Pour une province sans division...

Voici les lucides solidaires !

Legault-Allaire, couple de l'heure

Souveraineté et générations


Division par-ci, division par-là... Ces temps-ci, au Québec politique,
division est le mot à la mode. Commentateurs ne sachant plus lire l'avenir,
caquistes se cherchant une identité, péquistes pleurant leur affaiblissement,
tout le monde conjecture à tours de bras sur la division. On ne nous lâche
pas deux secondes avec ça. Le Québec, nous dit-on, est " divisé ", et non
seulement cela est-il obligatoirement vrai, mais aussi, obligatoirement
épouvantable.
Comme si les nations prospères et heureuses étaient des royaumes
d'uniformité où tout le monde pense pareil. Comme si la rencontre, le
frottement et la compétition entre diverses idéologies et tendances parfois
contradictoires n'étaient pas des moteurs, tant pour les peuples que pour
les individus.
Pour François Legault, la division, et je cite, les " chicanes " sur la
question nationale, nous ont empêchés de progresser, de régler nos
problèmes. Le débat sur le statut du Québec est une perte de temps,
d'argent, et un frein au développement. Édifiante trouvaille, que nous
annoncent depuis mille ans les Chrétien et Charest de ce monde. C'est
simple, c'est court, et c'est con. Plus que jamais, deux minutes de
réflexion suffisent pour réaliser l'incommensurable bêtise de cette
affirmation. Est-ce que René Lévesque a empêché le Québec de progresser ?
Qui ne sait pas qu'en des temps de clivage marqué entre indépendantistes et
canadianistes, le premier gouvernement péquiste de l'histoire participa à
ce qui est unanimement reconnu comme une période d'effervescence et de
progrès hors du commun ?
Puis, en suivant le fil des époques, on constate qu'à partir de Lucien
Bouchard, il y a plus de quinze ans, les souverainistes ont délaissé la
question nationale, et même la simple lutte pour la protection du français,
et se sont concentrés précisément sur le genre de choses qui préoccupent
aujourd'hui M.Legault, fils politique de Bouchard : Finances publiques,
réformes, déficit zéro, etc. Or, a-t-on vu, depuis ce temps, les divisions
s'estomper et le progrès s'accentuer ? Soyons sérieux deux secondes. Depuis
1996, l'objectif souverainiste n'est que de plus en plus mis en veilleuse,
et parallèlement, le Québec de plus en plus morose. Je ne dis pas que ceci
explique cela -- quoique... --. Je dis simplement que, à moins d'avoir la
tête dans l'autruche, on ne peut pas ne pas faire ces deux constats qui
sautent aux yeux, et donc, ne pas se tordre de rire -- ou pleurer -- en
entendant M.Legault dire qu'un débat aplati sous un épais tapis depuis des
années prend trop de place, et que, plus largement, le débat en soi est une
mauvaise chose. Il faut " coaliser " ! Et ce, comme le dit si bien Jean
Allaire, pour "une société plus riche, et, nécessairement, plus équitable ".
Pardi, fallait y penser ! Voici venus les lucides solidaires ! Je vois déjà
Amir Khadir et Lucien Bouchard main dans la main, au paradis des avocats et
businessmen pleins de fric ET du revenu minimum garanti.
Mieux encore, à l'instant où la CAQ " coalise " l'ADQ, celle-ci fait
immédiatement entendre des hurlements de division. En effet, l'ADQ avait
des supporteurs chez ceux qui, comme Legault, sont fâchés contre un débat
qui n'a pourtant pas lieu, mais qui, au contraire du chef de la CAQ,
veulent lui substituer un débat gauche-droite qui serait, allez savoir
pourquoi, tellement plus productif. Ceux-là n'ont pas du tout envie d'aller
se taire dans une ennième mouture de l'éternel centrisme qui nous gouverne
depuis le temps des canots d'écorce, c'est-à-dire bien avant la montée
indépendantiste des dernières décennies.
Car, justement, si le Québec est quelque part au centre depuis des temps
immémoriaux, les Dumont, Duhaime et Garcia pensent néanmoins que l'axe
indépendantiste-canadianiste brime le débat gauche-droite, qu'ils semblent
convaincus de gagner si on oublie l'indépendance. Là-dessus, d'aucuns
trouveront que les deux libertariens, l'ancien chef adéquiste et leurs
confrères n'ont peut-être pas tort, quand on voit qu'en ces temps de
vacuité souverainiste, le discours de droite prospère. Quoiqu'il en soit,
pendant que Duhaime, Dumont, Garcia et cie n'appuient leurs récriminations
anti-question-nationale pétries de certitude que sur peu d'exemples
concrets, on peut leur suggérer de demander aux Français et aux
États-Uniens s'ils ont l'impression que le débat gauche-droite qui a cours
chez eux leur ouvre actuellement de magnifiques horizons pleins de
promesses...
Quoi qu'on dise chez les idéologues des extrêmes comme du centre, le
Québec n'est pas spécialement divisé. C'est plutôt sa classe politique qui
est schizophrène. Dans cette arène où Jean-Martin Aussant a l'air d'un
martien qui s'est trompé de station, on n'en finit plus de dédaigner
l'indépendance, puis de constater l'impasse, puis de dédaigner davantage
l'indépendance, puis de constater davantage l'impasse.
À ce petit jeu qui finit si souvent par s'excuser sur le dos de la
prétendue division, les péquistes ne sont pas en reste. Ils rivalisent même
avec les meilleurs. Ils nous disent que ceux qui délaissent le parti sont
de méchants diviseurs par qui les misères sont arrivées. Ils ordonnent aux
" souverainistes " de se rassembler. Se rassembler autour de quoi ?
Tenez-vous bien : autour de la possibilité incertaine d'un référendum
quelque part d'ici la nuit des temps, peut-être dans un, deux, trois
mandats ou plus. Tu parles ! Ça, c'est inspirant, quelque chose de rare !
Comme disent les titulaires de la Langue Supérieure : " Hurry up and wait !
". Ou bien, comme dans les autobus : " avancez vers l'arrière... ".
En voulant désespérément faire comme si la question nationale n'existait
pas, nos politiciens font comme si le Québec n'existait pas. Voilà qui
rappelle le réflexe du colonisé, qui voudrait tant ne pas être lui-même.
Le Québec est un pays sans papiers, une nation sans indépendance.
Gouverner ce Québec-là, ou vouloir le faire, c'est jongler avec des
aspirations nationales dans un cirque provincial. On gère la frustration,
le repli, le déni. Qu'on soit souverainiste, autonomiste, coaliseur,
centriste, à gauche, à droite, nulle part, partout, alouette, n'y change
rien.
La seule gang vraiment cohérente dans tout ça, ce sont les libéraux du
PLQ. Inconditionnellement soumis, et l'assumant totalement. On a beau dire,
voilà qui est autrement plus clair que les vielles recettes tiraillées de
nos ramancheux bleu-pâle, bleu-foncé, bleu-moyen, bleu-toutte, anciens,
plus nouveaux, recyclés ou usés à la corde.
Nic Payne
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    8 janvier 2012

    Monsieur Payne
    Le réflexe du colonisé, c'est l'expression exacte pour décrire la situation politique du Québec qui ne finit plus de s'enliser parce que nos dirigeants politiques préfèrent le statu quo actuel qui permet à tous ces collabos, ces politiciens de service, ces téteux de fonds publics d'y faire carrière avec l'argent de nos impôts en plus. C'est clair comme de l'eau de roche, je ne la vois pas cette volonté politique de nos élus de faire l'indépendance du Québec.
    Pour commencer, que le peuple se lève debout, qu'il se prenne en main au lieu de déléguer ses responsabilités de citoyen dans les mains de ces entremetteurs (politiciens) au service de l'oligarchie financière. Il est devenu urgent de provoquer des choses avant que le Québec atteigne le point de non-retour.
    André Gignac 8/1/12

  • Marie-Eve Doré Répondre

    8 janvier 2012

    Ça fait du bien de se faire secouer les puces! Merci pour ce cri du coeur. Vive le Québec Libre!

  • Pablo Lugo Herrera Répondre

    8 janvier 2012

    Le problème ici au Québec c'est que nous sommes un peuple immature qui cherche un messie pour avoir l'indépendance. Une fois trouvé, nous laissons le travail aux politiciens. Nous méritons de vivre dans une province, car pour avoir un pays c'est plus un privilège qu'un droit!

  • Archives de Vigile Répondre

    8 janvier 2012

    C'est exactement ça «voulant désespérément faire comme si la question nationale n’existait pas, nos politiciens font comme si le Québec n’existait pas.»
    Et en effet les seuls cohérents ce sont les libéraux. Mais je ne suis pas masochiste et ça ne me tente pas de laisser passer le temps, attendre qu'ils aient fini de se chicaner, attendre que la conjoncture soit plus favorable, attendre que la société reprenne ses esprits...
    Le problème est le suivant : Quoi faire quand on est rien )publiquement parlant) je veux dire sans influence réelle sinon dans le cercle restreint de sa famille et de ses amis?
    Où faut-il aller pour ne perdre ni son temps ni son énergie ni surtout le seul outil dont on dispose dans le moment, l'infime mais nanmoins la valeur de la seule part de soi qui soit comptée, son vote !?
    Et comme disaient les Croates cherchant la porte de sortie, Stvarno, nismo iz šume. Non, vraiment, on est pas sorti de l'auberge.

  • François Ricard Répondre

    8 janvier 2012

    C'est monsieur Legault lui-même qui l'a reconnu:
    «À partir du moment où on a fait la démonstration que le Québec, comme province, est ingouvernable, il faut être cohérent. Il ne faut pas s’engager à gouverner l’ingouvernable.»
    Et monsieur Bouchard :
    "Meech n’est pas mort seul. Il emporte, mêlé aux siennes, les cendres du beau risque. Il nous dépouille aussi d’une certaine candeur qui nous faisait espérer des autres ce qu’ils ne pouvaient nous donner.
    Ce qu’on vient de nous dire en clair, c’est que nous ne pouvons avoir qu’un seul pays. Nos partenaires ont choisi le leur, c’est le Canada auquel ils subordonnent toute appartenance provinciale.
    Ils nous demandent de faire de même. C’est brutal, cela peut même être déchirant, pour certains, mais c’est net. Eux aussi, ils en ont assez de l’ambiguïté.
    Du coup, nous sommes envoyés à nous-mêmes, à nos racines, à nos fidélités profondes, au vrai pays que nous n’avons jamais cessé de porter en nous, au Québec."
    Deux beaux parleurs, deux petits faiseurs

  • Archives de Vigile Répondre

    8 janvier 2012

    Ah! Si tous les québécois lisaient ce texte! Malheureusement, plusieurs préfèrent Le Lundi et lire que Michèle Richard a des gaz intestinaux ou que Patrick Huards s'est fait vasectomisé.Et on m'accusera de mépriser mon propre peuple. Comme j'aimerais pouvoir en être fier ce qui n'est pas le cas en ce moment.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 janvier 2012

    Je suis toujours contente de vous lire.Vous exprimez
    exactement ce que je voudrais dire haut et fort.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 janvier 2012

    Quel texte inspirant qui démontre la vacuité consommée de nos penseurs à la logique étriquée qui tirent dans toutes les directions, alors que le but ultime est simple: faire l'Indépendance du Québec.
    Le débat gauche-droite est une astuce des fédérastes pour mêler le peuple qui en a soupé de la politique. Le peuple veut quelque chose de concret: comment améliorer la vie au quotidien des Québécois, qui envoient 50 milliards en taxes et impôts à Ottawa qui tergiverse encore, par exemple, sur le remplacement 'éventuel' du pont Champlain en décrépitude!
    Merci à Nic Payne pour son texte. Cessons de discuter des virgules et agissons pour clarifier la situation pour nos concitoyens: Un pays bien à nous et son gouvernement responsable de ses réussites et de ses échecs. C'est loin de ce que nous constatons présentement. Jean Charest est-il responsable de quelque chose?
    Je crois en l'avenir de la nation québécoise, qui doit se battre contre vents et marées pour sa survie. C'est notre lot quotidien de résister ... comme au temps des Patriotes.