Une dette diluée

2006 textes seuls

L'idée ne passe tout simplement pas. Ils ont beau répéter à qui veut bien l'entendre que la contribution d'Hydro-Québec au nouveau Fonds des générations ne sera pas refilée aux consommateurs, le scepticisme est de mise. En fait, l'exercice consistait essentiellement à faire accepter l'idée selon laquelle on veut transformer Hydro en une machine à imprimer de l'argent. C'est fait. Pour la suite, on parviendra bien à expliquer pourquoi, finalement, on ne pouvait pas éviter de puiser dans les poches des consommateurs.
En présentant son budget, le ministre des Finances a été catégorique. Michel Audet a réitéré l'engagement le lendemain lors d'une présentation devant les gens d'affaires. Un engagement que le p.-d.g. d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, a fait sien le même jour. Mardi, c'était au tour du ministre des Ressources naturelles, Pierre Corbeil, de tenter de convaincre que la création du Fonds des générations n'entraînera pas de hausse des tarifs d'électricité. À qui le tour?
Difficile de croire que la redevance moyenne de 500 millions par année attendue d'Hydro proviendra uniquement de la mise en service accélérée des nouvelles installations de production. Comme si ce n'était pas escompté. Comme si Québec n'espérait pas déjà un dividende accru venant de l'entrée en service de ces nouveaux barrages. Difficile de croire également que l'effort exigé viendra de ventes accrues à l'exportation. Ces ventes additionnelles composent déjà une des cinq sources de revenus sur lesquelles mise le Fonds des générations pour se capitaliser. Dans les documents budgétaires, on n'a tout simplement pas chiffré leur impact financier.
Il reste les gains d'efficacité interne mentionnés par le ministre Audet, qui font appel à une rigueur de gestion, à un contrôle des dépenses d'exploitation. Ce qui revient à dire qu'Hydro gaspille 500 millions par année en dépenses superflues.
Tout cela survient au moment où la société d'État multiplie déjà les hausses de tarifs afin, semble-t-il, d'éviter un choc tarifaire d'ici 2011. Après la hausse de 1,2 % l'an dernier et celle de 5,3 % cette année, les projections pour les années suivantes s'appuient sur des progressions de coûts d'approvisionnement de 12,3 % en 2007 et de 5,8 % en 2008.
Quant à l'effort additionnel, tout au plus tente-t-on de convaincre qu'en passant par la filiale Production, les redevances hydrauliques ne pourront pas être évoquées par la filiale Distribution lors de ses demandes tarifaires auprès de la Régie de l'énergie. Comme si elles ne devaient pas être intégrées à la facture refilée par la première à la deuxième.
On le voit: ce qui est vraiment dans la mire, c'est cette fameuse électricité dite patrimoniale que la loi oblige à vendre aux Québécois à un coût minime de quelque 2,79 ¢ le KWh, un coût qui, selon plusieurs évaluations, devrait s'élever au moins à 6,1 ¢ (sans les frais de transport et de distribution). Dans un document fort détaillé préparé par les économistes du Mouvement Desjardins, on chiffre cette «rente» à environ 5,3 milliards. À cinq milliards par année si on compense les ménages à faible revenu par un remboursement supérieur de la taxe de vente du Québec.
Les auteurs de l'étude soutiennent de plus qu'en 2004, «si le prix de l'électricité avait été fixé au prix moyen des grandes villes nord-américaines, la demande en électricité des Québécois aurait diminué et une quantité additionnelle aurait pu être exportée au prix moyen des exportations». Sans oublier que l'application de faibles tarifs d'électricité «est une mesure socialement régressive: elle profite aux consommateurs les plus fortunés qui sont en mesure de consommer davantage d'électricité».
Voilà, simplement résumé, ce qui se dessine derrière le Fonds des générations. Poursuivons donc dans cette logique. Si l'alignement des tarifs est inévitable, il entraînerait une hausse de 68,4 % pour le secteur industriel et de 67 % pour le secteur résidentiel si l'ajustement était appliqué d'un seul coup. Mais puisque Québec se donne jusqu'en 2025 pour voir le ratio dette-PIB québécois correspondre à la moyenne canadienne actuelle de 25 %, les analystes de Desjardins ont estimé que l'atteinte d'une telle cible, uniquement au moyen d'une hausse tarifaire, commanderait une augmentation de 2 % par année dans l'intervalle, en sus des augmentations déjà projetées.
En fait, la cible serait atteinte après 17 ans. Le surplus ainsi amassé atteindrait alors les 29 milliards, correspondant à l'objectif de 30 milliards du ministre Audet. Certes, le ministre des Finances s'appuie sur le concept d'un fonds capitalisé, géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec. Mais puisqu'on projette des rendements de l'ordre de 7 à 8 % par année sur l'horizon, soit l'équivalent du coût d'emprunt de Québec, on en revient à devoir s'en remettre à une hausse des tarifs d'Hydro.
Une cible de 25 % du PIB qui peut être atteinte par cette autre approche, également retenue par Québec, consistant à faire croître la dette moins rapidement que la croissance économique.
Donc, en résumé, les consommateurs se feront refiler la facture des redevances attendues afin de permettre à Québec de se doter d'une réserve pour éventualités pouvant atteindre les huit milliards en 2015 lorsque l'autre choc, démographique celui-là, commencera à se faire sentir sur les finances publiques.
Il fallait tout simplement le dire!


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