Au fait, pourquoi des élections ?

Québec - prochaines élections 2007



C'est quand même un peu ironique. Tout le Québec politique ne s'intéresse qu'aux rumeurs d'élections à l'automne et personne ne se pose la question : pourquoi devrait-on avoir des élections, à part, bien sûr, parce que le parti au pouvoir y verrait son avantage ?
Tout cela se passe au moment où, dans le reste du Canada, le Parlement fédéral est saisi d'un projet de loi sur les élections à date fixe ; trois provinces ont déjà adopté la mesure et elle est à l'étude ailleurs au pays.
Partout dans le reste du pays, on considère que le pouvoir d'un premier ministre de pouvoir déclencher des élections générales à sa guise et sans autre raison que son intérêt partisan est tout à fait démesuré et exorbitant. C'est pour cela qu'au premier rang de toutes les réformes démocratiques qui ont été introduites par le nouveau gouvernement Harper, il y avait la tenue d'élections à date fixe.
Au Québec, la mesure a été plutôt bien reçue par les observateurs de la scène politique. Mais, on dirait que, sur ce dossier, ce qui est bon au fédéral ne l'est pas nécessairement au provincial.
Les partis d'opposition à Québec, qui devraient dénoncer cette dérive démocratique, sont même les premiers à réclamer des élections. En fait, c'est une sorte de machisme politique, les chefs de parti étant, sur ce sujet, un peu comme ces gorilles qui essaient d'impressionner les autres en se tapant sur la poitrine, comme s'ils disaient : "Amènez-en des élections, j'ai pas peur".
On peut avoir un débat théorique fort intéressant sur la notion même d'élections à date fixe dans un système parlementaire, mais ce n'est pas ce qui est en cause actuellement. Nous sommes dans une situation très claire de déclenchement d'élections uniquement parce que ce serait le meilleur moment pour assurer la réélection du gouvernement Charest. Celui-ci n'est pas ébranlé par des scandales et il n'a pas de mandat particulier à obtenir des électeurs. Il n'essaie pas de nationaliser l'électricité ou de faire ratifier un traité de libre-échange.
Soit dit en passant, le mandat de négocier le déséquilibre fiscal, que voudraient invoquer certains stratèges libéraux, M. Charest l'a déjà. Il l'avait demandé (et obtenu) pendant la dernière campagne électorale, en 2003. Il n'a nullement besoin d'aller aux urnes pour avoir un mandat des électeurs québécois à ce sujet, et une élection ne renforcerait d'aucune façon sa position vis-à-vis d'Ottawa.
Ce débat, ou plutôt cette absence de débat, est le signe d'un problème plus large. Au cours des derniers mois, entre autres à cause du scandale des commandites et du rapport Gomery, il y a eu un large débat public au Canada sur la nécessité de réformer nos institutions pour les rendre plus démocratiques.
Il y a un consensus qui émerge au Canada sur le fait que la concentration de pouvoirs entre les mains du premier ministre est trop grande et qu'elle a mené à des abus. Ce n'est pas un hasard si le projet de loi le plus important présenté par le gouvernement Harper touche l'imputabilité des élus.
Au Québec, on a suivi les audiences de la Commission Gomery comme si c'était un téléroman. Mais on est passé à côté de l'essentiel de ses recommandations. Un certain nombre d'entre elles visaient justement à réduire les pouvoirs du premier ministre. Comme de mettre fin à son pouvoir de nommer tous les sous-ministres et que ces nominations soient désormais soumises à des concours.
Il proposait aussi de rééquilibrer les pouvoirs entre le bureau du premier ministre et le Parlement afin de donner plus de moyens à celui-ci de mieux exercer son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'exécutif.
À peu près personne au Québec - et surtout pas l'opposition officielle péquiste - n'a fait le lien, pourtant évident : si le premier ministre du Canada a trop de pouvoirs et que cela a mené à des abus, les pouvoirs du premier ministre du Québec, qui sont essentiellement les mêmes, devraient aussi être limités pour prévenir les abus.
Ce qui fait qu'on se retrouve aujourd'hui avec à peu près personne qui ne s'indigne que le premier ministre puisse utiliser le plus extravagant de tous ces pouvoirs, celui de déclencher une élection anticipée, sans autre raison que de favoriser la réélection de son parti.
Il fut pourtant un temps où le Québec était l'endroit au Canada où l'on se préoccupait le plus de la santé de nos institutions démocratiques. Mais depuis quelques années, on dirait que le sujet n'intéresse plus grand monde. C'est vrai que le scandale des commandites venait d'Ottawa. Mais cela ne nous dispense pas, au Québec, de faire le nécessaire pour ne pas que cela arrive ici.
Alors, au fait, pourquoi des élections anticipées ?
Pour joindre notre chroniqueur : mcauger@lesoleil.com


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