Appel à la réconciliation

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Comprendre notre intérêt national


déchirés comme vieille carte routière

dans nos coins de pays et coins de solitude

les plis des vieux qui pleurent le temps

les rires des jeunes emplis d’indifférence
peur et confiance, espoir et désillusion

maudite barque de pays de calvaire

un peuple déchiré, divisé, cassé

comme un miroir qui a mangé un poing
dur de tracer, dans un ciment craqué croche

le portait de ce pays, ce qu’il fut, et aujourd’hui

plein de partis mais point de vision

et sans regard aucun salut
je suis un petit artiste que nul ne connaît

vingt-et-un ans à peine, Québec en a quatre cents

j’ai l’espoir grand comme un fleuve nordique

mais on me le barre à coup de vieilles solutions
c’est dire que faire fi des contradictions

est un défi impossible en ce pays

trop mou et trop toujours tout pour tous

notre salive et nos mots, on se les crache au visage
peuple de paradoxes, au malaxeur toutes

belle bouillie d’algues bleues fleurdelysées

belle tarte de talk-show de patates frites

poutine crisse, avec extra sauce brune chimique
alors devant ce fléchissement, cette bourde grégaire

il s’est réfugié dans pire que l’absurdité

de ce que pépère a bâti et que mémère a popoté

il ne reste que des restes et quelques fonds de verre
la virtualité a remplacé l’idéal révolutionnaire

on ne se parle plus, le téléviseur le fait à notre place

et pendant qu’on grossit, notre fierté rapetisse

et nos vieux espoirs se font balayer sous un sale tapis
la cohésion a maintenant fait place à l’occultation

que du beau, que du beau, du facile, du tout cuit

le bulletin de loterie et le billet de vote

sont nos uniques façons d’espérer quelque gain
et, face à ce constat on ne peut moins déprimant

une jeunesse se lève, se manifeste et ose parler du monde

on la traite de lâche, d’utopiste et de marginale

alors qu’elle a de l’Audace, ce qui était mort en ce pays
l’Audace dis-je, celle-là même qui a bâti les Manics

celle-là même qui a filmé les Raqueteurs

et celle-là même qui a causé des émeutes dans un certain forum

dégageant quelque parfum d’ultime liberté
et quand elle parle, cette jeunesse, on veut la taire

et quand elle crée, cette force nouvelle et toute chaude

on ose dire qu’elle n’invente que des futilités

alors qu’elle désinvente le malheur qui nous frappait
elle parle d’utopie car le réalisme est un Art douteux

elle crée lumière, science et plus que tout, l’Avenir!

quiconque se moque d’elle n’a plus qu’à se fermer

car en un livre nommé la Vie, voici son chapitre
en ce pays du Québec porté d’un vent bien fait

les rivières coulent éparses entre villages ouverts

les complexes ont fait place à la glorieuse fierté

d’être à jamais porteurs de grandes réussites
déchiré disais-je, ce peuple qui ne demande qu’à être

opération jeunesse et points de suture, guérissons-nous

de nos vieilles rancoeurs, de nos puériles discordes

et construisons ensemble ce rêve de tous les jours
quant au premier pas, commençons par y croire

et prière de cesser ces bagarres divisionnaires

je lance cet appel à la réconciliation

en tant que petit artiste osé par la grandeur
Simon Blais
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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6 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    13 février 2008

    Un artiste se disant petit, et juvénile, se pointe sur Vigile. Prend la peine de rapailler ses opinions, peut-être celles aussi de son entourage. Il les met en mots et les livre sous forme poétique : Synthèse, remises en question, déceptions, espoirs et défis.
    Fruit de travail soutenu ou réflexion spontanée, l’auteur souhaite entre les générations, réconciliation, du moins dialogue, me semble-t-il. Pas sûr qu’il se satisfera de nos lapidaires remarques paternalistes comme : Génial! Grandes valeurs! Quel beau texte, continue! Tout est dit…

  • Archives de Vigile Répondre

    13 février 2008

    Ouf,je suis sonné. Quelle force, quelle puissance. quelle beauté.
    Il arrive parfois que l'on reste bouche bée. Quand tout est dit que dire sinon redire ?
    Ne reste plus qu'à copier, coller et sauvegarder. Ce que je ferai avec gratitude.
    Bravo ! Et grand merci.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 février 2008

    J'aime beaucoup! Quel beau texte!!

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    12 février 2008

    Un jeune poète se désespère de ses arrière-arrière-grands-pères.
    En alignant ses quatrains, il appelle à la réconciliation.
    Pour lui l’historique de La Cause est plus trouble que celle des Boers.
    Pourquoi donc les Québécois ne parlent-ils pas d’une seule voix?
    Il trouvera la lumière dans l’histoire de l’Empire britannique.
    Principe puisé de l’Empire romain : diviser pour reigner.
    En fondant une colonie, repérer les leaders naturels, les embaucher bien payés
    Comme foremen dans la tâche d’assimiler leurs congénères, payés cheap mais steady.
    Pour éviter la chicane, il nous aurait fallu suivre King et Laurier
    Comme aujourd’hui Bush et Harper dans des guerres fallacieuses :
    La vie de nos jeunes pour sauver l’Empire ou pour spolier des richesses naturelles?
    S’accommoder de la « productivité » Canadian ou préférer la qualité de vie québécoise?
    La « sécurité » de la gestion par le « plus meilleur pays au monde »?
    Ou la détermination d’assumer TOUTES nos décisions de pays libre?
    Pourquoi le choix n’est-il pas évident pour tout le monde?
    Cette belle jeunesse trouvera peut-être les arguments pour la réconciliation.

  • Robert Bertrand Répondre

    12 février 2008

    "Petit artiste", dites vous.
    Vos espoirs, votre invitation à la réconciliation sont remplis de grandes valeurs.
    Poursuivez. Interpellez.
    Nous avons besoin de gens comme vous.
    Robert Bertrand, rédacteur,
    Québec un Pays

  • Luc Potvin Répondre

    12 février 2008

    « le bulletin de loterie et le billet de vote »
    Génial !
    Toute une époque résumée en une seule ligne.