Une province se défait

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Un pays se fait, une province se défait





 


C’est la rentrée littéraire des essais. La période de l’année où les auteurs politisés publient des essais sur le Québec, son passé, son avenir, sa nostalgie. Les essais politiques axés sur la question nationale font partie des choses que j’aime du début de l’année ; ils arrivent au moment où tombent les feuilles, comme s’évanouissent souvent les espoirs chez les souverainistes pessimistes, comme l’est mon collègue blogueur et ami Simon-Pierre Savard-Tremblay.


 


Alors que Savard-Tremblay s’attaquait dans son premier livre aux causes de l’avortement du projet ultime de la Révolution tranquille, la naissance du pays du Québec (Le souverainisme de province, Boréal, 2014) il réfléchit dans son deuxième livre qui paraît aujourd’hui chez VLB éditeur L’État succursale, la démission politique du Québec, aux conséquences des échecs référendaires sur la société québécoise et tout particulièrement sur son économie. Une critique bien appuyée de ce qu’est devenue la société québécoise et de l’affaissement qu’elle subit depuis plusieurs années.


 


Dans ce deuxième essai, le jeune intellectuel qui assume sans complexe son conservatisme s’attaque sans détour au Canada ultra-mondialisé qui tente de noyer l’identité québécoise dans l’immensité du village global où tous sont pareils, fades et sans particularité.


 


Malgré une cinquantaine de pages plus denses et ardues en début d’essai, ce livre sera un impératif pour tous ceux qui s’intéressent à la sociologie ou à l’économie d’un Québec contemporain. Notre société distincte qui ressemble de plus en plus à n’importe quelle autre province canadienne, à n’importe quel autre endroit de ce monde uniforme auquel s’en prend l’auteur, comme il l’écrit si bien dans une phrase très à propos : « Un pays se fait, une province se défait » (p.111.)


 


Au centre de son essai, des thématiques différentes qu’on aborde moins souvent lorsque vient le temps d’écrire sur la question nationale, par exemple le pouvoir des transnationales, le libre-échange, et la conversion de nos sociétés d’État à des logiques financières, que nos États soient pratiquement maintenant au service de compagnies de toutes sortes et de multinationales.


 


 On passe au fil des pages plusieurs chantiers québécois qui n’ont pas eu lieu ou qui n’ont pas la grandeur qu’ils auraient pu avoir. On constate aussi les échecs et les incompréhensions avec lesquels le Québec d’aujourd’hui cohabite : nos politiciens qui ne servent qu’à couper des rubans ou être au service des capitaux, de l’échec de la loi 101, l’oléoduc, l’individualisme, la gauche nombriliste qui voit dans la question nationale un débat poussiéreux, l’éducation expérimentale, l’université usinée, les réseaux sociaux narcissiques, la politique-spectacle, etc. Des sujets qui ne sont pas spécifiques au Québec, conséquences universelles d’une mondialisation exacerbée.


 


C’est d’ailleurs dans ses critiques acerbes, dans la dernière partie de son essai que Savard-Tremblay frappe le plus fort : son chapitre consacré à l’université est franchement intéressant et on y dénote les désillusions du jeune étudiant-chercheur qui voudrait bien y changer les choses et faire sa place, mais qui constate lucidement que quiconque s’intéressant au Québec y est voué à une carrière de chargé de cours instable ou encore condamné à la « marginalité universitaire. »


 


Savard-Tremblay se positionne dans cet essai comme un « démondialiste » un courant qui prend de l’ampleur en Europe, et cela fait du bien de constater que certains pensent encore que l’unicité, c’est ce qui fonde un monde diversifié où chaque culture distincte vaut la peine d’être défendue.


 


 


 


 


 



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