La polémique lancée cette semaine dans nos pages par le professeur Michel Archambault de l’École des sciences de la gestion (UQAM) au sujet du rôle négatif joué par Air Canada dans l’évolution récente de Montréal rappelle que ce grand transporteur national n’est pas une entreprise privée comme les autres. À notre tour d’insister auprès du gouvernement fédéral, de qui relève toujours cette ancienne société d’État.
Depuis qu’elle s’est remise d’une restructuration de faillite provoquée par des coûts de fonctionnement très élevés et une dette monstrueuse héritée de l’acquisition de Canadian Airlines imposée par Ottawa en 2000, Air Canada n’a jamais cessé de traverser des tempêtes. On ne compte plus les conflits avec ses employés, les expériences à titre de transporteur au rabais et les réorganisations qui visent à rétablir sa rentabilité, souvent au détriment de la qualité du service.
Parmi les gestes posés au cours des vingt dernières années, le déplacement de la plus grande partie des activités de son siège social de Montréal vers Toronto a consacré celle-ci comme plaque tournante pour la vaste majorité des vols continentaux et internationaux du transporteur.
Comme le faisait remarquer le professeur Archambault, tous les vols directs d’Air Canada vers l’Asie et l’Amérique du Sud se font désormais depuis Toronto et Vancouver. Ce qui force autant les voyageurs du Québec que les touristes et les gens d’affaires étrangers à faire escale dans la capitale ontarienne. Seuls les voyageurs à destination de l’Europe profitent encore des avantages d’un vol direct en partance de Montréal.
Les conséquences de cet état de fait sont considérables pour le développement du Québec puisque ni les touristes ni les gens d’affaires ne s’intéressent à des villes difficiles d’accès. Et plus Montréal est reléguée à un rôle régional, moins les autres transporteurs internationaux souhaitent nous desservir. Nous voilà donc devant un cercle vicieux.
Malgré son statut d’entreprise privée qui sert de prétexte à Ottawa pour ne rien faire, l’ancienne société d’État fédérale profite régulièrement de sa position de quasi-monopole, non seulement pour négocier l’accès aux aéroports étrangers les plus fréquentés, comme celui de Pékin, mais pour arracher l’appui de ce même gouvernement fédéral chaque fois qu’un conflit menace de perturber ses activités, comme ce fut le cas l’an dernier.
Si Montréal a perdu son rôle de plaque tournante en même temps que celui de métropole économique et financière du Canada, ce n’est pas seulement à cause de l’erreur que fut la construction de Mirabel, dont Ottawa est aussi responsable. C’est surtout parce que l’élite d’affaires canadienne, majoritairement anglo-saxonne, a choisi Toronto sans pour autant abandonner son emprise sur le Québec, avec la complicité de cette fraction de la classe politique, financière et médiatique francophone qui profite de ses liens avec Ottawa.
Aujourd’hui plus que jamais, il est navrant de constater l’aplaventrisme de nos chambres de commerce devant l’arrogance d’une compagnie comme Air Canada, qui ne cesse de réduire ses activités en sol québécois, la dernière en date étant bien sûr l’abandon de Montréal comme centre d’entretien des aéronefs au profit de villes situées à l’extérieur du pays.
Décidément, le marché constitue un prétexte facile pour justifier des transformations qui auraient pu être bien différentes.
Développement du Québec
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