Alors, que faire ? (1, 2, 3, 4)

Le Québec comme écosystème social assez riche

PQ - Pauline : gouverner mais encore ?....

Il faudra bien, un jour, qu'à propos de la nation québécoise, je tire les conclusions inférées des lois, théories et hypothèses découvertes en observant la nation américaine. Je vais faire un premier essai aujourd'hui.
Par exemple, je posais ici l'hypothèse que l'ensemble des conditions socio-économiques d'une société forme un écosystème répondant, mutatis mutandi, aux mêmes règles environnementales qu'un milieu physique donné. J'ajoutais que les États-Unis, pays riche et diversifié, pouvaient facilement être assimilés à une forêt tropicale qui se permet une variété phénoménale d'espèces vivantes. L'impressionnante bio-diversité des tropiques correspondrait à la vaste socio-diversité des États-Unis. Tous les Américains, les géniaux comme les tarés, les "prix Nobel" comme les créationnistes, peuvent s'y côtoyer sans menacer l'écosystème social américain.
Selon cette hypothèse, il nous faudrait reconnaître que le Québec, en se classant parmi les 20 premières économies de la planète, bénéficie d'un écosystème social assez riche permettant une socio-diversité elle aussi exubérante. Qu'on le veuille ou non, c'est déjà entré dans les valeurs que l'on partage tous. On aime bien ceux d'ailleurs qui se sont d'emblée joints à nous, les Luck Mervil, la belle Nanette Workman, Khanh Hua (Monsieur 5.95$, le dépanneur de Catherine), etc, et tous ces compagnons de travail de la vraie vie, Louise la laotienne qui fait des beignes chez Krispy Kreme, David le cambodgien qui fait des sushis chez IGA...
Des Québécois comme eux, on peut en intégrer encore beaucoup d'autres sans mettre en danger notre écosystème social. Le seul problème qu'on a, pour l'instant, ce sont ces intégristes de carnaval qui veulent faire porter des casques de bain à des fillettes qui jouent au soccer. Mais ces gens-là trouvent leur raison d'être dans la provocation et je ne crois pas qu'ils aient beaucoup d'influence même au sein de leur propre communauté. D'une manière ou d'une autre, il n'y a pas moyen de les éviter, c'est à la planète entière que les intégristes islamiques donnent de l'urticaire.
Je ne peux pas comprendre les nostalgiques du nationalisme ethnique, lequel ne correspond à rien de réel aujourd'hui. Et si cela a correspondu à quoi que ce soit dans le passé, ça n'était pas toujours joli joli. Les curés pédophiles, les rongeux de balustres, les grenouilles de bénitiers, les mémères de paroisse, les gros cultivateurs bornés, les bûcherons saouls morts pendant la moitié de l'année, cela aussi faisait partie de ce que nous étions. Un nationalisme ethnique calqué sur l'image idéalisée de l'identité québécoise des années '30 ? Non merci.
Le nationalisme civique n'est pas assez mobilisateur, nous dit-on. Et puis, le Parlement canadien a déjà reconnu la nation qui habite à l'intérieur des frontières de l'État du Québec.
Alors, que faire ?
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2 - le 24 juillet 2007
Et puis il y a cette théorie de l'invraisemblable corrélation qui avance que les violations constitutionnelles, les guerres d'agressions, la torture, l'abolition de l'habeas corpus, les mensonges répétés au Congrès et le mépris ouvertement affiché des institutions démocratiques américaines ont des effets mineurs sur la popularité du président. Le seul facteur d'importance est le niveau des prix du pétrole. Ce facteur à lui seul suffit à expliquer les fluctuations dans la popularité de la présidence de Bush.
La revue Business Week s'est aussi intéressé à cette corrélation dans le temps. Elle a de plus constaté que le même phénomène s'appliquait à Nixon, Carter et Bush père.
Est-ce à dire que le peuple américain est constitué de brutes épaisses qui n'en ont que pour leur portefeuille et leur SUV ? Je ne le crois pas. Certainement pas pendant que le Congrès affûte ses armes en vue de l'impeachment et que plein d'intellectuels distingués, tel Robert Parry, énumèrent les raisons impérieuses de procéder en cette matière. Est-ce à dire, comme je l'ai déjà avancé avec dérision, que n'eût été le choc pétrolier de 1973, Nixon n'aurait pas été chassé de la présidence ? Non, je ne le crois pas.
Simplement, des dizaines et des centaines de facteurs inconscients, ou mal formulés, souvent contradictoires en plus, s'agitent dans l'esprit du citoyen américain qui porte un jugement sur son président. Et les Américains sont comme nous: la Constitution des États-Unis ne fait pas partie de leur première ligne de priorités. Ils savent intuitivement s'ils ont confiance ou pas dans la présidence, mais si, en plus, il faut que le prix du pétrole soit trop haut, alors là, c'est le "boutte du boutte"... D'où l'invraisemble corrélation.
Quelles leçons en tirer pour le combat en faveur de la souveraineté du Québec ? Les questions constitutionnelles ne soulèveront jamais les masses populaires. La loi sur la Clarté n'intéresse personne: personne ne va voter NON à cause d'elle et si le OUI est majoritaire, elle sera balancée comme un fétu de paille. Les gains budgétaires provenant de la renégociation avec le reste du Canada sont immatériels pour les gens. Le "flag du Québec sur le hood" de la limousine de notre ambassadeur à Paris ne fait saliver personne, ni un siège à l'ONU, ni la contribution québécoise dans les forums internationaux sur la diversité culturelle.
Mais il existe une invraisemblable corrélation entre QUELQUE CHOSE et le fait de voter OUI. Il existe quelque chose d'irrationnel qui peut mobiliser puissamment la nation québécoise en faveur de la souveraineté, seulement, personne ne s'entend là-dessus. Les uns disent que c'est la sauvegarde du français. Mais j'ai remarqué qu'on parle de plus en plus de la sauvegarde du "bon français" et de moins en moins de la sauvegarde du français. Le peuple ne montera pas aux barricades pour le "bon français", il veut seulement ne pas être obligé d'apprendre l'anglais pour gagner sa vie.
Je pense personnellement que c'est le mépris d'une certaine portion des Canadiens pour le peuple québécois, de même que la hargne du PLC contre le nationalisme, qui sont les meilleurs motivateurs pour un vote en faveur de la souveraineté. Mais là, on dépend des erreurs de l'adversaire pour gagner. Peut-être que même Dion peut apprendre de Harper comment cesser d'écoeurer les Québécois ?
Alors, que faire ?
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3 - le 25 juillet 2007
Enfin, il y a cette observation, pompeusement appelée Loi de Zylag, qui stipule que l'intelligence collective d'un groupe de personnes est inversement proportionnelle à l'intelligence moyenne des membres de ce groupe.
Il n'y a pas là de grande découverte. Il est assez courant de constater que les groupes formés de beaux parleurs qui se pensent bien intelligents auront beaucoup moins de succès dans leurs actions collectives que les groupes moins bavards qui expriment des considérations stratégiques plutôt frustes, mais qui restent fortement solidaires quand vient le temps d'attendre, et quand vient le temps d'agir.
Au niveau des grands groupes, les raffinements stratégiques ont rarement plus d'importance que la solidarité dans l'action. Et c'est pourquoi je me désole de voir le mouvement souverainiste éclaté dans de multiples options, assuré de perpétuer son inutilité tant qu'il n'aura pas rétabli son unité d'action. Après tout, il ne peut pas y avoir de référendum si le Parti québécois ne prend pas le pouvoir. Quant aux élections référendaires, il faudra en perdre combien avant que le Parti ne soit complètement marginalisé, déclare forfait et revienne aux élections pour un bon gouvernement ?
L'agitation des militants qui mettent en doute la sincérité des dirigeants, qui refont les stratégies ad nauseam, qui menacent de partir, qui déchirent leurs chemises et qui pleurent sur la patrie qu'ils ne verront pas avant de mourir n'est d'aucune utilité pour l'avancement de la cause et le moral des troupes.
Bien sûr, cela fait plus de 40 ans que l'idée de souveraineté tente de faire son chemin. C'est long quand on pense à la vitesse avec laquelle se sont constituées la République tchèque et la Slovaquie, par exemple. Mais nous vivons dans une vieille démocratie assez habile en général pour s'adapter aux changements qu'elle ne peut éviter. Après que l'élite francophone ait pris sa place dans la gouvernance du Québec et que la loi 101 ait rassuré, au moins à court terme, quant à l'avenir du français, l'urgence de la souveraineté est devenue passablement plus difficile à percevoir par l'ensemble de la population.
Alors, que faire ?
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Les boeufs sont lents...

26 juillet 2007
J'essaie depuis trois chroniques de conclure sur la situation actuelle du mouvement souverainiste, et tout ce que j'ai trouvé à dire, c'est: "Alors, que faire ?"
Rappelons quelques trouvailles récentes glanées dans l'opinion publique par CROP:
¤ les trois partis politiques sont statistiquements égaux à 28% dans les intentions de vote des Québécois;
¤ 32% des répondants voteraient “oui” lors d’un référendum sur la souveraineté du Québec et 68% voteraient “non”;
¤ 68% de l'ensemble des répondants croient que sous la direction de Pauline Marois, le Parti québécois devrait abandonner son idée de faire du Québec un pays souverain et réclamer plutôt plus de pouvoirs pour le Québec au sein du Canada; 48% des souverainistes sondés pensent la même chose;
¤ Pauline Marois et Mario Dumont sont à égalité comme meilleur choix dans la fonction de premier ministre.
Les gens veulent que le Parti québécois devienne autonomiste, mais l'ADQ occupe déjà ce créneau, sans compter que le PLQ veut lui aussi faire des gains à Ottawa pour prouver que le fédéralisme est rentable. Il y a encombrement dans cette option. Par ailleurs, le corridor stratégique du PQ, délimité d'un côté par l'urgence de faire la souveraineté et de l'autre côté, par la nécessité de la faire démocratiquement, est de plus en plus étroit, sinon même impraticable.
J'ai l'impression, la certitude même, que les Québécois n'accepteront jamais de prendre des raccourcis par rapport à la démocratie pour accéder à la souveraineté. [De René Lévesque à Pierre Falardeau->archives/04-12/livres.html#3], ce qui couvre quand même un large échantillon de militants souverainistes, tous ont été intransigeants sur la nécessité de procéder démocratiquement. Au point même de se faire critiquer parfois pour excès de démocratie. Alors que les fédéralistes brûlaient des granges (1972) et fraudaient le gouvernement pour commanditer la distribution de drapeaux canadiens.
Étant donné le corridor stratégique dont j'ai parlé plus haut, il faudra donc attendre pour ce qui est de l'urgence de faire la souveraineté. Mais alors que même les penseurs fédéralistes les plus allumés savent bien que la flamme souverainiste n'est pas éteinte et qu'un vent imprévu pourrait rallumer un brasier, il ne faudrait tout de même pas que les partisans de la souveraineté eux-mêmes se mettent à décrocher...
Pour le reste, il faudra faire confiance aux institutions, entre autres, cette institution qu'on appelle le Parti québécois. C'est justement pour cela qu'on crée des institutions. Quand les héros sont fatigués, les institutions restent là, ramassent le flambeau et continuent.
Vrai, c'est long, 40 ans de militantisme. Et pour en arriver aux résultats mentionnés plus haut ! Jadis, Pierre Falardeau ["a volé à un gars de Québec"->archives/livres/cornellierfalardeau.html] une très belle phrase dont il a fait le titre d'un livre. Il est toujours bon de se rappeler que:
Les boeufs sont lents mais la terre est patiente.


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