mercredi 26 janvier 2005
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Alors que les spéculations vont bon train sur les possibilités d'un remaniement ministériel à Québec, d'ici les prochains jours, il est bon de rappeler que les premiers ministres n'aiment jamais procéder à un tel ajustement. C'est toujours une opération difficile, une épreuve pour la solidarité de l'équipe ministérielle et un jugement forcément injuste du premier ministre sur les mérites et la valeur de ses collègues, ministres et députés.
C'est aussi - et les premiers ministres sont toujours silencieux à cet égard - un aveu tacite du chef du gouvernement d'erreurs qu'il a lui-même commises en formant son conseil des ministres ou en soutenant une orientation politique de l'un ou l'autre de ses ministres, qui s'est avérée être un échec.
D'ailleurs, plus le remaniement est d'envergure, plus la situation du premier ministre est délicate puisque ce qui est alors en cause, ce qu'il faut corriger, ce sont les orientations mêmes du gouvernement, la performance générale du gouvernement dont il est- et Dieu sait que c'est vrai dans notre système politique- le tout premier responsable.
Force est, cependant, de constater que les remaniements ministériels, même majeurs, ont généralement beaucoup moins d'importance que la chronique politique leur accorde. On s'aperçoit le plus souvent qu'il s'agit tout au plus d'un simple jeu de chaises musicales. Il est, en effet, bien peu de cas ou un remaniement ministériel a véritablement changé la nature profonde d'un gouvernement.
D'une façon très réaliste, lorsque les choses vont mal pour un gouvernement, il n'y a pas de meilleur choix que celui de changer de politique. L'exercice du remaniement ministériel a sauvé bien peu de gouvernements en difficultés, il a le plus souvent un simple effet placebo!
Ainsi, lorsque l'opinion publique a pris la décision irrévocable de changer de gouvernement, généralement au cours d'un deuxième mandat, il n'y a alors manifestement rien à faire. Le remaniement en profondeur du conseil des ministres, même avec un nouveau premier ministre, est sans effet. Par exemple, malgré une accélération remarquable du rythme et de la valeur des décisions, le tout nouveau gouvernement du Jean-Jacques Bertrand n'a pas survécu à la volonté de changement de la population. Pierre Marc Jonhson a connu le même sort en dépit d'un virage radical de la position du PQ sur la question nationale. (...)
Ni inutile ni futile
L'exercice du remaniement ministériel n'est cependant pas quelque chose d'inutile ou de futile. S'il est véritablement porteur d'une politique déterminée ou de l'ouverture de nouveaux horizons, il peut certainement s'avérer profitable pour la collectivité. Ainsi, lorsque M. Lesage confia à Eric Kierans le ministère de la Santé et à René Lévesque celui des Services sociaux, il a alors donné à la Révolution tranquille un élan nouveau qui allait établir les fondements de la politique québécoise de justice et d'égalité sociales.
De même, en donnant à Bernard Landry, ministre du Développement économique, la responsabilité du Commerce extérieur, détenue par Jacques-Yvan Morin, ministre des Affaires intergouvernementales, M. Lévesque a préparé la voie de l'adaptation des politiques gouvernementales à la mondialisation de l'économie, et singulièrement aux accords de libre-échange. Un remaniement ministériel peut donc être un élément important de progrès lorsqu'au delà même du talent des personnes en cause, il répond à un réel besoin de changement et surtout lorsqu'il a, au niveau du contenu politique, une réelle signification.
Pas le choix
Par ailleurs, le premier ministre peut ne pas avoir le choix de procéder à un remaniement ministériel. Les gouvernements ne sont, en effet, pas à l'abri de crises majeures. M. Bourassa a dû, en deux occasions, faire face à la démission d'importants ministres en désaccord avec ses politiques linguistiques. Plus spectaculaire encore, a été le remaniement que s'est vu imposer M. Lévesque à la suite du départ de M. Parizeau et de M. Laurin. (...)
Donc, la nature et l'importance d'un remaniement ministériel sont on ne peut plus variables. Certes, il devient parfois nécessaire de déplacer un ministre qui a commis une erreur de parcours ou qui a perdu sa crédibilité auprès des intervenants de son secteur d'activité; alors, la correction est relativement facile et elle est généralement sans véritable importance. Par contre, quand ce sont les orientations générales du gouvernement qui ne trouvent plus l'adhésion des électeurs, le remaniement ministériel peut se révéler un leurre s'il ne s'accompagne pas d'une réflexion sérieuse sur la valeur intrinsèque des politiques gouvernementales elles-mêmes ou sur de la manière dont le gouvernement en assure la mise en oeuvre.
Maintenant sénateur l'auteur a longtemps été conseiller spécial de l'ex-premier ministre Robert Bourassa.
Une opération difficile
Les premiers ministres n'aiment jamais procéder à un remaniement ministériel
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