Une gifle pour les employés de l’État

Québec veut imposer un gel salarial de deux ans et s’attaquer au régime de retraite

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La tête à claques, c'est pourtant lui !

C’est avec une « profonde indignation » que les syndicats des employés de l’État ont reçu les offres « méprisantes » du gouvernement Couillard pour le renouvellement de leurs conventions collectives en 2015.

« C’est le Grand Canyon qui nous sépare », a illustré la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Régine Laurent.

« C’est pire que ce qu’on avait même imaginé dans nos pires cauchemars », s’est exclamé le président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Sylvain Mallette. La FAE, qui représente 32 600 enseignants, et la FIQ, qui regroupe 65 000 infirmières et autres professionnels de la santé, ont formé une alliance en vue des négociations.

« On dirait que le gouvernement s’ennuie du bruit des casseroles », a avancé Louise Chabot, la porte-parole du Secrétariat intersyndical des services publics (SISP) qui forme, avec la CSN et la FTQ, un front commun réunissant 400 000 des 541 000 employés de l’État.

« Le gouvernement vient de mettre le feu aux poudres ! », s’est insurgé Richard Perron, président du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ). Celui qui représente, entre autres, les économistes et comptables de l’État estime que les demandes patronales sont « une insulte envers l’intelligence de nos membres ». Ils ne vont pas « rentrer au travail le dos rond », a-t-il averti. « Je n’ai jamais vu les professionnels aussi prêts et déterminés à se tenir debout et à se battre. »

« C’est à se demander si, à la veille de Noël, le gouvernement libéral [n’a pas] décidé de faire une suite au film Le père Noël est une ordure », a lancé Sylvain Mallette.

Ce à quoi le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a répliqué dans le point de presse qui a suivi ceux des représentants syndicaux : « Si on avait moins pris le gouvernement pour un père Noël dans le passé, je pense qu’on ne serait peut-être pas dans la situation dans laquelle on est aujourd’hui. »

Gel des salaires

Le gouvernement, qui souhaite signer des conventions collectives d’une durée de cinq ans, entend geler les salaires de ses employés pendant les deux premières années pour accorder par la suite 1 % par an. Cette offre de 3 % en cinq ans se compare à des demandes syndicales qui s’élèvent à 13,5 % pour trois ans, ce qui comprend une hausse équivalente à l’inflation et un rattrapage salarial afin de permettre d’attirer et de retenir la main-d’oeuvre dans le secteur public. Les syndicats relèvent que l’écart se creuse entre la rémunération globale des salariés de l’État et celle des employés du secteur privé, comme le confirme l’Institut de la statistique du Québec

Pour l’essentiel, le gouvernement n’a aucun problème de recrutement, soutient, de son côté, Martin Coiteux. « Il y a peut-être certains secteurs clés, des secteurs particuliers où on peut avoir des enjeux d’attraction, mais pour l’ensemble des employés du secteur public, ce n’est pas ce qu’on observe. On observe au contraire que les conditions qui sont offertes dans le secteur public sont attrayantes et on n’a pas de mal à recruter du personnel de façon générale. »

En dépit du gel de salaires, 40 % des employés de l’État toucheront une augmentation de 3,6 % par an, en raison de la progression des échelles salariales, a signalé le président de Conseil du trésor.

Régime de retraite

Mais là où la surprise est grande chez les syndicats, c’est que le gouvernement a annoncé son intention de s’attaquer aux avantages du RREGOP (le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics). Ainsi, l’âge de la retraite sans pénalité serait porté de 60 à 62 ans et la pénalité pour une retraite anticipée passerait de 4 % à 7,2 % par an. En outre, la rente de retraite serait réduite : la période de référence passerait de cinq à huit ans. Comme le régime coûterait moins cher, les salariés, qui assument la moitié de ses coûts, pourraient bénéficier d’une baisse de leur cotisation, a fait miroiter Martin Coiteux.

« C’est complètement idéologique », juge le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux. Contrairement à certains régimes de retraite d’employés municipaux, le RREGOP respecte en tout point les critères de projet de loi 3 qui vient d’être adopté et il est capitalisé à 96 %, a-t-il fait valoir. Il est vrai toutefois que le gouvernement doit encore combler le tiers de sa part de 50 %.

Pour Régine Laurent, le gouvernement dit à ses employés qui approchent de la retraite : fuyez avant que les règles ne changent. « On vient de comprendre comment il veut faire la réduction des effectifs : on met tout sur la table pour que les gens prennent la fuite », a-t-elle souligné.

Martin Coiteux se défend de vouloir encourager davantage d’employés de l’État à prendre leur retraite alors que 15 000 départs par an sont déjà prévus. Il ne s’agit que d’assurer la pérennité du régime, a-t-il certifié. Il n’a pas voulu révéler quelles projections le Conseil du trésor avait faites quant à l’effet de la réduction des avantages du RREGOP sur les départs à la retraite, ni quel montant le gouvernement comptait ainsi économiser.

Vers une crise sociale ?

Les syndicats craignent d’autres mauvaises nouvelles. Après les offres financières, Martin Coiteux doit leur présenter le reste cette semaine : il exigera plus de « souplesse » dans l’organisation du travail et pourrait exiger de hausser le ratio maître-élèves dans les écoles, ce que le premier ministre Philippe Couillard n’a pas exclu.

Pour la Coalition avenir Québec, le gouvernement Couillard « fait fausse route » en voulant imposer un gel des salaires plutôt que de réduire le nombre d’employés dans l’administration.

Pour Québec solidaire, le gouvernement libéral s’en prend encore aux femmes, qui représentent les trois quarts des salariés de l’État. « Je pense que nous n’éviterons pas un affrontement », a prédit François David. « Que ce gouvernement ne s’étonne pas si, d’ici quelques mois, d’ici un an, oui, il y a une crise sociale. C’est lui qui l’aura commandée, cette crise. »
Avec Amélie Daoust-Boisvert


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