Les Québécois sont les citoyens les plus opposés à la monarchie constitutionnelle du Dominion of Canada. Toutefois, comme je l'indiquais dans mon dernier texte, publié sur Vigile.net, les canadians aussi se montreraient intéressés par l'idée de rompre avec la Couronne britannique et ce, dès la fin du règne d'Elizabeth II.
Si d'aventure l'initiative d'un changement de régime venait d'Ottawa et du ROC, celle-ci serait interprétée comme rien d'autre qu'un immense geste d'ouverture à la modernité par tous les canadians et également par une majorité de Québécois. Dans ce dernier cas ce serait Ottawa qui, encore une fois, détiendrait le contrôle sur notre destin. Plus encore que la souveraineté, telle que présentée par le Parti québécois, la République du Québec se doit de faire l'objet principal de la prochaine campagne électorale. Le Parti Québécois se doit de présenter, à la population du Québec, un projet clair, structuré et emballant qui nous mènera à la république et de ce fait à l'indépendance nationale. Sinon cet idéal de liberté, sans projet constitutionnel pensé dans cet objectif, demeure et demeurera une vague idée concentrée sur des affrontements avec le fédéralisme canadian actuel. Il apparaît de plus en plus évident que si les Québécois hésitent à s'engager massivement sur la voie de la libération nationale c'est que le projet proposé de " souveraineté " manque de clarté, d'articulation; que cette lutte ne se mesure qu'à l'aune d'une rivalité improductive à l'endroit du fédéralisme... tout canadian soit-il. En outre, ce n'est pas tant le fédéralisme dans son sens premier qui représente un frein à notre désir d'émancipation mais bien tout ce qu'implique d'aliénant le régime de monarchie constitutionnelle canadian.
De la souveraineté
N'ayant pas fait de recherche approfondie sur la genèse du terme " souveraineté " dans le débat national au Québec, j'imagine que l'emploi de ce mot remonte au Mouvement souveraineté-association ( MSA ) de René Lévesque en 1967. Plus de quarante ans plus tard, il est encore étonnant que le Parti québécois continue à favoriser ce mot -- dont nous pouvons même supposer qu'il en a inventé l'adjectif : " souverainiste " -- au détriment de celui d'indépendance. L'indépendance ne se négocie pas. Elle est ou elle n'est pas. On ne peut être à 72% ou à 85% indépendant, alors que la notion de " souveraineté ", elle, peut aisément comporter ces nuances. Ainsi une nation peut être souveraine d'un autre État à 50%-75%. Il nous est donc tout à fait permis de nous questionner sur ce qu'entend le Parti québécois par " souveraineté ".
À cet égard, un retour sur les questions référendaires de 1980 et de 1995 laisse aujourd'hui plutôt songeur :
1980 :
"Le gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d’en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l’égalité des peuples ; cette entente permettrait au Québec d’acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d’établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l’utilisation de la même monnaie ; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l’accord de la population lors d’un autre référendum ; en conséquence, accordez-vous au gouvernement du Québec le mandat de négocier l’entente proposée entre le Québec et le Canada ? "
1995 :
" Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l’avenir du Québec et de l’entente du 12 juin ? ".
Dans les deux cas il faudrait faire preuve d'un jovialisme débridé -- si l'une ou l'autre des questions avaient nettement remporté l'aval de l'électorat québécois -- de prendre pour acquis qu' Ottawa aurait interprété cette victoire comme le désir clair net et précis de la population de faire l'indépendance du Québec. D'autant plus qu'aucune de ces consultations sur la souveraineté n'était accompagnée d'un projet de Constitution lui assurant le cadre législatif nécessaire à sa pleine et entière application.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit lorsque nous parlons de projet de constitution : démontrer à la face du monde que le projet indépendantiste du Québec s'accompagne d'une proposition de constitution transitoire ( ou provisoire ) afin de baliser le passage d'un régime de soumission à un autre d'émancipation. Sinon, la volonté seule d'un peuple de faire de son état un État souverain sans en assurer le cadre constitutionnel, laissera libre cours à toutes les interprétations et particulièrement de celles de nos adversaires qui seront, dans cette aire de transition, toujours en position de force.
Devant ces deux scénarios tout à fait possibles :
1_ que le Canada se dote d'une constitution républicaine à la fin du règne d'Elizabeth II, damant ainsi le pion à la traditionnelle volonté du Québec d’innover en matière constitutionnelle et, du coup, le mettre encore plus à la remorque de la capitale canadienne
2_ l'intrusion d'Ottawa suite à une consultation sur le destin national des Québécois. Devant ces deux possibilités, et non les moindres, il devient urgent et nécessaire que le Parti québécois de Pauline Marois s'engage dès maintenant à initier un vaste chantier populaire sur un projet de Constitution provisoire républicaine.
Ainsi, le Parti québécois ferait preuve, à la fois, d'originalité et surtout de responsabilité.
Danièle Fortin
Montréal, le 30 octobre 2009
Une Constitution républicaine au Québec
(ou l'évidence du désir d'un peuple)
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3 commentaires
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
1 novembre 2009Mme Fortin,
Tirant profit de la conférence récente du professeur Chevrier,
il serait utile de rappeler certaines choses à M. Bousquet qui prend bien à la légère les relents monarchiques sur notre sort:
http://agora.qc.ca/textes/chevrier20.html
La plus grande fiction, la meilleure preuve sans doute de la réussite du régime, demeure toutefois la conviction largement partagée que la néomonarchie n'a qu'une fonction décorative ou protocolaire. Après tout, le peuple démet bien les gouvernements impopulaires. Monarchie ou république? À quoi bon se fatiguer avec cette querelle ancienne. On oublie une chose. Si grands que paraissent nos droits démocratiques, il demeure que l'extension et l'égalité du suffrage, les protections accordées aux libertés civiles et publiques et les rares consultations populaires sont apparues dans l'histoire du Canada comme des concessions octroyées par le souverain au bon peuple. Ces droits et ces garanties politiques, le peuple ne les exerce pas à titre de souverain. Il est un concessionnaire dont les droits ont certes augmenté avec le temps, mais ce sont le monarque et ses représentants présomptifs qui possèdent le pouvoir originel et résiduel.
En somme, dans les républiques, le pouvoir procède de la base; dans la néomonarchie, il tombe du monarque vers le peuple. Nuance.
Gilles Bousquet Répondre
1 novembre 2009Mme Fortin, pour être parfaitement clair, à la place de remplacer souveraineté par indépendance, mot qui peut aussi porter à confusion parce qu’on peut aussi être partiellement indépendant, il serait encore plus clair de le remplacer par le mot SÉPARÉ si le désir de clarté est votre priorité.
En attendant, ce n’est pas la monarchie, une risible niaiserie, qui est dangereuse pour la pérennité du français au Québec, c’est la domination du ROC et de nos Anglos québécois, nos immigrés et la langue de travail dans les petites entreprises et la pauvreté du français enseigné.
Si et quand il y aura une solide majorité de Québécois en faveur de la souveraineté ou l’indépendance ou la séparation du Québec, le reste viendra par surcroît. En attendant, le PQ suggère d’adopter une constitution et une nationalité québécoise quand ils seront au pouvoir. Ce n’est pas le PLQ Charest qui va aller jusque là à moins d’un miracle.
Archives de Vigile Répondre
1 novembre 2009Madame Fortin,
Vous dites :
«Plus de quarante ans plus tard, il est encore étonnant que le Parti québécois continue à favoriser ce mot — dont nous pouvons même supposer qu’il en a inventé l’adjectif : " souverainiste " — au détriment de celui d’indépendance. L’indépendance ne se négocie pas. Elle est ou elle n’est pas. On ne peut être à 72% ou à 85% indépendant»
Et...
«Dans les deux cas il faudrait faire preuve d’un jovialisme débridé — si l’une ou l’autre des questions avaient nettement remporté l’aval de l’électorat québécois»
Je vous réponds...
Pour une fois nous sommes parfaitement d'accord.
De plus, en tant que militant pour une élection décisionnelle et la proclamation de l'indépendance par l'Assemblée nationale, je suis aussi en faveur d'une constitution transitoire.
Sincères salutations,
Et bravo pour votre lucidité.
Christian Montmarquette