Une occasion ratée pour Statistique Canada

Le français — la dynamique du déclin



Dans son étude sur la diversité de la population canadienne d'ici 2031, Statistique Canada a manqué une excellente occasion de jeter plus de lumière sur l'évolution linguistique du pays au cours des 20 prochaines années. On y parle d'ethnies, de minorités visibles, de confession religieuse et on fait allusion aux allophones. Pourquoi, alors, ne pas avoir extrapolé des projections pour l'évolution du français et de l'anglais comme langue maternelle? Il semble que personne ne l'ait demandé. On craint sans doute les résultats.
Au dernier recensement, les personnes de langue maternelle française ne représentaient plus que 22% de la population canadienne (environ 21% si l'on se fie à la langue la plus souvent parlée à la maison). Or, cette proportion est en chute depuis des décennies. En 1961, plus de 28% des Canadiens se disaient de langue maternelle française. Près de 26% identifiaient le français comme la langue la plus souvent parlée à la maison en 1971. On peut s'attendre à une nouvelle baisse en 2011. Cette situation pour le moins inquiétante méritait sûrement qu'on fît des projections jusqu'à 2031.

Le document rendu public cette semaine par Statistique Canada prévoit que dans vingt ans, plus d'un Canadien sur quatre sera né à l'étranger et que 31% de la population sera formée de minorités visibles. Dans un pays comme le nôtre, où le déclin démographique crée un déficit important de main-d'oeuvre, ces nouveaux arrivants apportent un savoir et une volonté de réussite et d'intégration. Leur présence est essentielle. Pour la population francophone du pays, cependant, l'arrivée de millions d'immigrants signifie presque inévitablement une réduction additionnelle de la proportion globale de francophones.
Depuis que le Québec choisit ses immigrants et privilégie ceux parlant français, la situation se détériore beaucoup moins rapidement qu'il y a 40 ans, avant l'adoption de la Loi 101. Mais même au Québec, partie intégrante de l'Amérique du Nord après tout, la force d'attraction de l'anglais est énorme et nombre de nouveaux arrivants l'adoptent comme langue d'usage. À l'extérieur du Québec, à l'exception des immigrants de langue maternelle française et encore, la quasi-totalité finira par adopter l'anglais.
Quel sort réservera-t-on aux francophones du Québec et de l'ensemble du pays le jour où nous ne formerons plus que 18% ou 15% de la population du Canada? Un scénario semblable est-il plausible d'ici 2031? Si l'on se fie aux recensements des 40 dernières années, la réponse doit être affirmative. Quoi qu'il en soit, le sujet a suffisamment d'importance pour qu'on l'étudie autant que l'évolution des confessions religieuses ou des minorités visibles.
Le combat de tous les francophones
On aurait cru que les Acadiens du Nouveau-Brunswick, formant plus de 30% de la population, étaient à l'abri d'injustices comme celles qu'on a fait subir ou qu'on a tenté de faire subir aux Franco-Ontariens, qui forment moins de 5% de la population de l'Ontario. La réalité est tout autre et il faut de nouveau reprendre le combat pour des droits qui auraient dû être acquis depuis longtemps.
Avec la création deux grosses régies régionales de santé, l'une bilingue, l'autre unilingue anglaise, le gouvernement du Nouveau-Brunswick vient d'enlever aux francophones le droit de contrôler leurs propres services de santé. Nous savons comment fonctionnent les institutions bilingues à l'extérieur du Québec. Ce sont, comme le disait Gisèle Lalonde, des instruments d'assimilation.
La cause des francophones du sud-est du Nouveau-Brunswick est celle de tous les francophones du pays, y compris ceux du Québec. Passer d'un combat à l'autre devient épuisant au fil des ans, mais avons-nous vraiment le choix?


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