Le salut de la République

Question nationale : rompre le tabou ambiant | Ottawa contre les étudiants | Les sous-sujets de sa Majesté...

Idées — de la République



"Non mais, quelle absurdité quand même que d’être une province de ça, quand on y pense !…"

"Dans cette vision des choses, propre à ceux qui ont fondé les institutions qui nous régissent encore aujourd’hui, le citoyen canadien n’a pas les attributs d’un citoyen au sens vrai du terme, mais ceux d’un simple sujet. Et c’est encore pire pour nous, Québécois, parce que ce régime, en nous annexant, en nous minorisant, pour finalement subordonner en permanence notre liberté à celle de la majorité anglophone, nous interdit d’être considérés comme les égaux des « vrais » sujets de sa Majesté, c’est-à-dire les sujets canadian, sous cette Couronne chimérique qui au fond sert de masque à une élite gouvernante et une oligarchie postcoloniale, elles-mêmes radicalement canadian. Le Canada a donc fait de nous en quelque sorte... des sujets de sujets; aussi bien dire des sous-sujets, dans ce royaume qui bien que grand comme un continent, ne nous ressemble en rien."
Montréal, le 1er juillet 2012
Discours prononcé à l’occasion d’une activité des jeunes du Bloc Québécois.
Par Maxime Laporte, LL. B., étudiant à la maîtrise en science politique, conseiller général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et coordonnateur du réseau Cap sur l’indépendance

Le printemps
Monsieur Paillé, chef du Bloc Québécois,
Monsieur Rhéaume, ancien président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal,
Mes chers amis militants et militantes,
Je me sens comme au mois de Germinal. Je crois, oui, que le printemps du Québec s’est bien installé en notre âme rebelle ! Par centaines de milliers, des bourgeons pleins de vie y ont éclaté en fleurs et voici la promesse de temps plus cléments et fraternels pour nous tous. De même, nos mots, sortant de l’hiver glacé du recul social et du statu quo constitutionnel, sont revenus et, volant de bouche en cœur, ils offrent à chacun et chacune des raisons d’espérer ! Ces mots, ce sont des mots-lumières. On les entend de plus en plus. Ils éclairent le chemin de la vertu et du salut de notre Peuple. Et malgré les coups de matraque et malgré la censure et la répression, moi ces mots je vous les dirai et redirai mille fois : justice, égalité, solidarité, liberté, indépendance ! [Cette partie est inspirée d’un discours prononcé en 2012 par Jean-Luc Mélenchon, homme politique français].
Ce printemps qui fleurit en nous, et par lequel mûriront les fruits de notre affranchissement collectif, c’est le printemps de la jeunesse. C’est le printemps de la démocratie. Le printemps de notre liberté !
En cette période de foisonnement démocratique et de soulèvements populaires, l’histoire commande qu’il soit procédé à un grand ménage ! Un grand ménage du printemps !
Mes amis, il faut se débarrasser des carpettes qui nous gouvernent ! Passer le balai sur le plancher du Peuple ! Nettoyer les saletés qui s’y trouvent !
Mais si nous voulons vraiment mener à bien ce grand ménage du printemps, il nous faudra aussi balayer de notre pays ce régime illégitime d’Ottawa, qui s’impose à nous en nous imposant ses diktats et ses idéologies les plus sombres depuis trop longtemps.
En ce nouveau printemps du Québec, en cette saison d’espoir et d’idéaux qui, obstinée, a su déjouer le fil des semaines et des mois jusqu’à fusionner dans le chaud été, pour bientôt se voir sublimer, je l’espère, dans la République. En cet âge d’or de notre aventure historique, je dois dire que je suis heureux de venir m’adresser à vous ce soir, même si cela me fait rater malheureusement les célébrations officielles de la Fête du déménagement...
Il semble d’ailleurs qu’il y aura comme à l’habitude des feux d’artifice ce soir à Ottawa. - Des feux d’artifice. Pour un pays artificiel et pétri dans une boue de promesses illusoires et chimériques. Des feux d’artifice pour célébrer ce qu’Henri Bourassa appelait autrefois, l’histoire de nos déchéances et de nos défaites par la fausse conciliation. Je préfère de loin nos beaux feux de joie de la Saint-Jean, emplis d’amour et de vérité…
Non mais, quelle absurdité quand même que d’être une province de ça, quand on y pense !… Comme vous, moi je dis, en ce premier juillet : déménageons donc de ce pays qui n’est pas le nôtre !
Ce soir, j’aimerais vous parler un peu du chemin que nous, Québécois et Québécoises, avons parcouru jusqu’ici et du chemin qu’il nous reste encore à parcourir pour accéder à un avenir qui nous soit salutaire. Et c’est ce que je ferai en vous parlant bien sûr de liberté, mais plus particulièrement de la responsabilité cachée du fédéral dans l’éclosion de la présente crise étudiante. Je m’attaquerai ensuite à la monarchie canadienne, qui a été mise à l’avant-plan comme jamais ces derniers mois. Mais tout d’abord, je vous parlerai d’une réalité qui semble affecter la cité québécoise depuis un bon nombre d’années, et que les récents soulèvements populaires n’ont pas su résoudre. Xavier m’avait demandé de vous en glisser quelques mots.
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Rompre le tabou ambiant
Il s’agit du tabou. Le tabou quant à notre devenir collectif. Le tabou quant à la question nationale. Une sorte de censure qui s’impose à nos esprits, comme une camisole de force pour la conscience politique. Le tabou : prison pour l’expression de notre condition historique. Interdit de penser. Interdit de cité. Le tabou, c’est l’enfoncement de nos cerveaux dans un moulin à viande, la dictature de la mièvrerie, du convenu, de la political correctness et du statu quo. C’est notre ceinture de chasteté politique. Trop de Québécois y succombent, peut-être par fatigue politique, comme le pensait Hubert Aquin… [Cette partie est inspirée d’un poème de Claude Gauvreau sur la censure.]
Mais c’est malheureux, puisque le Canada semble incarné dans le silence et dans ce tabou. Un véritable fantôme ! Et qui réussit tout de même à en terrifier plus d’un. Parce que bien des gens semblent toujours croire aux fantômes, ici-bas !
C’est la terreur par le silence : le régime d’Ottawa a réussi à ce que nous intériorisions cette terreur, jusqu’à développer une phobie de toute parole libératrice, jusqu’à se spécialiser dans les réflexes d’évitement. Ainsi préfère-t-on généralement réfléchir l’accessoire plutôt que de s’attaquer au principal. La critique du système et de l’État canadiens a été sacrifiée au profit d’une simple critique partisane, dans le système, qui nous fait oublier la racine d’une bonne partie de nos problèmes. On voit l’arbre sans percevoir la forêt. On voit Harper, mais on ne perçoit plus assez l’architecture du régime qui le supporte.
En fait, c’est comme si on avait oublié que nous ne sommes toujours pas Maîtres chez nous, au sens véritable de l’expression. Nos représentants se comportent en femmes et en hommes d’État, alors que notre Souveraineté est encore à conquérir. On se croit majoritaire, mais les Québécois qui parlent la langue nationale n’ont encore rien des pouvoirs d’une véritable majorité : nous ne sommes que numériquement supérieurs au sein d’un enclos provincial canadien. Après des décennies de lutte, nous ne sommes pas plus avancés : nous sommes toujours une minorité dans l’espace continental canadien. Même la situation du français à Montréal commence à ressembler à celle des années 60. Notre statut de minoritaires, et par extension, de perdants, le régime fédéral se charge bien de nous le rappeler. On n’a qu’à penser aux plus récents événements, aux décisions que prend Ottawa en envoyant au diable nos consensus et nos intérêts nationaux !
À tout cela, au tabou que nous impose notre condition, je ne vois qu’un seul remède. Une seule formule magique, mais qui n’a rien de magique lorsqu’elle se traduit en Actes. Cette formule, ce remède à notre enserrement moral et politique consiste à gueuler, à gueuler sans gêne, tant intérieurement que publiquement, ce mot noble : IN-DÉ-PEN-DAN-CE !!!
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Ottawa contre les étudiants
Mes amis, avec toute cette effervescence populaire à laquelle on assiste ces derniers mois, je ne peux m’empêcher de dire quelques mots au sujet de la crise étudiante.
En ce « printemps québécois », le combat des étudiants et d’une bonne partie de la population pour l’accessibilité à l’éducation a surtout été dirigé contre le gouvernement du Québec et Jean Charest. Ce qui est bien. Mais on tend à oublier presque totalement la responsabilité de l’État fédéral face à l’émergence de cette crise étudiante, devenue crise sociale. Que les Mulcair, Ray et Harper soient demeurés muets comme des carpes sur le sujet, sauf pour légitimer la loi 78, pourtant décriée jusque dans les grands fora internationaux, ce n’est pas un hasard : les politiciens fédéralistes n’ont pas intérêt à ce que ce conflit déborde l’enclos provincial ni l’axe gauche-droite. Le silence, le tabou, encore une fois, domine.
Chaque année, les contribuables québécois, après avoir rempli leurs deux déclarations d’impôts, - petite opération administrative qui à elle seule coûte 800 millions de dollars en trop par année - ; les contribuables québécois transfèrent donc chaque année plus de 50 milliards de dollars au gouvernement d’Ottawa. Et Ottawa les répartit en finançant des programmes et des institutions selon les priorités du Canada, - c’est-à-dire du « Canada anglais » -, priorités qui bien souvent ne correspondent en rien aux intérêts nationaux du Québec. Par exemple, les sommes investies par Ottawa pour l’achat d’un seul appareil F-35, soit 462 millions, suffiraient largement pour financer un réinvestissement substantiel en éducation postsecondaire. Et c’est sans parler des 490 milliards de dollars qu’investira le Canada dans le domaine militaire pour les deux prochaines décennies…
En tant que province, le Québec est impuissant par rapport aux 800 millions de dollars par année qu’Ottawa ne transfère plus à Québec pour le financement des cégeps et universités depuis les années 90. En vertu de son fameux « pouvoir fédéral de dépenser », le gouvernement canadien intervient par ailleurs d’une multitude de façons en matière d’éducation postsecondaire, un champ de compétence du Québec, que ce soit par le biais de la Fondation canadienne pour l’innovation, des Chaires de recherche du Canada, du programme canadien d’infrastructure du savoir ou autrement.
Au Québec, les universités anglophones, dont les étudiants se mobilisent nettement moins que ceux des autres universités, - vous aurez remarqué -, récoltent 72 des 302 chaires de recherche du Canada, ce qui représente près de 24% du total. Quant à la Fondation canadienne pour l’innovation, l’université McGill obtient à elle seule plus de 37% du financement
Les établissements anglophones de niveau universitaire au Québec reçoivent environ 36% de l’ensemble des subventions fédérales, soit près de 4,4 fois le poids démographique de la population de langue maternelle anglaise. Le sous-financement des universités francophones au Québec figure certainement parmi les causes de l’écart entre le taux de diplomation universitaire des jeunes francophones (qui n’est que de 22%) et celui des jeunes anglophones (qui frise les 33%). Au Québec, si les institutions francophones étaient équitablement financées en proportion de la population francophone, ces institutions recevraient au bas mot 500 millions de dollars de plus par année. Quant aux institutions francophones hors-Québec, dans les provinces anglophones, si ces institutions étaient équitablement financées, elles recevraient 615 millions de plus par année !
Enfin, si le Québec était indépendant, il pourrait éviter la canadianisation de son modèle d’éducation et cesser d’être systématiquement comparé aux « autres » provinces canadiennes en matière de droits de scolarité. Il pourrait plutôt se mesurer aux pays qui ont fait le choix de garantir à leurs citoyens une accessibilité universelle à l’éducation. Cela nous rappelle que le cheminement vers la gratuité scolaire fait partie des engagements ratifiés par le Canada dans le cadre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, engagements que seul le Québec, parmi toutes les provinces canadiennes, paraît susceptible d’honorer à terme, - à condition certes que nous continuions de manifester et d’avoir foi en notre avenir national.
Rappelons aussi que certaines provinces canadiennes ont mis de la pression sur Québec lors du dernier Conseil de la fédération pour que le gouvernement québécois accélèrent la hausse des frais de scolarité… L’Alberta et l’Ontario ont parlé. Le Québec a obéi.
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La monarchie canadienne : les sous-sujets de sa Majesté
Cela étant dit… Au moment où la jeunesse du Québec se soulève à la faveur d’un conflit étudiant qui a su canaliser la colère du Peuple et faire jaillir du volcan tranquille qui nous habitait, la lave incandescente d’un idéalisme collectif en réveil. Au moment où, massivement, on prend la rue pour faire entendre et ultimement pour imposer notre volonté démocratique, volonté qu’on voudrait reine en ce pays. Hé bien, même en ces temps de renouveau, même en ce printemps de notre histoire, il se trouve encore des gens pour s’émoustiller devant un portrait de la Reine... Vous comprendrez que j’aborde maintenant un autre sujet.
Au courant de la dernière année, on a vu le premier ministre canadien brandir à tous vents la reine, à l’occasion de son Jubilé de diamant…
Ce qu’il faut comprendre, c’est que contrairement à ce qu’on entend souvent, la monarchie n’est pas qu’un symbole au Canada, mais une véritable culture politique qui a su traverser toute l’histoire de ce pays et de ses institutions. Les pères fondateurs du Canada étaient des loyalistes convaincus, admirateurs du système anglais et héritiers d’une idéologie de seigneurs et de conquérants. Ceux-ci se disaient même fièrement et ouvertement contre la démocratie et répugnaient à l’idée que le Canada puisse être autre chose qu’un dominion néo-monarchique et néo-britannique.
Et ce ne sont pas que les politiciens canadiens-anglais qui adhéraient à ce point de vue, comme en témoignent les propos révélateurs de Georges-Étienne Cartier en 1864 : « Nous travaillons à notre tour à fonder ici une grande confédération [...] mais notre objet n’est point de le faire par la création d’institutions démocratiques; non, c’est plutôt d’aider l’élément monarchique à prendre parmi nous de plus profondes racines. » Bref, la Confédération a vu le jour dans la continuité du régime qui prévalait jusque-là, régime qui fut imposé et maintenu par la force des armes, faut-il le rappeler. Elle consacre la domination du Lion anglais, de l’Empire et de la bourgeoisie coloniale et industrielle d’Amérique du Nord britannique.
Dans cette vision des choses, propre à ceux qui ont fondé les institutions qui nous régissent encore aujourd’hui, le citoyen canadien n’a pas les attributs d’un citoyen au sens vrai du terme, mais ceux d’un simple sujet. Et c’est encore pire pour nous, Québécois, parce que ce régime, en nous annexant, en nous minorisant, pour finalement subordonner en permanence notre liberté à celle de la majorité anglophone, nous interdit d’être considérés comme les égaux des « vrais » sujets de sa Majesté, c’est-à-dire les sujets canadian, sous cette Couronne chimérique qui au fond sert de masque à une élite gouvernante et une oligarchie postcoloniale, elles-mêmes radicalement canadian. Le Canada a donc fait de nous en quelque sorte... des sujets de sujets; aussi bien dire des sous-sujets, dans ce royaume qui bien que grand comme un continent, ne nous ressemble en rien.
Mais si l’on approfondit la réflexion, on s’aperçoit que les récentes visites princières, la revalorisation des vieux symboles royaux par Harper, et maintenant le Jubilé ne visent pas tant à célébrer la Reine ou la famille Windsor elle-même qu’à glorifier le régime qui, tout en nous réduisant au statut de sous-sujets, confère au premier ministre fédéral et à son entourage leurs enviables privilèges politiques. Toutes ces campagnes de propagande, qui capitalisent sur notre indifférence et sur notre immobilisme, ont pour seul objet de favoriser la conservation de ce régime en lui fabriquant à coups de dizaines de millions de dollars, une image sympathique censée le légitimer. La royauté étant une question identitaire enracinée dans les récits féériques et artificiels de ce pays, l’occasion est belle pour renforcer l’unité canadienne, laquelle se moque bien, comme toujours, de la différence québécoise, en se moquant aussi de nos douleurs présentes et passées et de notre vieux fond républicain, par trop inoffensif, pour l’instant du moins, pour ralentir nos dirigeants dans leurs ardeurs royalistes...
On ne devrait donc pas se surprendre de l’orgie d’éloges et de célébrations royales mises en scène par le premier ministre ces derniers mois, car à travers la figure du monarque, c’est Harper, ce roi élu, qui se célèbre lui-même, en célébrant par la même occasion la clique qui l’entoure et un nationalisme canadian qui se dévoile sous son vrai jour. Dernier symbole de cette frénésie royaliste : le gouvernement fédéral a préféré prioriser le God Save The Queen aujourd’hui plutôt que l’O Canada, à l’occasion des célébrations du 1er juillet. Déjà qu’ils nous avaient usurpé l’O Canada, un hymne nationaliste québécois composé par Calixa Lavallée et commandité par la Société Saint-Jean-Baptiste, où vous vous trouvez en ce moment, là avec le God Save The Queen, c’est le comble, c’est le retour en arrière total. Et c’est insultant pour les Québécois.
Cela dit, il est encore temps de nous ressaisir et de montrer au monde que nous, le peuple du Québec, existons par-delà notre sujétion forcée à ce régime. La République et l’indépendance ne sont qu’une question de temps.
Merci beaucoup et vive la liberté ! Vive l’indépendance !


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