n'a pas encore eu la bonne idée de disparaître.
Puis, il y a ce vieux travers qui revient. Celui de prêter un côté potentiellement "violent" à des souverainistes. Oh, pas tous, bien sûr.
Seulement aux supposés "radicaux", sur lesquels on braque néanmoins les projecteurs et dont on se sert comme prétexte pour discréditer toute activité où ils pourraient se trouver. Les nouveaux pestiférés du village. Comme un Patrick Bourgeois, entre autres. À écouter Sam Hamad, on croirait que l'homme est bon à faire enfermer à Gantanamo. Faut dire que même le PQ l'a excommunié et ce, même s'il ne l'a jamais fait pour Claude Morin, pourtant un ancien informateur notoire de la GRC. Mais des goûts, paraît-il, il ne faut point discuter.
Cette association avec la "violence", on l'a aussi entendue avant l'"Autre Saint-Jean", où l'on attendait de la "casse" parce que deux groupes anglos y jouaient. Ou pendant le débat sur la reconstitution de la bataille des Plaines. Heureusement, de moins en moins de gens mordent à ce genre d'insinuations. À force d'exagérer...
Mais il y a aussi dans tout ça un autre phénomène. Bien plus simple celui-là. Celui d'une classe politique chez qui le respect pour les adversaires cède de plus en plus le pas à une certaine dureté. Un reflet, si vous voulez, de ce qu'on observe dans la société at large...
Ici comme ailleurs. La courtoisie est une espèce en voie d'extinction. Et pas seulement en politique.


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