Un gouvernement minoritaire et deux oppositions sont en poste à Québec... Sommes-nous à l'aube d'un virage? Ou entrons-nous dans une période tampon où sévira un opportunisme politique fou, mais temporaire, qui nous ramènera ensuite au sempiternel statu quo?
Depuis de nombreuses années, nous entendons les ministres nous dire que la société québécoise a fait des choix qu'il faut assumer. Est-ce bien la société qui a fait ces choix ou les gouvernements successifs? Et ces choix étaient-ils judicieux?
Des statistiques publiées par l'OCDE en 2006 démontrent que de tous les pays dits industrialisés, seul le Canada présente le même ratio de médecins en 2004 qu'en 1995, soit 2,1 médecins par millier d'habitants. Que dire de plus? En fait, à notre connaissance, pas un seul lit de soins de courte durée de plus n'était disponible au Québec en 2004 par rapport à 1995.
Bien sûr, l'hôpital Pierre-Le Gardeur a été inauguré (le seul nouvel hôpital), mais c'est sans compter les compressions qu'ont subies, entre autres, tous les CHUS, ainsi que la fermeture d'autres hôpitaux. Même ratio de médecins, même nombre de lits (au mieux) et croissance concurrente constante des besoins conjuguée à une croissance également constante de l'offre technologique et pharmacologique. Ce à quoi s'est récemment ajouté le départ de dizaines d'étudiants en médecine qui choisissent d'aller compléter leur résidence ailleurs.
C'est la recette parfaite pour un éclatement. Ce n'est pas par hasard que ce ratio demeure inchangé. Rappelons-nous qu'au Québec, nos élus ont choisi de maîtriser les coûts par le contrôle de l'offre, d'où la réduction des entrées en faculté de médecine. Et ils ont choisi d'implanter... des réformes.
Les dernières décennies ont démontré que les perpétuelles réformes ne donnent tout simplement aucun résultat tangible, ni pour la population ni pour les médecins. Voilà pourquoi la Fédération des médecins spécialistes du Québec croit que seule une approche pragmatique pourrait améliorer la situation. En clair, les réformes faites en parallèle de la pratique médicale ne donnent rien parce que la pratique de la médecine passe de façon incontournable par les médecins.
S'il est conceptuellement intéressant de viser des changements «centrés sur le patient», nous croyons qu'aussi longtemps que les mesures ne seront pas centrées sur l'activité médicale, il n'y aura pas de changements utiles et significatifs. Ce n'est pas simplement au «système» qu'il faut s'adresser mais aux médecins spécialistes, puisque le «système» dépend des médecins. Tout changement améliorant les conditions de pratique des médecins se répercutera inévitable-
ment sur la qualité des services offerts aux patients.
Question de finances publiques, les choix n'ont pas été meilleurs. Pendant plusieurs années, le gouvernement fédéral a engrangé les surplus, pour finalement décider en 2006 de diminuer la TPS de 1 %. Il est alors loisible aux gouvernements des provinces d'occuper ce champ fiscal, et ce, sans pénaliser qui que ce soit puisqu'il s'agit d'un transfert de points d'impôt du fédéral, donc à coût nul pour le citoyen.
Pour le gouvernement du Québec, il s'agit pourtant de revenus additionnels potentiels de l'ordre de 1,3 milliard de dollars. Parallèlement à cette même période, le gouvernement du Québec faisait face au règlement du dossier de l'équité salariale, une obligation financière considérable, importante et incontournable.
Ce même gouvernement sait pertinemment qu'il doit aussi trouver les sommes requises pour enfin régler le dossier de la parité de rémunération entre les médecins spécialistes du Québec et ceux du reste du Canada. Il s'y engagera d'ailleurs en acceptant le processus de médiation en cours et, au besoin, par l'arbitrage.
C'est donc dire que les coûts entraînés par l'une et l'autre des situations étaient alors déjà anticipés, voire connus. Pourtant, en toute connaissance de cause, le gouvernement Charest a laissé passer 1,3 milliard (la valeur du point de TPS disponible). Le coût en a été totalement nul pour la société québécoise, mais cette somme aurait largement suffi pour régler le dossier de la parité.
Aujourd'hui, malgré des besoins criants en santé, la «première priorité» du gouvernement Charest, on nous propose avec la même légèreté de laisser passer 700 millions de dollars en nouveaux transferts de péréquation au profit d'une réduction fiscale. Dans le contexte actuel, le Québec n'a pas les moyens de cette baisse d'impôts!
Et, tout compte fait, une seule conclusion s'impose: il ne s'agit pas ici d'un choix de société mais bien d'un choix platement électoraliste.
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Gaétan Barrette : Médecin et président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec
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