Une crise complexe

Commission Castonguay



Vif débat à l'Assemblée nationale au sujet de la crise dans les urgences. Les députés de l'opposition dénoncent la «médecine de guerre», des pratiques dignes de «dépotoirs». Un rapport préparé pour le gouvernement conclut que dans les hôpitaux de Montréal, le séjour moyen à l'urgence est de 22 heures, bien au-delà de ce qui serait acceptable.


Cela se passait... en 1985. Depuis, les ministres de la Santé se sont succédés, tous compétents et déterminés: Thérèse Lavoie-Roux, Marc-Yvan Côté, Jean Rochon, Pauline Marois, François Legault, Philippe Couillard. On a étudié le problème sous toutes ses coutures, produit des plans, mis sur pied des groupes d'intervention, versé des centaines de millions. En 1985, le gouvernement du Québec dépensait 1500$ par habitant pour la santé, sans compter l'inflation, nous en sommes à plus de 2000$ par habitant, une augmentation du tiers. Pourtant, de quoi parle-t-on ces jours-ci: de l'encombrement des urgences!
En 2003, le Parti libéral promettait de «diminuer de beaucoup» l'attente dans les urgences. Quatre ans plus tard, dans certains hôpitaux montréalais, l'attente est aussi longue qu'il y a 22 ans. Il faut se rendre à l'évidence: le problème est extraordinairement difficile à régler. S'il y avait une solution simple, l'un des ministres qui ont dirigé le ministère de la Santé l'aurait trouvée.
S'il suffisait d'ajouter de l'argent, comme on l'a fait depuis plus deux décennies, on ne parlerait plus de crise dans les urgences, et les hôpitaux des provinces qui dépensent plus en santé que le Québec ne souffriraient pas du même mal.
Les sources générales du problème sont connues: pénuries de personnel, manque de places et soins à domiciles pour les personnes âgées, piètre organisation dans certains hôpitaux, mauvaise coordination entre les différents acteurs du réseau. On s'est attaqué à l'un et aux autres et obtenu quelques succès. Mais, en particulier dans les gros hôpitaux de Montréal, la situation reste inadmissible.
Le système de santé québécois souffre-t-il d'une déficience particulière? On ne dispose pas de données parfaitement comparables, mais il semble qu'en effet, l'attente aux urgences soit particulièrement longue ici. Cela dit, le problème du débordement est loin d'être unique au Québec. «Il n'est pas rare que les patients de certains services d'urgence soient alités dans un corridor 48 heures ou plus. Ces patients voient leur intimité limitée, ne reçoivent pas les soins aussi rapidement et ne bénéficient pas de l'expertise et des équipements disponibles sur les étages.»
Ce constat vient d'un rapport publié l'été dernier par l'Institute of Medicine des États-Unis. On trouve des diagnostics similaires dans des documents publiés au Royaume-Uni, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Irlande... Selon Daniel Fatovich, spécialiste australien de la médecine d'urgence, «le surpeuplement est la question la plus grave à laquelle doivent faire face les services d'urgence dans le monde développé».
Dans les autres provinces canadiennes aussi la situation des urgences est dénoncée. Dans le cadre d'une vaste analyse de la question publiée l'an dernier, l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé a interrogé les directeurs des services d'urgence de 243 hôpitaux. Soixante-deux pour cent (62%) d'entre eux ont dit que l'encombrement est un problème grave.
La situation est particulièrement critique dans les hôpitaux où les visites à l'urgence sont plus nombreuses et dans les établissements universitaires. La principale cause identifiée par ces responsables est le manque de lits aux étages. La principale conséquence, outre évidemment l'attente imposée aux patients, est le stress du personnel.
L'Agence conclut: «Les causes du surpeuplement de l'urgence sont multiples, le problème est d'ordre systémique, et il n'y a pas de solutions simples ni immédiates. Parce que les hôpitaux sont différents, selon les communautés qu'ils desservent et les services qu'ils offrent, et parce que la demande de services d'urgence varie d'un établissement à un autre, le surpeuplement est un problème complexe.»
Tout cela ne signifie pas que la crise est insoluble, surtout pas qu'il faut s'y résigner. Dans plusieurs hôpitaux, la situation est intolérable pour ceux qui y travaillent et pour ceux qui y sont soignés. C'est pourquoi les médias doivent continuer à suivre la situation.
En informant la population, ils maintiennent sur les directions d'hôpitaux et le gouvernement une pression sans laquelle on serait peut-être porté à baisser les bras. À cet égard, le «palmarès des urgences» publié depuis deux ans par La Presse apporte une contribution inestimable.
Cela dit, les politiciens doivent cesser d'exploiter la crise des urgences à des fins partisanes. De faire croire, comme l'ont fait pendant 20 ans le Parti québécois et le Parti libéral, et comme le fait aujourd'hui l'Action démocratique, qu'il suffirait de les élire pour que le problème soit réglé une fois pour toutes. Il y a quand même des limites à l'exploitation partisane de la souffrance humaine.
apratte@lapresse.ca

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André Pratte878 articles

  • 308 206

[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





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