Sur la colline Parlementaire, la fabrique des rumeurs est en activité tel un volcan. Les observateurs s’interrogent sur les changements de comportement de Justin Trudeau depuis la dernière élection, où il a perdu sa majorité parlementaire.
En fait, on a l’impression que le premier ministre a subi un choc émotionnel dont il n’arrive pas à se remettre. Au point d’en perdre ses mots, de s’exprimer avec moult hésitations et de fuir les médias avec un empressement nouveau.
L’homme semble en deuil de ses années flamboyantes de pouvoir où il a connu la griserie, des hommages et des engouements de foules diverses à travers la planète. Au Canada, des minorités chouchoutées par lui l’ont alors idolâtré avant de se ressaisir après certains dérapages, dont le voyage en Inde et ses frasques de jeunesse lorsqu’il se grimait en noir dans des fêtes.
Ébranlé
S’il n’y avait pas là matière à scandale, Justin Trudeau fut durement secoué. S’étant attribué le rôle de surprotecteur des minorités ethniques, sexuelles et religieuses, il fut ainsi puni (en quelque sorte) par là où il avait péché aux yeux des communautaristes, qui constituent une part non négligeable de ses électeurs.
L’homme des apparences plutôt que du contenu a tenté de se transformer physiquement en se laissant pousser la barbe à la recherche d’une gravité intérieure improbable. Mal lui en a pris puisque des chroniqueurs, avant tout anglo-saxons, ont cherché à cerner un message à travers ses poils poivre et sel.
La crise autochtone, loin d’être terminée, quoi qu’on en dise, s’est vécue sans Justin Trudeau. Au point où son cabinet a peine à camoufler ses inquiétudes. Quelques ministres et députés cherchent des explications plus personnelles, plus psychologiques. Une chose semble claire, cependant, chaque apparition de Justin Trudeau suscite un malaise, une gêne. Car l’homme nous a habitués à des enthousiasmes et des élans d’émotion, avec ou sans pleurs, appréciés diversement, mais bien trudeauesques.
Défis
Sur le plan humain, il est impératif que le premier ministre se ressaisisse. Qu’il retrouve son énergie passée. Les défis actuels, la crise du coronavirus et ses retombées sur les bourses, nos relations avec les États-Unis où Trump est loin d’être battu, l’atomisation du Canada et la perturbation actuelle feinte, mais réelle, du cabinet face à l’inaction de son chef n’annoncent guère des lendemains ensoleillés pour les libéraux fédéraux.
Le métier de premier ministre, surtout en situation minoritaire, n’est pas de tout repos. Justin Trudeau a l’art de soulever les foules – un talent d’acteur –, il a l’habileté et l’exaltation qui l’accompagnent de faire rêver et de convaincre le pays de sa capacité de leader.
Cette perception première s’est amenuisée en cours de mandat. Il a manqué de souffle et de contenu, son talon d’Achille, si bien que son parti, malgré la faiblesse des conservateurs, a été incapable de rallier une majorité d’électeurs. Si Justin Trudeau ne peut se reprendre, son avenir en politique devient imprévisible. Car la politique pour ceux qui tiennent à être aimés est une chausse-trappe.